CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- l'agent judiciaire du Trésor, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 20e chambre, du 23 juin 1995, qui, dans la procédure suivie contre Frédéric Y... pour blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er et suivants de l'ordonnance du 7 janvier 1959, 1382 du Code civil, 2, 3 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué, statuant sur les conséquences de l'accident dont a été victime Edmond Z..., agent de l'Etat, a fixé le montant de son préjudice corporel soumis à recours à la seule somme de 485 794, 94 francs, absorbant la créance de l'Etat, limitée à ce montant ;
" aux motifs que l'expert conclut ainsi sur les divers éléments du préjudice corporel :
" l'incapacité de travail s'est étendue du 8 décembre 1986 jusqu'au 8 décembre 1987,
" la date de consolidation se fixe au 8 février 1989...
" les conclusions du rapport du docteur X... seront entérinées sur tous les points contestés ;
" au vu de ces conclusions, des pièces justificatives produites et des explications fournies, le préjudice corporel d'Edmond Z... sera évalué comme suit :
" 1. 2 Pertes de revenus résultant de l'ITT :
" Au vu des documents produits aux débats par le Trésor public, le total des rémunérations perçues par Edmond Z... pendant la période d'ITT telle que définie par l'expert s'élève, hors charges patronales, à un montant de 123 566, 98 francs ;
" 1. 3 IPP :
" La valeur du point sera fixée à 8 000 francs, soit 28 % 8 000 francs = 224 000 francs ;
" alors que le préjudice de droit commun servant de limite au remboursement des prestations versées par l'Etat doit être apprécié en tous ses éléments et faire l'objet d'une réparation intégrale ;
" qu'en l'état des conclusions de l'agent judiciaire, faisant valoir que les troubles physiologiques subis par Edmond Z... entre la fin de la période d'incapacité temporaire totale et la date de consolidation devaient être réparés par l'allocation d'une indemnité, la Cour, qui retenait les conclusions expertales, ne pouvait se borner à réparer le préjudice subi pendant la seule période de l'incapacité temporaire totale retenue par l'expert, sans tenir compte du préjudice subi entre la fin de cette période et celle de l'incapacité permanente partielle " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que la réparation du préjudice subi par la victime d'une infraction doit être intégrale ;
Attendu qu'en outre tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, se prononçant sur la réparation du préjudice découlant de l'atteinte à l'intégrité physique d'Edmond Z..., agent de l'Etat, blessé le 8 décembre 1986 lors d'un accident dont Frédéric Y... a été reconnu responsable, la juridiction du second degré, après avoir retenu la date du 8 décembre 1987 comme terme de la période d'incapacité temporaire de travail, fixe au 8 février 1989 la consolidation des blessures et à 28 % le taux de l'incapacité permanente ; qu'elle évalue ensuite l'indemnité réparatrice du préjudice soumis au recours du Trésor public à la somme de 485 794, 94 francs, comprenant notamment, au titre de l'incapacité permanente, celle de 224 000 francs, déterminée en fonction de " la valeur du point " fixée à 8 000 francs, outre la somme de 123 566, 98 francs représentant les salaires afférents à la période d'incapacité temporaire précitée ; que, constatant enfin que l'indemnité globale se trouve entièrement absorbée par la créance de l'Etat, les juges énoncent qu'aucune indemnité complémentaire ne peut revenir à la partie civile ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi sans préciser si l'indemnité relative à l'incapacité permanente prenait en considération le préjudice subi du 8 décembre 1987 au 8 février 1989 préjudice dont l'agent judiciaire du Trésor avait expressément demandé qu'il fût intégré dans l'assiette de son recours subrogatoire la cour d'appel, qui ne met pas la Cour de Cassation en mesure de contrôler la légalité de la décision, a méconnu les textes et les principes ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu d'examiner le premier moyen de cassation proposé :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris du 23 juin 1995, mais en ses seules dispositions relatives à la réparation du préjudice d'Edmond Z... soumis au recours du Trésor public, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT que, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, et conformément à l'article 612-1 du Code de procédure pénale, l'annulation partielle prononcée aura effet à l'égard d'Edmond Z..., partie civile, qui ne s'est pas pourvue ;
Et, pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.