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09/10/1996 | FRANCE | N°93-10330

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 09 octobre 1996, 93-10330


Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que le journal Y... a publié, les 18 et 20 septembre 1991, deux articles de M. Z... respectivement intitulés : " Dans un rapport préliminaire du National Institute of Health American, le professeur X... est accusé d'avoir "censuré" l'article sur la découverte du virus du SIDA " et " L'épilogue de l'affaire X... Le Gouvernement n'exclut plus une renégociation de l'accord Reagan-Chirac de 1987 sur le SIDA " ; estimant que ces écrits comportaient des allégations diffamatoires ou sub

sidiairement injurieuses ou fautives à son égard, M. X... a assig...

Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que le journal Y... a publié, les 18 et 20 septembre 1991, deux articles de M. Z... respectivement intitulés : " Dans un rapport préliminaire du National Institute of Health American, le professeur X... est accusé d'avoir "censuré" l'article sur la découverte du virus du SIDA " et " L'épilogue de l'affaire X... Le Gouvernement n'exclut plus une renégociation de l'accord Reagan-Chirac de 1987 sur le SIDA " ; estimant que ces écrits comportaient des allégations diffamatoires ou subsidiairement injurieuses ou fautives à son égard, M. X... a assigné la société éditrice du journal Y..., M. A..., directeur de la publication, et M. Z... aux fins de les voir condamner ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté M. X... de son action en diffamation, alors, selon le moyen, qu'après avoir indiqué que M. B... avait " craqué ", et " refusé de porter le chapeau des irrégularités commises " que M. X... " a tout simplement censuré l'empêchant d'écrire après des discussions pour le moins animées ", qu'il avait utilisé le virus de l'Institut Pasteur, empêchant par là même que la paternité des chercheurs français sur la décourverte du virus du SIDA soit reconnue, M. Z... affirmait que " pour les experts du NIH, il ne fait dès lors plus de doute que le professeur X... a exercé une "censure caractérisée", contrevenant ainsi aux règles les plus élémentaires de la communication scientifique " ; que " par la suite, des années durant, il n'a cessé de mentir " à cet égard et que " les experts du NIH s'en tiennent donc à l'accusation de censure " ; que si " le mot " de " censure n'apparaissait pas " en lui-même " outrancier " en l'état de l'enquête en cours, les enquêteurs, selon les extraits traduits du projet de leur rapport et ce que faisait valoir M. X..., n'avaient pas en revanche pour autant accusé M. X... d'avoir irrégulièrement tronqué l'article de son collaborateur ni d'avoir cherché à dissimuler la contribution de l'Institut Pasteur ; qu'en ne recherchant pas si M. Z... avait pu, de bonne foi, affirmer le contraire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ; alors que les Instituts nationaux de la santé (NIH) ont démenti, le 16 septembre 1991, l'article de John Crewdson qui a divulgué le projet de rapport, en soulignant que " fondé sur la communication non autorisée d'un document interne aux NIH ", et sur laquelle le FBI a ultérieurement enquêté, il tirait " des conclusions justifiées " ; qu'" aucune conclusion ne doit être tirée " du rapport ; que celle-ci serait une simple spéculation, les avocats des docteurs X... et B... ayant déjà soumis aux enquêteurs leurs réfutations écrites, ce qui défendait en conséquence à M. Z... d'omettre l'existence de leurs constatations et d'affirmer péremptoirement, à l'encontre du secret que les enquêteurs avaient voulu conserver ; que ceux-ci accusaient le professeur X... d'une censure pour eux indubitable ; qu'en décidant que M. Z... avait pu de bonne foi passer outre dans ses articles à ce démenti officiel au prétexte inopérant qu'il n'exonérait pas d'emblée M. X... de toute responsabilité, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; alors que M. Z... ne s'est pas contenté de faire état d'une censure possible, dont " le mot " pouvait ne pas apparaître outrancier en lui-même au regard de l'enquête ; qu'il l'a présentée systématiquement comme certaine, affirmant que M. X... " a tout simplement " censuré son collaborateur, l'empêchant d'écrire un compte rendu fidèle de son travail ; qu'il ne faisait plus de doute que M. X..., qui n'a cessé de mentir, a exercé une censure caractérisée et contrevenu aux règles élémentaires de sa profession ; que ces assertions catégoriques et sans réserve, sont incompatibles avec la prudence dans l'expression de la pensée à laquelle M. Z... était tenu, s'agissant d'une enquête en cours dont le rapport préliminaire confidentiel avait été, de surcroît, illicitement divulgué, et qu'en décidant du contraire la

