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22/10/1996 | FRANCE | N°94-42971

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 octobre 1996, 94-42971


Attendu que M. X..., engagé le 29 décembre 1975, en qualité de chauffeur poids lourds, par la société Parias a été impliqué dans un accident de la circulation, le 19 octobre 1989, alors qu'il conduisait un camion appartenant à son employeur ; que ce dernier l'a licencié pour faute grave par lettre du 13 novembre 1989 ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale en réclamant le paiement de rappel de salaire, d'indemnités de rupture, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que pour n'avoir pu bénéficier du repos compensateur auquel lui

donnait droit l'accomplissement d'heures supplémentaires au cours...

Attendu que M. X..., engagé le 29 décembre 1975, en qualité de chauffeur poids lourds, par la société Parias a été impliqué dans un accident de la circulation, le 19 octobre 1989, alors qu'il conduisait un camion appartenant à son employeur ; que ce dernier l'a licencié pour faute grave par lettre du 13 novembre 1989 ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale en réclamant le paiement de rappel de salaire, d'indemnités de rupture, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que pour n'avoir pu bénéficier du repos compensateur auquel lui donnait droit l'accomplissement d'heures supplémentaires au cours des années 1986 à 1989 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer au salarié une indemnité conventionnelle de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents ainsi que des dommages-intérêts en raison de la nullité du licenciement, alors, selon le moyen, que la législation protectrice des articles L. 122-32-1 et suivants du Code du travail est inapplicable lorsque le salarié a été victime d'un accident de trajet, et non d'un accident de travail ; qu'en se déterminant de la sorte, après avoir constaté que l'accident, dont le salarié avait été victime, avait eu lieu alors qu'il se rendait à son domicile et non chez un client, sans rechercher si le salarié n'avait pas été victime d'un accident de trajet, et non d'un accident du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles susvisés ; alors, en outre, que si la période de protection dont bénéficie le salarié victime d'un accident du travail ne prend fin que lors de la visite de reprise du travail, et non pas à la date de consolidation, elle prend en toute hypothèse nécessairement fin à la date à laquelle le salarié a effectivement repris le travail, le contrat n'étant plus suspendu à compter de cette date ; qu'en se déterminant de la sorte après avoir constaté que le salarié avait repris son travail le 6 novembre 1989, et qu'il n'avait été licencié que le 13 novembre suivant, soit postérieurement à l'expiration de la période de suspension de son contrat, la cour d'appel a violé les articles L. 122-32-1 et suivants du Code du travail par fausse application ; alors, encore, que le constat d'accident automobile à partir duquel la cour d'appel s'est prononcée sur ses circonstances précisait que, lors de l'accident, le véhicule conduit par le salarié " empiétait sur la partie de chaussée réservée à la circulation en sens inverse " ; que le véhicule conduit par le salarié s'étant ainsi nécessairement déporté à gauche lors de l'accident, celui-ci ne pouvait pas s'expliquer par le fait que " le véhicule tirait à droite au freinage " ; qu'en se déterminant, dès lors, à partir d'un motif inopérant à écarter la faute qu'il était reproché au salarié d'avoir commise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-32-2 du Code du travail ; alors, au surplus, qu'il résulte de la combinaison de l'article L. 122-32-2 du Code du travail avec l'ensemble des règles particulières aux salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle édictées par les articles L. 122-32-1 et suivants du Code du travail que la nullité du licenciement prononcé par l'employeur au cours de la suspension du contrat de travail provoquée par un accident du travail ou une maladie professionnelle n'ouvre droit pour le salarié, qu'à des dommages-intérêts, les dispositions de l'article L. 122-8 dudit Code, relatives à l'indemnité de préavis, n'étant pas applicables dans ce cas ; qu'en allouant au salarié une indemnité compensatrice de préavis, la cour d'appel a violé l'article L. 122-32-2 précité du Code du travail ; alors, enfin, qu'il résulte de la combinaison de l'article L. 122-32-2 du Code du travail avec l'ensemble des règles particulières aux salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle édictées par les

articles L. 122-32-1 et suivants du Code du travail que la nullité du licenciement prononcé par l'employeur au cours de la suspension du contrat de travail provoquée par un accident du travail ou une maladie professionnelle n'ouvre droit, pour le salarié qu'à des dommages-intérêts, les dispositions de l'article L. 122-9 dudit Code relatives à l'indemnité de licenciement, n'étant pas applicables dans ce cas ; qu'en allouant au salarié une indemnité conventionnelle de licenciement la cour d'appel a violé l'article L. 122-32-2 précité du Code du travail ;

Mais attendu, d'abord, qu'il ne résulte pas de l'arrêt ni des pièces de la procédure que l'employeur ait contesté devant la cour d'appel les affirmations du salarié selon lesquelles il avait été victime d'un accident du travail ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel après avoir constaté que le salarié avait été en arrêt de travail à partir du 20 octobre 1989, suite à l'accident du travail dont il avait été victime, a décidé à bon droit, en l'absence de visite de reprise du travail par le médecin du travail, que le licenciement était intervenu au cours de la période de suspension du contrat de travail ;

Attendu, encore, que, sous couvert du grief non fondé de manque de base légale, le moyen en sa troisième branche ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des faits par les juges du fond ;

