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24/10/1996 | FRANCE | N°95-82782

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 octobre 1996, 95-82782


REJET et CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Rémi, prévenu,
- l'administration des Douanes, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, chambre correctionnelle, en date du 13 avril 1995, qui, après avoir déclaré Rémi X... et Fernando Y... coupables d'infraction douanière, les a condamnés à des pénalités fiscales, mais n'a pas entièrement fait droit aux demandes de l'administration des Douanes.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en

défense ;
Sur les faits et la procédure :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaq...

REJET et CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Rémi, prévenu,
- l'administration des Douanes, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, chambre correctionnelle, en date du 13 avril 1995, qui, après avoir déclaré Rémi X... et Fernando Y... coupables d'infraction douanière, les a condamnés à des pénalités fiscales, mais n'a pas entièrement fait droit aux demandes de l'administration des Douanes.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur les faits et la procédure :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que l'administration des Douanes, ayant découvert que des cigarettes et des alcools, prétendument exportés de la Réunion vers Mayotte, étaient en fait revendus en fraude sur le marché intérieur, a procédé à une enquête et a cité directement devant le tribunal correctionnel, du chef de contrebande portant sur des marchandises fortement taxées, Patrick Z..., Fernando Y... et Rémi X..., ce dernier en qualité d'intéressé à la fraude ;
Que le tribunal correctionnel, après avoir déclaré les prévenus coupables des faits reprochés, les a condamnés solidairement au paiement des droits et taxes éludés, a condamné Patrick Z..., solidairement avec les autres prévenus, à payer à l'administration des Douanes 320 000 francs pour tenir lieu de confiscation et pareille somme à titre d'amende fiscale, mais, faisant bénéficier des circonstances atténuantes Rémi X... et Fernando Y..., a réduit à leur égard au 1 / 3 des sommes dues les condamnations solidaires au titre de la confiscation et de l'amende fiscale ;
Que la cour d'appel, par l'arrêt attaqué, après avoir confirmé les dispositions du jugement relatives à la culpabilité et au paiement des droits et taxes éludés, a limité à 50 000 francs à l'égard de Rémi X... et à 5 000 francs à l'égard de Fernando Y... le montant des condamnations prononcées au titre de la confiscation et de l'amende fiscale ;
En cet état :
I. Sur le pourvoi de Rémi X... :
Sur le moyen unique de cassation proposé par Me Bouthors pris de la violation des articles 6, paragraphes 1 et 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 7, 215, 399, 406, 407 et 414 du Code des douanes, 591 à 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt a condamné le prévenu pour avoir participé en tant qu'intéressé à la fraude à des importations en contrebande de marchandises fortement taxées ;
" aux motifs, sur la prescription, que les faits incriminés, commis en 1988 et 1989, ont fait l'objet d'une enquête douanière en 1990 et de citations délivrées aux prévenus en novembre 1992, de sorte que la prescription de l'action publique n'était pas acquise lorsque le tribunal a statué ; que, sur les faits reprochés à Rémi X..., c'est par des motifs pertinents, que la Cour adopte, que le tribunal a retenu que les modalités de facturation et de paiement intervenues en l'espèce, telles que décrites précédemment, ne pouvaient lui permettre d'arguer de sa bonne foi ; qu'il s'avère que les premiers juges ont fait une juste appréciation des éléments de la cause en le retenant dans les liens de la prévention ;
" 1° Alors que, d'une part, en l'état de la citation directe du 9 novembre 1992, visant des faits situés courant 1988 et 1989, la cour d'appel n'a pu rejeter l'exception de prescription des faits antérieurs au 9 novembre 1989, motif seulement pris de l'existence d'une enquête douanière ; qu'il lui appartenait, en effet, d'établir que cette enquête avait donné lieu à l'établissement de procès-verbaux réguliers susceptibles d'avoir interrompu la prescription ;
" 2° Alors que, d'autre part, en l'état de la prévention portant sur les conditions dans lesquelles des marchandises, régulièrement exportées de la Réunion à Mayotte, avaient ensuite fait l'objet d'une réimportation en contrebande à la Réunion, la cour d'appel ne pouvait retenir la culpabilité de l'exportateur initial, lequel était demeuré totalement étranger à la réimportation incriminée, directement opérée par des moyens militaires à l'initiative de responsables de la Légion étrangère en poste à Mayotte ; qu'en ne précisant pas autrement les conditions dans lesquelles l'exportateur aurait pu être associé à un plan de fraude ultérieur, la Cour a privé son arrêt de toute base légale ;