cour d'appel a violé le texte susvisé ; alors que le devoir d'objectivité du journaliste, qui exige qu'il reste circonspect et prudent, lui commande également de présenter à ses lecteurs une enquête impartiale, non une thèse préétablie ; qu'en ne recherchant pas si M. Z..., qui avait conclu de ses allégations de censure certaine et de mensonges constants, " qu'on saura donc " prochainement si le professeur X... a ou non " délibérément volé " le virus de l'Institut Pasteur, a pu ainsi, de bonne foi, rendre compte de l'état exact et objectif de l'enquête des Instituts nationaux de la santé, en omettant de recueillir les objections de l'intéressé et en ne rapportant ni les communiqués officiels desdits Instituts des 3 octobre 1990 et 18 octobre 1991, qui avaient constaté pour répondre aux alléguations de vol que M. X... avait isolé d'autres virus du SIDA, ni le fait que le virus de l'Institut Pasteur qui s'était révélé identique au virus prototype dont s'était servi l'équipe du professeur X... pour publier ses recherches, avait déjà contaminé accidentellement les propres laboratoires dudit Institut, et à l'insu de celui-ci, ainsi qu'il l'a reconnu le 6 mai 1991, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

Mais attendu que l'arrêt retient que M. Z..., qui a rendu compte au fil des années de la polémique relative aux circonstances de la découverte du virus du SIDA, a effectué une enquête approfondie et sérieuse ; qu'il a certes tiré parti des révélations de J. Crewdson, mais en les corroborant par des données provenant du projet de rapport de l'Office of Scientific Integrity et en mentionnant les déclarations faites sous serment par les personnes entendues ; qu'il a insisté sur le caractère provisoire de ce rapport et que les termes qu'il a employés ne sont pas outranciers compte tenu de l'état des enquêtes en cours à la date des articles, les résultats définitifs de celles-ci n'étant par encore connus, et M. X... ne pouvant prétendre être exonéré par la mise au point des Instituts nationaux de la santé de septembre 1991 ;

Que, par ces motifs, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu décider que le journaliste était de bonne foi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 93-10330
Date de la décision : 09/10/1996
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

DIFFAMATION ET INJURES - Diffamation - Bonne foi - Constatations suffisantes .

DIFFAMATION ET INJURES - Diffamation - Intention de nuire - Présomption - Destruction - Faits justificatifs de la bonne foi - Constatations suffisantes

Deux articles d'un quotidien relatifs à la découverte du virus du SIDA, parus à la suite d'un rapport préliminaire du National Institute of Health American, ayant été estimés comme comportant des allégations diffamatoires, une cour d'appel retenant que le journaliste a rendu compte au fil des années de la polémique relative à la découverte de ce virus, qu'il a effectué une enquête approfondie et sérieuse, qu'il a corroboré les informations tirées d'un article paru dans un journal américain de données provenant du rapport préliminaire, qu'il a insisté sur le caractère provisoire de ce document et qu'il n'a pas employé de termes outranciers, compte tenu de l'état des enquêtes en cours à la date des articles, a pu décider que ce journaliste était de bonne foi.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 décembre 1992

A RAPPROCHER : Chambre civile 2, 1994-02-16, Bulletin 1994, II, n° 58, p. 33 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 09 oct. 1996, pourvoi n°93-10330, Bull. civ. 1996 II N° 223 p. 137
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1996 II N° 223 p. 137

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Zakine .
Avocat général : Avocat général : M. Kessous.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Mucchielli.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Piwnica et Molinié, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:93.10330
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