CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Jean-Pierre,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Limoges, chambre correctionnelle, en date du 10 mai 1995, qui, dans les poursuites exercées contre lui pour blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 29 et suivants de la loi du 5 juillet 1985, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à appeler en cause la caisse d'assurance vieillesse des artisans et condamné X... Jean-Pierre à payer à Y... Jean-Jacques la somme de 241 000 francs ;
" aux motifs que si la loi du 5 juillet 1985 a prévu l'obligation pour la victime d'appeler certains tiers payeurs en déclaration de jugement commun à l'occasion de l'instance poursuivie contre le responsable de l'accident, cette obligation ne vise que les caisses de sécurité sociale, les caisses de mutualité agricole et éventuellement la personne publique faisant fonction d'organisme social, et ne concerne donc pas la caisse d'assurance vieillesse des artisans, qui, en versant à Y... Jean-Jacques une pension d'invalidité, n'a fait que servir un avantage statutaire garanti, n'ayant pas un caractère indemnitaire ;
" alors que les prestations versées par les organismes, établissements et services gérant un régime obligatoire de sécurité sociale, ouvrent droit à recours contre la personne tenue à réparation et doivent donc s'imputer sur le préjudice non personnel subi par la victime ; que les caisses artisanales d'assurances vieillesse relevant de l'organisation autonome d'assurance vieillesse gèrent un régime obligatoire ; les prestations versées par cet organisme doivent donc s'imputer sur l'indemnité due à la victime en réparation du dommage résultant d'une atteinte à sa personne ; qu'en décidant en l'espèce qu'il n'y avait pas lieu de faire intervenir à l'instance la caisse artisanale d'assurances vieillesse ni de déduire du préjudice subi par Y... Jean-Jacques le montant de la pension d'invalidité versée par cet organisme au motif que ce dernier n'avait fait que servir un avantage statutaire garanti n'ayant pas de caractère indemnitaire, la Cour a violé les textes susvisés " ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'il résulte des dispositions combinées des articles 29. 1o de la loi du 5 juillet 1985 et L. 376-1 du Code de la sécurité sociale que lorsque la victime d'une infraction ou ses ayants droit engagent une action contre le tiers responsable, ils doivent appeler en déclaration de jugement commun l'ensemble des organismes de sécurité sociale qui disposent contre ce tiers ou son assureur du recours prévu par le premier de ces textes ;
Attendu que, se prononçant sur la réparation des dommages découlant de l'atteinte à l'intégrité physique de Y... Jean-Jacques, blessé lors d'un accident survenu le 20 novembre 1991, et dont X... Jean-Pierre a été déclaré entièrement responsable, la juridiction du second degré était saisie de conclusions du prévenu tendant à ce qu'" en application de l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 ", la caisse d'assurance vieillesse des artisans soit appelée en déclaration de jugement commun, et subsidiairement, à ce que la pension d'invalidité servie par cet organisme à la suite de l'accident soit déduite de l'indemnité revenant à la victime ;
Attendu que, pour rejeter ces demandes, la cour d'appel énonce que l'obligation d'appeler certains tiers payeurs en déclaration de jugement commun ne vise que les organismes de sécurité sociale proprement dits, et non les tiers payeurs qui, telle la caisse d'assurance vieillesse des artisans, ne font que servir des avantages statutaires garantis, dépourvus de caractère indemnitaire ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que le caractère statutaire ou non de la prestation servie par la caisse d'assurance vieillesse des artisans était indifférent, cet organisme gérant un régime obligatoire de sécurité sociale dans les termes de l'article 29. 1o de la loi du 5 juillet 1985, la cour d'appel a méconnu les textes et principes ci-dessus rappelés ;
Que la cassation est, dès lors, encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Limoges, en date du 10 mai 1995, mais seulement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à mise en cause de la caisse d'assurance vieillesse des artisans, puis a statué sur la réparation du préjudice soumis au recours des tiers payeurs, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans les limites de la cassation aussi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Poitiers.