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20/06/1996 | FRANCE | N°93-20712;94-13138

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 20 juin 1996, 93-20712 et suivant


Joint, en raison de leur connexité, les pourvois n°s 93-20.712 et 94-13.138 ;

Attendu que M. Xavier X... ayant été blessé, alors qu'il était enfant, par l'automobile conduite par Mme Denève, assurée par la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de l'Eure (l'assureur), son père, Gérard X..., depuis décédé, a, en tant qu'administrateur légal des biens et de la personne du mineur, demandé réparation du préjudice subi par celui-ci ; qu'un tribunal de grande instance a statué, par plusieurs décisions, sur cette demande et sur la demande des père et mère, en r

éparation de leurs préjudices propres ; qu'un arrêt de cassation du 3 mars ...

Joint, en raison de leur connexité, les pourvois n°s 93-20.712 et 94-13.138 ;

Attendu que M. Xavier X... ayant été blessé, alors qu'il était enfant, par l'automobile conduite par Mme Denève, assurée par la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de l'Eure (l'assureur), son père, Gérard X..., depuis décédé, a, en tant qu'administrateur légal des biens et de la personne du mineur, demandé réparation du préjudice subi par celui-ci ; qu'un tribunal de grande instance a statué, par plusieurs décisions, sur cette demande et sur la demande des père et mère, en réparation de leurs préjudices propres ; qu'un arrêt de cassation du 3 mars 1992 ayant cassé en toutes ses dispositions l'arrêt d'une cour d'appel du 9 novembre 1989 qui, statuant sur déféré d'une ordonnance d'un conseiller de mise en état, avait déclaré irrecevables les appels interjetés par les consorts X... des jugements intervenus, la cour de renvoi, par un premier arrêt du 21 septembre 1993, a déclaré irrecevables les appels des époux X..., au motif que ceux-ci avaient acquiescé aux jugements et a déclaré recevable l'appel de M. Xavier X... et l'intervention de la Caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines (la Caisse) ; que par un second arrêt en date du 15 mars 1994, la cour de renvoi a condamné Mme Denève et l'assureur à réparer intégralement les conséquences de cet accident, ordonné l'expertise médicale de la victime, alloué à celle-ci une provision et condamné Mme Denève et l'assureur à payer à la Caisse le montant des débours qu'elle avait engagés jusqu'au 31 décembre 1992, outre les frais exposés postérieurement à cette date ;

Sur les pourvois dirigés contre l'arrêt du 21 septembre 1993 :

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches du pourvoi principal formé par les consorts X... :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevables les appels de Gérard X... et de Mme X..., alors, selon le moyen, que, d'une part, les parents et l'enfant victimes du même fait dommageable exerçaient en commun l'action en réparation ; que s'agissant de la responsabilité unique de l'accident à l'égard des victimes, l'action de ces dernières était nécessairement indivisible ; qu'une solution unique devait être donnée au procès ; qu'en déclarant éteinte l'action des parents à l'exclusion de celle de l'enfant, l'arrêt attaqué a violé les articles 552 et 553 du nouveau Code de procédure civile ; que, d'autre part, l'acquiescement n'emporte soumission au jugement et renonciation à l'appel que si une autre partie ne forme pas de recours ; qu'à supposer qu'il n'y ait pas indivisibilité, l'appel de Xavier X..., qui tenait à la réparation de son entier préjudice, et remettait en cause la responsabilité de l'accident, rendait recevable l'appel de ses parents contre le jugement qui avait laissé à leur charge une part de responsabilité ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a violé l'article 409 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte de l'arrêt et des productions que les actions en réparation, exercées tant au nom de l'enfant qu'à titre personnel par ses père et mère, tendaient au paiement de sommes d'argent et ne pouvaient dès lors être indivisibles ;

Et attendu que si l'acquiescement au jugement emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours, sauf lorsque postérieurement une autre partie forme régulièrement un recours, l'exception ne s'applique qu'à la condition qu'il s'agisse d'une partie ayant des intérêts opposés ; que l'appel interjeté du chef du mineur Xavier X... ne pouvant préjudicier aux intérêts de ses père et mère, n'a pu avoir effet sur l'acquiescement préalable de ceux-ci ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi principal formé par Mme Denève et l'assureur :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'appel interjeté par M. Xavier X... alors, selon le moyen, que, d'une part, l'avocat qui est investi d'un mandat de représentation d'une partie est réputé, à l'égard du juge et de la partie adverse, avoir reçu pouvoir spécial pour acquiescer, de sorte qu'il n'est pas tenu de justifier de ce pouvoir spécial ; qu'en décidant néanmoins que, faute d'avoir justifié d'un mandat spécial, l'avocat de M. X... ne pouvait avoir valablement acquiescé aux jugements, la cour d'appel a violé les articles 416 et 417 du nouveau Code de procédure civile ; que, d'autre part, l'avocat qui est investi d'un mandat de représentation d'une partie est réputé, à l'égard du juge et de la partie adverse, avoir reçu pouvoir spécial pour acquiescer ; que ce pouvoir est présumé régulier ; qu'il s'ensuit que, lorsque l'acquiescement est effectué pour le compte d'un mineur, à la demande de l'administrateur légal, et que cet acquiescement suppose une autorisation du juge des tutelles, l'avocat est réputé être en possession de cette autorisation ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 416 et 417 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt retient exactement que l'acquiescement formé par l'avoué est sans portée, cet auxiliaire de justice, représentant d'une partie, ne pouvant avoir plus de pouvoir que n'en avait l'administrateur légal ; que par ces seuls motifs, abstraction faite du motif surabondant tenant au défaut de justification d'un pouvoir spécial, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

