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07/05/1996 | FRANCE | N°92-40931

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 mai 1996, 92-40931


Sur le moyen relevé d'office, tiré de l'amnistie :

Vu l'article 15 de la loi n° 95-884 du 3 août 1995 ;

Attendu que, selon ce texte, sont amnistiés dans les conditions prévues à l'article 14 les faits commis avant le 18 mai 1995 et retenus ou susceptibles d'être retenus comme motifs de sanctions disciplinaires ou professionnelles prononcées par un employeur ;

Attendu qu'EDF-GDF fait grief à l'arrêt attaqué (Chambéry, 10 décembre 1991) d'avoir annulé les sanctions de trois semaines de mise à pied qu'il avait infligées le 1er septembre 1989 à ses quatre ag

ents, MM. X..., Y..., Z... et A..., à la suite de leur participation à des actes de...

Sur le moyen relevé d'office, tiré de l'amnistie :

Vu l'article 15 de la loi n° 95-884 du 3 août 1995 ;

Attendu que, selon ce texte, sont amnistiés dans les conditions prévues à l'article 14 les faits commis avant le 18 mai 1995 et retenus ou susceptibles d'être retenus comme motifs de sanctions disciplinaires ou professionnelles prononcées par un employeur ;

Attendu qu'EDF-GDF fait grief à l'arrêt attaqué (Chambéry, 10 décembre 1991) d'avoir annulé les sanctions de trois semaines de mise à pied qu'il avait infligées le 1er septembre 1989 à ses quatre agents, MM. X..., Y..., Z... et A..., à la suite de leur participation à des actes de séquestration commis le 21 mars 1989 à l'égard de membres de la direction du centre de distribution mixte de Chambéry ;

Mais attendu que les faits reprochés aux quatre salariés sont amnistiés en application du texte susvisé ;

Sur la recevabilité du pourvoi :

Attendu que si, en raison de l'amnistie, le pourvoi est devenu sans objet en ce qui concerne la sanction elle-même, EDF-GDF demeure recevable à critiquer la décision précitée en ce qu'elle l'a condamné à payer aux quatre intéressés diverses sommes au titre des rémunérations qui avaient été retenues pendant la durée des mises à pied ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 21 mars 1989, alors qu'un mouvement de grève affectait le centre de distribution mixte d'Electricité de France-Gaz de France (EDF-GDF) de Chambéry, des agents grévistes, au nombre d'une soixantaine, massés à l'une des entrées de la salle où se tenait une réunion de la commission secondaire du personnel, présidée par M. B..., chef de centre, en ont franchi la porte, ont investi la salle, et en ont bloqué les accès pendant plusieurs heures, empêchant M. B... et d'autres membres de la direction d'en sortir ; qu'à la suite de ces faits, une procédure disciplinaire a été engagée contre MM. X...,Y..., Z..., A..., C... et D..., auxquels il était reproché d'avoir participé activement à la séquestration des membres de la direction participant à la réunion ; qu'après avoir entendu ces agents au cours d'un entretien préalable le chef de centre a décidé de les déférer devant la commission secondaire du personnel en vue de l'application d'une sanction ; que la commission secondaire s'est réunie le 7 juillet 1989, sous la présidence de M. B... ; que, lors de la comparution de M. C..., 2 membres de la commission représentant le personnel ont mis en cause l'impartialité de cette instance, en soutenant que les membres de la direction impliqués dans les faits ne pouvaient siéger ; que le vote intervenu sur ce point s'étant conclu par une réponse négative, la procédure dirigée contre cet agent a été suspendue ; qu'ensuite, lors de la comparution de MM. X..., Y..., Z..., A..., un nouveau vote est intervenu sur la même question et a donné un résultat de 8 voix contre 8 ; que M. B..., chef de centre et président de la commission, ayant fait prévaloir sa voix prépondérante, la motion a été rejetée, de sorte que la commission a poursuivi ses travaux, " en toute impartialité " selon mention portée au procès-verbal ; qu'à l'issue de la réunion la commission s'est prononcée par 8 voix sur 16 en faveur d'une mise à pied de 3 semaines pour chacun des quatre agents ; qu'après un deuxième entretien préalable, le chef de centre a notifié aux intéressés une mise à pied de cette durée avec privation totale de salaire ; que, le 4 octobre 1989, ceux-ci ont saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que EDF-GDF fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à MM. X..., Y..., Z... et A... diverses sommes au titre des rémunérations retenues pendant la durée des mises à pied, outre une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, alors, selon le moyen, d'une part, que l'incompatibilité instituée par l'article 2321, alinéa 4, de la circulaire PERS 846 ne vise que les agents ayant été mêlés directement et à titre personnel aux faits objets des poursuites disciplinaires ; que tel n'était pas le cas de M. B..., chef de centre, et de M. E..., membre de la direction, qui n'ont été mêlés aux faits de séquestration qu'en leur qualité de représentants de l'employeur ; qu'ainsi, en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 2321, alinéa 4, de la circulaire PERS 846 ; alors, d'autre part, que la présidence de la commission secondaire du personnel, comme la conduite de la procédure disciplinaire, expressément conférées au chef de centre par l'article 3 III, paragraphe 1, du statut national et par les paragraphes 21 à 25 de la circulaire PERS 846, sont indissociables du pouvoir de sanction dont le chef de centre est seul titulaire, aux termes de l'article 121 de la circulaire PERS 846, vis-à-vis des agents d'exploitation et de maîtrise ; qu'ainsi, sauf à nier l'existence même du pouvoir disciplinaire dont il dispose, le chef de centre ne saurait être écarté, par application de l'article 2321, alinéa 4, de la circulaire PERS 846, de la présidence de la commission secondaire du personnel siégeant en matière disciplinaire, pour le motif qu'il aurait été mêlé, en tant que victime, aux faits objets des poursuites ; qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles susvisés du statut national et de la circulaire PERS 846 ; alors, en outre, qu'en toute hypothèse, si la méconnaissance des règles du droit commun disciplinaire incluses dans la circulaire PERS 846 peut éventuellement entraîner l'annulation d'une sanction, par application de l'article L. 122-43 du Code du travail, tel n'est pas le cas du non-respect de la procédure extralégale, strictement statutaire, donc non substantielle, et procédant de garanties et d'avantages supplémentaires consentis aux agents, prévue par cette même circulaire ; qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 122-43 du Code du travail ; et alors, enfin, qu'une sanction irrégulière en la forme, mais justifiée au fond, ne saurait être automatiquement annulée par application de l'article L. 122-43 du Code du travail ; qu'ainsi, en annulant les sanctions de mise à pied litigieuses, sans avoir recherché si les faits constitutifs de faute grave reprochés aux intéressés, faits ayant consisté à participer activement à la séquestration des membres de la direction participant à la réunion de la commission secondaire, ne justifiaient pas pleinement les sanctions prononcées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-43 du Code du travail ;

