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26/06/1996 | FRANCE | N°95-83529

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 juin 1996, 95-83529


ARRÊT N° 1
REJET du pourvoi formé par :
- X... Jean-François,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 4e chambre, du 16 mai 1995, qui, pour refus de restituer son permis de conduire invalidé par la perte totale des points, l'a condamné à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 30 000 francs.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, des articles 1, 2 et 3 de la loi du 11 juillet 1979, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que, pour

condamner X... Jean-François à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et 30 000 fra...

ARRÊT N° 1
REJET du pourvoi formé par :
- X... Jean-François,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 4e chambre, du 16 mai 1995, qui, pour refus de restituer son permis de conduire invalidé par la perte totale des points, l'a condamné à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 30 000 francs.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, des articles 1, 2 et 3 de la loi du 11 juillet 1979, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que, pour condamner X... Jean-François à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et 30 000 francs d'amende, faute de s'être soumis à l'injonction qui lui était faite de restituer son permis de conduire, l'arrêt attaqué a rejeté, comme inopérante, l'exception d'illégalité tirée de l'absence de motivation en droit et en fait exigée par l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 de la lettre du 25 mai 1994, lettre qui se bornait à enjoindre à X... Jean-François de restituer son permis de conduire, désormais dépourvu de validité par perte totale des points l'affectant, en application de l'article L. 11-5 du Code de la route, après lui avoir rappelé qu'il avait fait l'objet le 3 février 1993 à Méry d'un procès-verbal de contravention pour excès de vitesse supérieure à 40 km / h, les conséquences de la commission de cette infraction sur la validité de son permis de conduire et la législation en vigueur ;
" aux motifs qu'en agissant ainsi qu'il l'a fait, le préfet du Rhône n'a pas pris une décision entrant dans le champ d'application des articles 1, 2 et 3 de la loi susvisée, mais a agi dans un domaine où sa compétence était liée et pour satisfaire aux exigences de l'article L. 11-5 du Code de la route expressément visé dans le document querellé ;
" alors que la loi du 11 juillet 1979 n'a jamais exclu de son champ d'application les actes administratifs pris dans un cadre de compétence liée ; qu'à tout le moins, la motivation minimum requise, la décision de cessation de validité d'un permis de conduire étant incontestablement une décision administrative individuelle défavorable, imposait à l'autorité administrative de mentionner, outre la dernière infraction, les infractions précédentes qui auraient entraîner la perte de points du permis de conduire de X... Jean-François, en citant les dates des décisions de justice devenues définitives ; que le préfet du Rhône, pour s'être contenté de viser la dernière infraction commise dans l'acte du 25 mai 1994, a entaché sa décision d'une absence de motivation qui ne peut qu'entraîner la nullité de l'acte incriminé et son inopposabilité à X... Jean-François " ;
Attendu que, si l'autorité administrative qui enjoint au contrevenant de restituer son permis de conduire, en application de l'article L. 11-5 du Code de la route, est tenue d'informer celui-ci, comme en l'espèce, de la perte des derniers points qui lui restaient, l'obligation de motiver les décisions administratives individuelles, instituée par les articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979, ne lui impose toutefois pas de rappeler, à cette occasion, les précédentes réductions de points, dès lors qu'en application des articles L. 11-3 et R. 258 du Code précité, le contrevenant a déjà été informé de la perte de points encourue, lors de la constatation de chacune des infractions, puis de la perte de points effective, lorsque la réalité de ces infractions a été établie par le paiement d'une amende forfaitaire ou par une condamnation devenue définitive ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, de l'article 105 du Code pénal et de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué, pour condamner X... Jean-François à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et 30 000 francs d'amende, faute de s'être soumis à l'injonction qui lui était faite de restituer son permis de conduire, a rejeté les exceptions soulevées par ce dernier, en refusant de se prononcer sur le fondement légal de l'acte administratif constatant l'annulation du permis de conduire pour défaut de points et sur la compatibilité de cet acte avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme dont la violation était invoquée ;
" aux motifs qu'il résulte de l'article L. 11-4 du Code de la route excluant l'application des articles 55-1 abrogé du Code pénal et des articles 702-1 et 133-16 du Code pénal, à la perte de points affectant le permis de conduire, que cette mesure ne présente pas le caractère d'une sanction pénale accessoire à une condamnation et qu'en conséquence, ni son incompatibilité avec les dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni son fondement légal, ne relèvent de l'appréciation du juge répressif ;
" alors que, d'une part, la juridiction pénale, même si la perte de points affectant le permis de conduire ne présente pas le caractère d'une sanction pénale accessoire à une condamnation, demeure néanmoins compétente en vertu de l'article 111-5 du Code pénal, pour apprécier la légalité de l'acte administratif portant annulation du permis de conduire pour défaut de points, dès lors que, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui lui est soumis ; qu'ainsi le juge répressif est compétent pour apprécier la compatibilité de la mesure portant annulation du permis de conduire avec les dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'en rejetant l'exception d'illégalité tirée de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, la cour d'appel a violé l'article 111-5 du Code pénal ;
" alors que, d'autre part, supposant que la mesure d'annulation du permis de conduire pour défaut de points, comme la perte de points elle-même, présente les caractères d'une sanction de nature administrative, cette mesure, dès lors qu'elle présente les caractéristiques objectives d'une sanction mise en oeuvre par le pouvoir administratif, doit être soumise aux garanties telle qu'énoncées par la Convention européenne des droits de l'homme et notamment à la garantie du tribunal impartial ; que, dès lors qu'aucun juge n'est appelé à se prononcer sur la sanction qui intervient de façon automatique, la mesure déclarant annulé le permis de conduire pour défaut de points, se trouve édictée en violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que l'acte étant entaché d'illégalité, X... Jean-François ne pouvait être sanctionné sur la base d'un tel acte " ;
Attendu que la cour d'appel avait à connaître, non d'une infraction visée à l'article L. 11-1 du Code de la route et pouvant entraîner, de plein droit, une perte partielle des points du permis de conduire, mais d'une poursuite exercée sur le fondement des articles L. 11-5 et L. 19, dernier alinéa, du même Code, pour refus de restitution d'un permis de conduire invalidé par suite d'une perte totale des points ; que, toutefois, si les juges ne pouvaient, comme ils l'ont fait, décliner leur compétence pour statuer sur l'exception tirée du défaut de conformité de la loi du 10 juillet 1989, d'où résultent les textes précités, aux dispositions conventionnelles invoquées, leur décision n'encourt pas, pour autant, la censure ;
Qu'en effet, aucune incompatibilité n'existe entre la loi du 10 juillet 1989, instituant le permis de conduire à points, et l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que chaque perte partielle de points, bien que s'appliquant de plein droit et échappant à l'appréciation des juridictions répressives, est subordonnée à la reconnaissance de la culpabilité de l'auteur de l'infraction, soit par le juge pénal, après examen préalable de la cause par un tribunal indépendant et impartial, soit par la personne concernée elle-même qui, en s'acquittant d'une amende forfaitaire, renonce expressément à la garantie d'un procès équitable ;
Qu'ainsi, l'exception proposée étant inopérante, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 95-83529
Date de la décision : 26/06/1996
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° CIRCULATION ROUTIERE - Permis de conduire - Perte de points - Arrêté préfectoral - Injonction de restituer le permis invalidé - Légalité - Motivation - Rappel des précédentes pertes partielles de points (non).

