REJET du pourvoi formé par :
- X... Robert,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Pau, chambre correctionnelle, en date du 26 janvier 1994, qui, pour infractions à la législation sur les sociétés, l'a condamné à une amende de 200 000 francs et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur les faits :
Attendu que Robert X..., président de la S. A. Ensemble Immobilier d'Aigrefeuille, a été renvoyé devant la juridiction correctionnelle, sur le fondement des articles 437, 442, 443, 445 de la loi du 24 juillet 1966, pour abus de biens sociaux, défaut de convocation à une assemblée générale de certains titulaires de titres nominatifs, défaut de communication à ces actionnaires de l'ordre du jour, des projets de résolution et des documents sociaux afférents à cette assemblée générale ;
Que les juges du fond ont déclaré Robert X... coupable des faits qui lui étaient reprochés et l'ont condamné à une amende de 200 000 francs ; que, sur l'action civile exercée à titre individuel par Nicole Y..., propriétaire indivise d'actions de la société, le prévenu a été condamné à payer à celle-ci 10 000 francs de dommages-intérêts ; que, sur l'action civile exercée au nom de la société par le mandataire commun des propriétaires indivis et par l'administrateur de l'indivision successorale Z..., Robert X... a été condamné à payer à ces derniers 300 000 francs de dommages-intérêts ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 43 et 445 de la loi du 24 juillet 1964, des articles 129 et 168 du décret du 23 mars 1967, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Robert X... coupable des infractions de défaut de mise à disposition des actionnaires de documents et de communication de renseignements sur les modalités du dépôt de projets de résolution préalable à la tenue de l'assemblée générale ;
" aux motifs que c'est à tort que le tribunal a relaxé Robert X... ; que l'organisation concrète de toute assemblée générale dans une S. A. impose au dirigeant de droit le respect de certaines prescriptions formelles dont le non-respect constituent une infraction pénale ; que Robert X... a admis ne pas avoir satisfait à ses obligations qui lui paraissent dénuées d'intérêt et s'en être déchargé sur son comptable qui n'aurait pas exécuté ses instructions ; que Nicole Y... justifie que faute par elle d'avoir été convoquée, elle n'a pu exercer normalement son droit de communication, malgré ses demandes réitérées ; que, de même, en s'abstenant de convoquer régulièrement les actionnaires le prévenu ne les a pas mis en mesure de requérir éventuellement l'inscription de projet de résolution ; que cette infraction formelle est établie (arrêt attaqué p. 9 ad. 7, 8 ; p. 10 alinéas 1, 2, 34) ;
" 1° alors que le dirigeant d'une société anonyme n'est tenu d'adresser les renseignements nécessaires à l'inscription par un associé d'une résolution à l'ordre du jour qu'aux associés qui en font la demande ; que la cour d'appel a déduit le défaut d'exécution de cette obligation de l'absence de convocation de Nicole Y... aux assemblées générales en relevant que, par là même, cette associée n'avait pu exercer ses droits ; qu'en statuant de la sorte sans relever que Nicole Y... aurait adressé la demande de renseignements visée à l'article 129 du décret du 23 mars 1967, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 2° alors que l'infraction visée à l'article 445 de la loi du 24 juillet 1966 suppose que le dirigeant social n'a pas mis à la disposition des actionnaires les différents documents énumérés par ledit texte dans le délai de 15 jours précédant la tenue de l'assemblée générale ; que cet élément matériel de l'infraction ne saurait être déduit de la commission d'une infraction distincte, par ailleurs retenue contre Robert X..., relative au défaut de convocation des actionnaires à l'assemblée générale ; qu'en refusant de rechercher si les documents énumérés par l'article 445 de la loi du 24 juillet 1966 avaient été tenus à la disposition des associés, motif pris de ce que Nicole Y... n'avait pas été convoquée, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Attendu que, pour déclarer Robert X... coupable d'infractions aux règles relatives à l'information des actionnaires, seule partie de la prévention remise en cause par le moyen, la cour d'appel