Mais attendu, en premier lieu, que seules des personnes physiques pouvant être victimes d'actes de séquestration illicites, c'est à juste titre que la cour d'appel a admis que M. B..., chef de centre, et M. E..., cadre de la direction, avaient été mêlés, directement et à titre personnel, aux faits imputés aux quatre salariés déférés à l'organisme disciplinaire ;

Attendu, en deuxième lieu, que la cour d'appel a exactement énoncé que l'impossibilité pour le chef de centre de présider personnellement la commission secondaire appelée à connaître des faits dont il avait lui-même été victime, ne le privait pas du pouvoir de décision dont il était seul investi en matière disciplinaire, l'exigence d'impartialité prévue par l'article 2321, alinéa 4, de la circulaire PERS 846 n'étant prévue qu'en ce qui concerne sa participation aux délibérations de l'instance consultative, dont la réunion devait obligatoirement précéder toute décision de sa part, sans qu'il soit lié par l'avis ainsi émis ;

Attendu, en troisième lieu, que le pouvoir conféré au juge par l'article L. 122-43 du Code du travail pour annuler une sanction irrégulière en la forme s'exerce, non seulement en cas d'inobservation des règles de la procédure disciplinaire édictées par l'article L. 122-41 du même Code, mais encore dans l'hypothèse où auraient été méconnues des règles prévues par une procédure conventionnelle ou statutaire, comportant, pour les salariés faisant l'objet de poursuites disciplinaires, des garanties supérieures ou des avantages supplémentaires à ceux prévus par la loi ;

Et attendu, en quatrième et dernier lieu, que la cour d'appel n'a fait qu'user des pouvoirs qu'elle tient dudit article L. 122-43 en annulant une sanction, dont elle avait relevé qu'elle était entachée d'une irrégularité de forme ;

PAR CES MOTIFS :

CONSTATE l'amnistie des faits et REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 92-40931
Date de la décision : 07/05/1996
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° ELECTRICITE - Electricité de France - Personnel - Statut - Sanctions disciplinaires - Chef de centre - Pouvoir disciplinaire - Limites - Chef de centre victime des faits poursuivis disciplinairement (non).

1° ELECTRICITE - Electricité de France - Personnel - Statut - Sanctions disciplinaires - Commission secondaire du personnel - Présidence - Impartialité - Domaine d'application.

1° Une cour d'appel énonce exactement que l'impossibilité pour un chef de centre d'EDF-GDF de présider personnellement la commission appelée à connaître des faits de séquestration dont il a été lui-même victime ne le prive pas du pouvoir de décision dont il est seul investi en matière disciplinaire, l'exigence d'impartialité prévue par l'article 2321, alinéa 4, de la circulaire PERS 846 n'étant prévue qu'en ce qui concerne sa participation aux délibérations de l'instance consultative dont la réunion devait obligatoirement précéder toute décision de sa part, sans qu'il soit lié par l'avis ainsi émis.

2° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Employeur - Pouvoir disciplinaire - Sanction - Contrôle des juges du fond - Sanction irrégulière en la forme - Domaine d'application.

2° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Employeur - Pouvoir disciplinaire - Sanction - Contrôle des juges du fond - Sanction irrégulière en la forme - Annulation - Possibilité.

2° Le pouvoir conféré au juge par l'article L. 122-43 du Code du travail pour annuler une sanction irrégulière en la forme s'exerce, non seulement, en cas d'inobservation des règles de la procédure disciplinaire édictées par l'article L. 122-41 du même Code, mais encore dans l'hypothèse où auraient été méconnues des règles prévues par une procédure conventionnelle ou statutaire comportant, pour les salariés faisant l'objet de poursuites disciplinaires, des garanties supérieures ou des avantages supplémentaires à ceux prévus par la loi. La cour d'appel n'a fait qu'user des pouvoirs qu'elle tient dudit article L. 122-43 en annulant une sanction dont elle avait relevé qu'elle était entachée d'une irrégularité de forme.


Références :

2° :
Code du travail L122-43, L122-41

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 10 décembre 1991

A RAPPROCHER : (2°). Chambre sociale, 1995-11-14, Bulletin 1995, V, n° 297, p. 213 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 mai. 1996, pourvoi n°92-40931, Bull. civ. 1996 V N° 179 p. 126
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1996 V N° 179 p. 126

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gélineau-Larrivet .
Avocat général : Avocat général : M. Lyon-Caen.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Desjardins.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Defrénois et Levis, la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:92.40931
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