Sur le second moyen du pourvoi formé par Mme Denève et l'assureur :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable l'intervention de la Caisse alors, selon le moyen, qu'il n'existe ni lien d'indivisibilité, ni lien de dépendance nécessaire entre l'évaluation du préjudice corporel de la victime et la créance de l'organisme social, qui demande le remboursement de ses prestations ; qu'en décidant le contraire, pour en déduire que la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines, qui n'avait pas formé de pourvoi en cassation à l'encontre de l'arrêt du 9 novembre 1989, ayant déclaré les appels irrecevables, était en droit de se prévaloir de la cassation prononcée au profit de M. Xavier X..., la cour d'appel a violé les articles L. 376-1 du Code de la sécurité sociale, et 624 et 625 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cassation replaçant les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la décision cassée et la cassation de l'arrêt du 3 mars 1992 ayant été prononcée en toutes ses dispositions, la Caisse, qui était partie tant devant les juges du fond que devant la Cour de Cassation, et qui a été intimée devant la cour de renvoi, était recevable en sa demande ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le pourvoi dirigé par Mme Denève et l'assureur contre l'arrêt du 15 mars 1994 :

Sur le premier moyen : (sans intérêt) ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale ;

Attendu que tout en ordonnant une expertise médicale pour évaluer le préjudice corporel de M. Xavier X..., l'arrêt condamne Mme Denève et l'assureur à rembourser à la Caisse une certaine somme et les frais exposés depuis le 31 décembre 1992 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le préjudice de M. Xavier X... n'était pas encore déterminé, en sorte que la Cour de Cassation n'était pas en mesure de contrôler si le montant de la condamnation prononcée au profit de l'organisme social restait dans les limites de l'indemnité mise à la charge du tiers responsable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois dirigés contre l'arrêt du 21 septembre 1993 ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il porte condamnation au profit de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines, l'arrêt rendu le 15 mars 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 93-20712;94-13138
Date de la décision : 20/06/1996
Sens de l'arrêt : Rejet et cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° INDIVISIBILITE - Applications diverses - Responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle - Dommage - Réparation - Caractère divisible - Enfant victime d'un accident - Actions en réparation exercées par ses père et mère à titre personnel et au nom de l'enfant.

1° INDIVISIBILITE - Objet - Obligation au paiement d'une somme d'argent (non) 1° RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Dommage - Réparation - Action en responsabilité - Enfant victime d'un accident - Actions en réparation exercées par ses père et mère à titre personnel et en son nom - Indivisibilité.

1° Un enfant ayant été victime d'un accident, les actions en réparation exercées tant au nom de cet enfant qu'à titre personnel par ses père et mère, tendant au paiement de sommes d'argent, ne sont pas indivisibles.

2° ACQUIESCEMENT - Portée - Limite - Appel civil - Appel postérieur - Appelant ayant des intérêts opposés.

2° APPEL CIVIL - Intérêt - Partie ayant acquiescé au jugement - Appel postérieur d'une autre partie ayant des intérêts opposés.

2° Si l'acquiescement au jugement emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours, sauf lorsque postérieurement une autre partie forme régulièrement un recours, l'exception ne s'applique qu'à la condition qu'il s'agisse d'une partie ayant des intérêts opposés. Par suite, l'appel interjeté du chef d'un mineur contre un jugement ayant fixé son préjudice à la suite de l'accident dont il a été victime ne pouvant préjudicier aux intérêts de ses père et mère, n'a pas pu avoir effet sur l'acquiescement préalable de ceux-ci au jugement qui avait laissé à leur charge une part de responsabilité et à celui statuant sur leurs préjudices propres.

3° ACQUIESCEMENT - Qualité pour acquiescer - Avoué - Avoué représentant un enfant mineur.

3° OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Avoué - Représentation des parties - Mandat légal - Etendue - Acquiescement au nom d'un enfant mineur (non) 3° MINEUR - Administration légale - Administrateur légal - Renonciation à un droit au nom du mineur - Autorisation du juge des tutelles - Portée - Acquiescement formé par l'avoué d'un mineur.

3° C'est à bon droit qu'un arrêt retient que l'acquiescement formé par l'avoué d'un enfant mineur est sans portée, cet auxiliaire de justice, représentant d'une partie, ne pouvant avoir plus de pouvoir que n'en avait l'administrateur légal.

4° CASSATION - Effets - Effets à l'égard des différentes parties - Partie n'ayant formulé aucune demande devant la Cour de Cassation.

4° La cassation replaçant les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la décision cassée et la cassation d'un arrêt ayant été prononcée en toutes ses dispositions, une caisse de sécurité sociale qui était partie tant devant les juges du fond que devant la Cour de Cassation est recevable, bien que n'ayant formulé aucune demande devant cette juridiction, à intervenir devant la Cour de renvoi, devant laquelle elle a été intimée.


Références :

4° :
Code de la sécurité sociale L376-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 1993-09-21 et 1994-03-15


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 20 jui. 1996, pourvoi n°93-20712;94-13138, Bull. civ. 1996 II N° 173 p. 105
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1996 II N° 173 p. 105

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Zakine .
Avocat général : Avocat général : M. Tatu.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Séné.
Avocat(s) : Avocats : MM. Choucroy, Vincent, la SCP Gatineau.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:93.20712
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