" 3° Alors, enfin, que l'exportateur ne pouvait légalement être présumé de mauvaise foi pour avoir accepté des paiements de " particuliers " au stade de l'exportation ; qu'en effet la prévention de contrebande était étrangère à l'exportation initiale, et qu'il n'était pas établi que les paiements dont s'agit émanant, selon toute apparence, de légionnaires basés à Mayotte provinssent des bénéficiaires de la réimportation incriminée, opérée ultérieurement par des cadres de la Légion ; qu'en se déterminant par des motifs inopérants la Cour a privé sa décision de motifs et a méconnu la présomption d'innocence " ;
Attendu que, pour dire non prescrite l'infraction douanière poursuivie, la cour d'appel relève, par motifs propres et adoptés, que les faits incriminés ont été commis en 1988 et 1989, qu'une enquête douanière, comportant notamment des procès-verbaux d'audition dressés en mars 1990, a été diligentée, et que les citations ont été délivrées aux prévenus en novembre 1992, " de sorte que la prescription n'était pas acquise lorsque le tribunal a statué " ;
Que, pour déclarer Rémi X... coupable de l'infraction douanière visée à la prévention, l'arrêt attaqué retient que les alcools et cigarettes, que Fernando Y... lui commandait pour une unité militaire à Mayotte, sortaient de son entrepôt, en exonération de droits et taxes, sous le couvert d'une facture globale et d'une déclaration d'exportation souscrite par ses soins ; que, cependant, une partie des marchandises expédiées à Mayotte était aussitôt réintroduite en contrebande à la Réunion, cependant que d'autres marchandises, au lieu d'être exportées, étaient directement transférées de l'entrepôt du demandeur dans une caserne ;
Que les juges ajoutent que Rémi X... établissait une double facturation, qu'il était payé pour partie par des chèques du Trésor public et pour le surplus par des chèques de particuliers, et que ces modalités de facturation et de paiement ne pouvaient lui permettre d'arguer de sa bonne foi ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui répondent sans insuffisance aux conclusions du demandeur et caractérisent la participation de Rémi X... à l'infraction douanière en qualité d'intéressé à la fraude, au sens de l'article 399 du Code des douanes, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
II. Sur le pourvoi de l'administration des Douanes :
Sur le moyen unique de cassation proposé par la société civile professionnelle Boré et Xavier, pris de la violation des articles 369, 414 du Code des douanes, 112-1, alinéa 3, du Code pénal, 322 et 323 de la loi du 16 décembre 1992, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué n'a condamné Rémi X... qu'au paiement d'une somme de 50 000 francs pour tenir lieu de confiscation des marchandises non saisies et à une amende de 5 000 francs, et Fernando Y... qu'au paiement de deux sommes de 5 000 francs respectivement pour tenir lieu de confiscation des marchandises non saisies et à titre d'amende ;
" aux motifs qu'antérieurement à la loi du 29 décembre 1977 les amendes et confiscation douanières s'analysaient comme des réparations civiles, exclusives de tout caractère pénal ; qu'il est désormais de principe de leur reconnaître un caractère mixte, où prédomine l'aspect pénal, de sorte que la suppression du mécanisme des circonstances atténuantes en droit pénal doit trouver application en droit douanier, non seulement pour les sanctions pénales, mais également pour les sanctions fiscales ; que, pour apprécier la portée des articles 322 et 323 de la loi du 16 décembre 1992, il convient de considérer que le législateur n'a pas uniquement entendu effacer les références textuelles aux minima des peines ou aux circonstances atténuantes, mais a voulu supprimer le mécanisme même des circonstances atténuantes, dans un souci " d'éviter d'inutiles complications " et de " reconnaître au juge la plus grande liberté dans la détermination de la sanction pénale ", et que la mise en oeuvre de ces dispositions nouvelles en matière douanière est moins sévère que les dispositions anciennes, et qu'elles doivent donc, selon l'article 112-1, alinéa 3, du Code pénal, s'appliquer aux infractions commises avant leur entrée en vigueur ;
