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24/10/1996 | FRANCE | N°93-41556

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 octobre 1996, 93-41556


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 4 février 1993), que M. X..., au service de la Caisse fédérale du Crédit mutuel depuis 1973, a été classé, en tant que gérant de caisse G4, à compter de 1985 ; que, devant le refus de l'employeur de lui reconnaître la qualification C1 à laquelle il estimait pouvoir prétendre depuis avril 1989, il a saisi la juridiction prud'homale en paiement de rappel de salaires, indemnité conventionnelle de licenciement et dommages-intérêts pour rupture abusive ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la Caisse fédérale du Crédit mutuel f

ait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer une somme à titre de rappel de...

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 4 février 1993), que M. X..., au service de la Caisse fédérale du Crédit mutuel depuis 1973, a été classé, en tant que gérant de caisse G4, à compter de 1985 ; que, devant le refus de l'employeur de lui reconnaître la qualification C1 à laquelle il estimait pouvoir prétendre depuis avril 1989, il a saisi la juridiction prud'homale en paiement de rappel de salaires, indemnité conventionnelle de licenciement et dommages-intérêts pour rupture abusive ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la Caisse fédérale du Crédit mutuel fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer une somme à titre de rappel de salaires, alors, selon le moyen, d'une part, que, dans ses conclusions, elle avait relevé que non seulement elle avait fourni des explications au salarié sur le refus de sa promotion par lettre du 11 juillet 1990 et au cours d'entretiens, mais encore qu'elle s'était tenue à sa disposition pour lui préciser de nouveau les raisons de ce refus, qu'enfin, M. X... s'était abstenu de réclamer ces autres indications ; que la cour d'appel, qui n'a pas répondu à ces conclusions, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; que, d'autre part, en toute hypothèse, la convention collective du 30 juin 1978 n'accorde au salarié aucun droit à une promotion automatique notamment en cas d'explications insuffisantes de la direction sur l'appréciation des critères indiqués par ce texte pour déterminer la qualification des postes de directeur ; que la cour d'appel a ainsi violé les dispositions de l'annexe I-3 de la convention collective du 30 juin 1978 ainsi que l'article 1134 du Code civil ; qu'enfin, le juge ne peut se substituer à l'employeur pour accorder au salarié un rappel de salaire au titre d'un avancement non obtenu ; qu'en imposant une promotion au Crédit mutuel au profit de M. X..., la cour d'appel s'est substituée à l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction au regard des articles 3 de l'annexe I à l'avenant n° 5 de la convention collective précitée, L. 121-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;

Mais attendu que l'annexe I-3 de l'avenant n° 5 à la convention collective du 30 juin 1978 dispose que pour déterminer le niveau de responsabilité et donc la qualification des postes de gérants et directeurs, les critères les plus significatifs sont les suivants :

le volume et la structure des dépôts et crédits, l'effectif salarié à encadrer, le potentiel de la Caisse, les délégations accordées en matière de crédits ; qu'aucun des quatre critères n'étant à lui seul suffisant pour déterminer la qualification des gérants et directeurs, le critère " dépôts et crédits servira de référence mais sera pondéré, le cas échéant, par les trois autres, cela impliquant que l'employeur pourra soit anticiper, soit retarder ou refuser les promotions qui résulteraient d'une application automatique de la grille des dépôts et des crédits ; que, dans ce dernier cas, l'employeur s'engage à fournir à l'intéressé les raisons qui motivent ce refus de promotion ;

Et attendu que la cour d'appel a exactement déduit de ces dispositions que la décision de l'employeur relevait non de son seul pouvoir discrétionnaire, mais de l'application d'une classification conventionnelle qui ne pouvait être écartée que pour des motifs sérieux et vérifiables ; qu'ayant relevé que M. X... remplissait, à la date du 1er avril 1989, toutes les conditions objectives exigées pour l'accès à la qualification C1 et que la lettre de l'employeur lui refusant cette promotion ne comportait aucune explication valable, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la Caisse fédérale du Crédit mutuel fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et dommages-intérêts pour rupture abusive, alors, selon le moyen, qu'en conservant au salarié la même échelle G4, elle n'a apporté aucune modification à son contrat, que son refus de le promouvoir ne constituait pas une modification d'un élément essentiel de ce contrat ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-4 du Code du travail ; que l'insuffisance des explications fournies à M. X... sur les raisons du refus de sa promotion n'avait pas de lien avec une modification substantielle de son contrat de travail ; que la cour d'appel, en établissant une telle liaison, n'a pas justifié sa décision au regard de l'article précité ; qu'à supposer que le rejet de promotion était de nature à fonder une rupture et justifier son imputation à la Caisse du Crédit mutuel, il n'en résultait pas pour autant que la rupture était dépourvue de cause réelle et sérieuse, l'employeur étant pleinement en droit d'apprécier l'aptitude du salarié à être nommé au grade supérieur ; que la cour d'appel a ainsi violé l'article L. 122-14-3 du Code du travail ; qu'il lui fallait à tout le moins motiver sa décision sur l'abus commis par la Caisse ; qu'en s'abstenant de le faire, elle n'a pas satisfait aux prescriptions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le refus injustifié de reconnaître au salarié la qualification et les avantages conventionnels attachés aux fonctions qu'il exerçait constituait la violation d'une obligation essentielle, la cour d'appel a pu décider que la rupture était imputable à l'employeur et que celle-ci s'analysant en un licenciement ne reposant sur aucun motif, elle ouvrait droit à l'indemnité conventionnelle de licenciement et à dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 93-41556
Date de la décision : 24/10/1996
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° CONVENTIONS COLLECTIVES - Banque - Crédit mutuel - Convention collective du 30 juin 1978 - Annexe I-3 de l'avenant n° 5 du 18 décembre 1984 - Gérants et directeurs - Qualification et responsabilités - Détermination.

1° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Employeur - Pouvoir de direction - Etendue - Catégorie professionnelle - Classement - Classification prévue par une convention collective - Dérogation - Motifs sérieux et vérifiables - Nécessité.

1° Il résulte de l'annexe I-3 de l'avenant n° 5 à la convention collective du 30 juin 1978 que la décision de l'employeur relative à la détermination du niveau de responsabilité et à la qualification des postes de gérant et directeur, relève non de son seul pouvoir discrétionnaire, mais de l'application d'une classification conventionnelle qui ne peut être écartée que pour des motifs sérieux et vérifiables.

2° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Licenciement - Cause - Cause réelle et sérieuse - Défaut - Reconnaissance de la qualification et des avantages conventionnels - Refus injustifié.

2° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Imputabilité - Inexécution par l'employeur de ses obligations - Reconnaissance de la qualification et des avantages conventionnels - Refus injustifié - Effet.

2° Ayant relevé que le refus injustifié de reconnaître au salarié la qualification et les avantages conventionnels attachés aux fonctions qu'il exerçait constitue la violation d'une obligation essentielle, une cour d'appel peut décider que la rupture est imputable à l'employeur et s'analyse en un licenciement ne reposant sur aucun motif.


Références :

1° :
Convention collective du 30 juin 1978 Annexe I-3 de l'avenant n° 5
Convention collective du 18 décembre 1984

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 04 février 1993


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 oct. 1996, pourvoi n°93-41556, Bull. civ. 1996 V N° 345 p. 245
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1996 V N° 345 p. 245

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gélineau-Larrivet .
Avocat général : Avocat général : M. Martin.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Finance.
Avocat(s) : Avocat : M. Copper-Royer.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:93.41556
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