Attendu, en outre, qu'aucune faute grave n'étant retenue à l'encontre du salarié, l'employeur qui l'a licencié à tort sans préavis, se trouve débiteur envers lui d'une indemnité compensatrice de préavis dont il est tenu de lui verser le montant intégral pour toute la durée où il aurait dû l'exécuter, nonobstant la suspension du contrat de travail au cours de cette période, l'inexécution du préavis n'ayant pas pour cause cette suspension du contrat de travail, mais la décision de l'employeur de le priver du délai-congé ;

Attendu, enfin, que si le salarié ne pouvait prétendre à l'indemnité spéciale de licenciement prévue à l'article L. 122-32-6 du Code du travail, la cour d'appel a justement décidé qu'il pouvait bénéficier de l'indemnité conventionnelle de licenciement, dès lors que la convention collective applicable ne l'excluait pas en cas de licenciement au cours des périodes de suspension du contrat de travail résultant d'un accident du travail ;

D'où il suit que le moyen, qui est irrecevable dans sa première branche comme nouveau et mélangé de fait et de droit, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le second moyen pris en sa première branche :

Vu les articles 2 du Code civil, L. 215-5-1, alinéa 2, du Code du travail dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 2 janvier 1990 ;

Attendu que, pour condamner l'employeur au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts pour perte de repos compensateur, la cour d'appel énonce que conformément à l'article L. 212-5-1, 2e alinéa, du Code du travail, dans les entreprises de plus de dix salariés assujetties à une convention ou un accord collectif étendu prévoyant un contingent fixé par décret, le repos compensateur est d'une durée égale à 50 % des heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent fixé par décret et à 100 % des heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent prévu par la convention ou l'accord étendu ; qu'elle retient que le nombre d'heures supplémentaires effectuées par le salarié au-delà du contingent conventionnel lui ouvre droit à repos compensateur dont la durée est égale à 100 % ; qu'elle relève qu'en application de l'article L. 212-5-1 du Code du travail in fine le salarié dont le contrat a été résilié sans qu'il ait pu bénéficier du repos compensateur auquel il avait droit peut prétendre au versement d'une indemnité correspondant à ses droits acquis et qu'en outre le salarié est fondé à obtenir réparation du préjudice résultant de la faute de l'employeur qui n'a pas informé régulièrement le salarié de ses droits à repos compensateur comme l'exige l'article D. 212-11 du Code du travail ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article L. 212-5-1, alinéa 2, du Code du travail dans sa rédaction résultant de la loi du 2 janvier 1990 et prévoyant un repos compensateur égal à 100 % des heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent conventionnel, n'étaient pas applicables à des heures supplémentaires accomplies avant l'entrée en vigueur de cette loi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement dans ses dispositions condamnant l'employeur au paiement de dommages-intérêts pour perte de repos compensateur, l'arrêt rendu le 4 mai 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 94-42971
Date de la décision : 22/10/1996
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Licenciement - Cause - Accident du travail ou maladie professionnelle - Suspension du contrat - Licenciement pendant la période de suspension - Absence de délai-congé - Défaut imputable à l'employeur - Indemnité de préavis - Nécessité.

1° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Maladie du salarié - Accident du travail ou maladie professionnelle - Suspension du contrat - Licenciement pendant la période de suspension - Absence de délai-congé - Défaut imputable à l'employeur - Indemnité de préavis - Nécessité.

1° Aucune faute grave n'étant retenue à l'encontre d'un salarié, licencié, en l'absence de visite de reprise du travail par le médecin du Travail, au cours de la période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail, l'employeur qui l'a licencié à tort sans préavis, se trouve débiteur envers lui d'une indemnité compensatrice de préavis dont il est tenu de lui verser le montant intégral pour toute la durée où il aurait dû l'exécuter, nonobstant la suspension du contrat au cours de cette période, l'inexécution du préavis n'ayant pas pour cause cette suspension du contrat de travail, mais la décision de l'employeur de le priver du délai-congé.

2° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Licenciement - Cause - Accident du travail ou maladie professionnelle - Suspension du contrat - Licenciement pendant la période de suspension - Indemnité conventionnelle de licenciement - Possibilité.

2° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Maladie du salarié - Accident du travail ou maladie professionnelle - Suspension du contrat - Licenciement pendant la période de suspension - Indemnité conventionnelle de licenciement - Possibilité 2° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Licenciement - Cause - Accident du travail ou maladie professionnelle - Suspension du contrat - Licenciement pendant la période de suspension - Indemnité spéciale de licenciement (non) 2° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Maladie du salarié - Accident du travail ou maladie professionnelle - Suspension du contrat - Licenciement pendant la période de suspension - Indemnité spéciale de licenciement (non).

2° Si le salarié ne peut prétendre à l'indemnité spéciale de licenciement prévue à l'article L. 122-32-6 du Code du travail, il peut bénéficier de l'indemnité conventionnelle de licenciement, dès lors que la convention collective applicable ne l'exclut pas en cas de licenciement au cours des périodes de suspension du contrat de travail résultant d'un accident du travail.


Références :

2° :
Code du travail L122-32-6

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 04 mai 1994

A RAPPROCHER : (2°). Chambre sociale, 1996-03-12, Bulletin 1996, V, n° 90 (3), p. 62 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 oct. 1996, pourvoi n°94-42971, Bull. civ. 1996 V N° 338 p. 239
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1996 V N° 338 p. 239

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gélineau-Larrivet .
Avocat général : Avocat général : M. Martin.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Merlin.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:94.42971
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