" alors que les textes de droit douanier, qui constitue un droit spécial, dérogatoire au droit commun et qui s'impose en cas de conflit avec une règle générale, sont d'interprétation stricte, et qu'il est interdit au juge d'en étendre ou d'en modifier la portée ; qu'aucune disposition législative n'a abrogé l'article 369 du Code des douanes permettant au juge d'accorder les circonstances atténuantes et de réduire au 1 / 3 le montant des pénalités douanières ; que, cet article 369 ne prévoyant pas un seuil minimal d'amende, l'article 322 de la loi du 16 décembre 1992, supprimant, dans les textes prévoyant qu'un crime ou un délit est puni d'une peine d'amende, d'emprisonnement, de détention ou de réclusion, les mentions relatives aux minima des peines d'amende ou privatives de liberté, est inapplicable ; qu'en outre l'article 369 ne comportant aucune référence à l'article 463 du Code pénal est également inapplicable ; qu'en refusant d'appliquer l'article 369 du Code des douanes, motifs pris des dispositions des articles 322 et 323 de cette loi, et que l'article 369 aurait été modifié par la réforme du Code pénal, la cour d'appel a violé ce dernier texte, par refus d'application, et les articles 112-1, alinéa 3, du Code pénal, 322 et 323 de la loi susvisée par fausse application " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'en cas d'infraction douanière, selon l'article 369, paragraphe 1, du Code des douanes, le tribunal, s'il retient des circonstances atténuantes, peut réduire le montant des sommes tenant lieu de confiscation des marchandises de fraude jusqu'au 1 / 3 de la valeur de ces marchandises, et celui des amendes fiscales jusqu'au 1 / 3 de leur montant minimal ;
Attendu que, pour condamner Rémi X... et Fernando Y..., reconnus coupable d'un délit douanier, au paiement de sommes inférieures au 1 / 3 de la valeur des marchandises de fraude, tant pour tenir lieu de confiscation qu'à titre d'amende fiscale, l'arrêt attaqué énonce que, par les articles 322 et 323 de la loi du 16 décembre 1992, " le législateur n'a pas entendu uniquement effacer les références textuelles aux minima des peines ou aux circonstances atténuantes, mais a voulu supprimer le mécanisme des circonstances atténuantes, dans un souci d'éviter d'inutiles complications et de reconnaître au juge la plus grande liberté dans la détermination de la sanction pénale " ;
Que la juridiction du second degré ajoute que ces textes doivent " trouver application en droit douanier, non seulement pour les sanctions pénales, mais également pour les sanctions fiscales ", auxquelles est reconnu " un caractère mixte, où prédomine l'aspect pénal ", que les dispositions nouvelles, étant moins sévères que les dispositions anciennes, s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur, selon l'article 112-1, alinéa 3, du Code pénal, et que, dès lors, " la possibilité de la réduction du montant des amendes fiscales n'est plus limitée au 1 / 3 de leur montant minimal " ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que, d'une part, l'article 322 de la loi du 16 décembre 1992 n'est pas applicable aux confiscations et amendes fiscales, proportionnelles à la valeur des marchandises de fraude qui ont le double caractère de sanctions pénales et de réparations civiles, et que, d'autre part, l'article 323 de ladite loi n'entraîne aucune modification de l'article 369, paragraphe 1, du Code des douanes, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes et principe ci-dessus rappelés ;
Que, dès lors, la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
I. Sur le pourvoi de Rémi X... :
Le REJETTE ;
II. Sur le pourvoi de l'administration des Douanes :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, en date du 13 avril 1995, mais en ses seules dispositions concernant les condamnations prononcées contre Rémi X... et Fernando Y... pour tenir lieu de confiscation et à titre d'amende fiscale, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 95-82782
Date de la décision : 24/10/1996
Sens de l'arrêt : Rejet et cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

DOUANES - Peines - Amende - Montant - Dispositions des articles 322 et 323 de la loi du 16 décembre 1992 - Incidence sur l'article 369 du Code des douanes (non).

DOUANES - Peines - Confiscation - Montant - Dispositions des articles 322 et 323 de la loi du 16 décembre 1992 - Incidence sur l'article 369 du Code des douanes (non)

Les dispositions de l'article 322 de la loi du 16 décembre 1992 ne sont pas applicables aux confiscations et amendes fiscales, proportionnelles à la valeur des marchandises de fraude, qui ont le double caractère de sanctions pénales et de réparations civiles. L'article 323 de ladite loi n'entraîne aucune modification de l'article 369, paragraphe 1, du Code des douanes.


Références :

Code des douanes 369, paragraphe 1
Loi 92-1336 du 16 décembre 1992 art. 322, art. 323

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion (chambre correctionnelle), 13 avril 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 24 oct. 1996, pourvoi n°95-82782, Bull. crim. criminel 1996 N° 373 p. 1092
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1996 N° 373 p. 1092

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Roman, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Amiel.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Schumacher.
Avocat(s) : Avocats : M. Bouthors, la SCP Boré et Xavier, M. Brouchot.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:95.82782
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