1° LOIS ET REGLEMENTS - Arrêté préfectoral - Légalité - Motivation - Constatations nécessaires.

1° Lorsqu'elle enjoint à l'auteur d'une infraction de restituer son permis de conduire invalidé par suite de la perte de tous les points, l'autorité administrative doit informer celui-ci du retrait des derniers points entraîné par cette infraction, mais la loi du 11 juillet 1979, relative à la motivation des actes administratifs, ne lui impose pas de lui rappeler, à cette occasion, les précédentes réductions de points, dont il a déjà été informé dans les conditions prévues par les articles L. 11-3 et R. 258 du Code de la route (arrêt n° 1)(1).

2° CIRCULATION ROUTIERE - Permis de conduire - Perte de points - Poursuites exercées du chef des infractions visées aux articles L - et L - 19 du Code de la route - Loi du 10 juillet 1989 - Convention européenne des droits de l'homme - Article 6 - Compatibilité - Appréciation par le juge répressif.

2° Lorsqu'ils sont saisis d'une poursuite exercée sur le fondement de la loi du 10 juillet 1989, instituant le permis à points, non pour une infraction pouvant entraîner une perte partielle de ces points mais pour refus de restitution d'un permis invalidé par suite de leur perte totale, les juges sont compétents pour apprécier la conformité de ce texte avec l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (arrêts n°s 1, 2, 3)(2).

3° CIRCULATION ROUTIERE - Permis de conduire - Perte de points - Loi du 10 juillet 1989 instituant le permis de conduire à points - Convention européenne des droits de l'homme - Article 6 - Compatibilité.

3° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - 1 - Tribunal indépendant et impartial - Circulation routière - Permis de conduire - Perte de points - Loi du 10 juillet 1989.

3° Aucune incompatibilité n'existe entre le régime du permis de conduire à points, prévu par la loi du 10 juillet 1989, et les dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que la perte partielle de points, bien que s'appliquant de plein droit et échappant à l'appréciaiton des juridictions répressives, est subordonnée à la reconnaissance de la culpabilité de l'auteur de l'infraction, soit par le juge pénal, après examen préalable de la cause par un tribunal indépendant et impartial, soit par la personne concernée elle-même, qui, en s'acquittant d'une amende forfaitaire, renonce expressément à la garantie d'un procès équitable (arrêts n°s 1, 2, 3).


Références :

1° :
3° :
Code de la route L11-3, R258
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6
Loi 79-587 du 11 juillet 1979
Loi 89-469 du 10 juillet 1989 1° :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 16 mai 1995

CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 1990-10-11, Bulletin criminel 1990, n° 339, p. 856 (cassation) et l'arrêt cité ;

Chambre criminelle, 1990-10-11, Bulletin criminel 1990, n° 340, p. 858 (4 arrêts : rejet)

arrêt cité. CONFER : (2°). (2) A comparer : Chambre criminelle, 1993-07-06, Bulletin criminel 1993, n° 240, p. 601 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1994-05-18, Bulletin criminel 1994, n° 191, p. 438 (rejet)

arrêt.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 jui. 1996, pourvoi n°95-83529, Bull. crim. criminel 1996 N° 277 p. 833
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1996 N° 277 p. 833

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. Libouban.
Rapporteur ?: Plusieurs conseillers rapporteurs :M. Poisot (arrêts nos 1 et 3), M. Fabre (arrêt n°2).
Avocat(s) : Avocat : M. Goutet (arrêt n°1).

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:95.83529
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