relève que, malgré de multiples courriers qui lui ont été adressés par l'intéressée, Robert X... s'est abstenu de convoquer Nicole Y... qui, cohéritière du fondateur de la société, Z..., était propriétaire indivise des actions nominatives de ce dernier, privant ainsi celle-ci de l'exercice normal de ses droits et notamment de la possibilité d'avoir communication de l'ordre du jour et des projets de résolution, ce qui avait permis au prévenu de gérer la société à sa guise et dans son seul intérêt ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel, qui a expressément relevé que la partie civile avait demandé à être tenue informée de la gestion de la société, a justifié sa décision au regard des textes visés au moyen ;
D'où il suit que celui-ci, qui manque par le fait sur lequel il prétend se fonder, ne peut qu'être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 815-2 à 815-5 du Code civil, de l'article 171 de la loi du 24 juillet 1966 et des articles 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable l'action civile exercée par Nicole Y... ;
" aux motifs que la loi du 24 juillet 1966 et son décret d'application reconnaissent aux propriétaires d'actions indivises un droit individuel à participer aux assemblées générales comme s'ils avaient la qualité d'associé ; que Nicole Y... dispose d'un intérêt personnel à agir distinct des droits de l'indivision, lorsqu'un dirigeant social viole ces dispositions légales ; qu'elle agit à titre personnel et non pour exercer l'action sociale (arrêt attaqué p. 11, ad. 1, 2, 4) ;
" alors que les propriétaires indivis d'actions ou de parts sociales ne peuvent exercer librement les droits attachés à cette qualité ; que le propriétaire indivis doit justifier d'un mandat des autres indivisaires ou d'une autorisation judiciaires ; qu'en déclarant que Nicole Y... pouvait exercer seule l'action civile résultant de la violation par Robert X... des règles relatives à la convocation des actionnaires à l'assemblée générale, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 2 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Robert X... à payer à Nicole Z... la somme de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts ;
" aux motifs que les infractions dont elle a personnellement souffert (défaut de convocation, de communication de documents...) permettent à la Cour d'apprécier leurs conséquences et le préjudice et de lui allouer la somme de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts (arrêt attaqué p. 11, ad. 5) ;
" alors que tout jugement doit comporter des motifs propres à justifier la décision ; que l'arrêt attaqué se borne à fixer le montant de l'indemnisation due à Nicole Z... sans indiquer quelle est la nature de ce préjudice et en quoi il serait distinct de celui de l'indivision ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour condamner Robert X... à verser 10 000 francs de dommages-intérêts à Nicole Y..., copropriétaire d'actions indivises, constituée partie civile, les juges énoncent qu'indépendamment de l'action sociale régulièrement engagée par les mandataires judiciaires, Nicole Y..., qui avait un intérêt à agir distinct des droits de l'indivision, tenait de la loi du 24 juillet 1966 le droit de demander la réparation du préjudice dont elle avait personnellement souffert à raison des infractions poursuivies ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a, sans encourir le grief allégué, donné une base légale à sa décision et justifié l'allocation de dommages-intérêts propres à réparer le préjudice subi par la victime ;
Qu'en effet, s'il est vrai que les copropriétaires d'actions indivises sont, aux termes de l'article 163, alinéa 2, de la loi du 24 juillet 1966, pour l'exercice de leurs droits de vote, représentés aux assemblées générales par l'un d'eux ou par un mandataire unique ou, en cas de désaccord entre eux, par un mandataire de justice, il n'en demeure pas moins que chacun d'eux tient de l'article 171 de la loi précitée le droit d'être individuellement informé de la tenue de ces assemblées, de l'ordre du jour et des projets de résolutions et mis en mesure de consulter les comptes sociaux et qu'un défaut d'information à ce sujet lui ouvre une action en réparation du préjudice subi personnellement ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.