Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Zagurep a chargé la société Compagnie Royal Air Maroc (Air Maroc) de transporter des marchandises par voie aérienne du Maroc en France ; que les lettres de transport mentionnaient comme destinataire " CIC de Paris Saint-Paul " et comme notify " Francis X..., ... " ; qu'au vu de télex qu'elle a cru émaner de la banque destinataire, la société Compagnie Air France (Air France), liée à Air Maroc par une convention d'assistance, a délivré les marchandises à un transitaire désigné par le notify ; que la société Zagurep n'ayant pu être payée du prix des marchandises a assigné en responsabilité Air France et Air Maroc ;
Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches :
Attendu qu'Air France fait grief à l'arrêt d'avoir retenu sa responsabilité sur le plan quasi délictuel et, par voie de conséquence de l'avoir condamnée in solidum avec Air Maroc, celle-ci seule dans la limite du plafond de sa garantie prévue par l'article 22 de la convention de Varsovie, à indemniser la société Zagurep de la valeur totale des marchandises, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, selon l'article 18 de la convention de Varsovie, le transport comprend la période pendant laquelle les marchandises se trouvent sous la garde du transporteur, laquelle se perpétue jusqu'au retrait de la marchandise par le destinataire désigné comme tel sur le titre de transport ; que selon son article 24, alinéa 1, toute action en responsabilité à quelque titre que ce soit contre le transporteur aérien ne peut être exercée que dans les conditions et limites prévues par ladite convention ; qu'en l'espèce, après avoir constaté qu'Air France avait agi pour le compte d'Air Maroc, transporteur qu'elle substituait dans le cadre d'une convention d'assistance en escale, la cour d'appel devait en déduire que la responsabilité de la compagnie marocaine ou de son mandataire, pour erreur dans la livraison, ne pouvait être recherchée que dans le cadre du contrat de transport ; qu'en déclarant recevable l'action en responsabilité quasi délictuelle de la société Zagurep, expéditeur, contre Air France, la cour d'appel a violé par refus d'application les articles 18 et 24, alinéa 1, de la convention de Varsovie ; alors d'autre part que les articles 1382 et suivants du Code civil sont sans application lorsqu'il s'agit de faute commise dans l'obligation résultant d'un contrat ; qu'en l'espèce après avoir constaté qu'Air France avait agi pour le compte d'Air Maroc, transporteur, qu'elle substituait dans le cadre d'une convention d'assistance en escale, la cour d'appel devait en déduire que la responsabilité de la compagnie marocaine ou de son mandataire, pour erreur dans la livraison, ne pouvait être recherchée que dans le cadre du contrat de transport ; qu'en déclarant recevable l'action en responsabilité quasi délictuelle de la société Zagurep, expéditeur, contre Air France, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 1382 du Code civil ; et alors, enfin, qu'après avoir constaté qu'Air France avait agi pour le compte d'Air Maroc, transporteur dans le cadre d'un contrat d'assistance en escale, la cour d'appel devait en déduire que la responsabilité d'Air Maroc ou de son mandataire, pour erreur dans la livraison, ne pouvait être recherchée que dans le cadre de cette chaîne de contrats ; qu'en déclarant recevable l'action en responsabilité quasi délictuelle de la société Zagurep, expéditeur, contre Air France, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la faute d'Air France avait été commise dans le cadre d'un contrat d'assistance en escale conclu avec Air Maroc auquel la société Zagurep était étrangère, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que la responsabilité d'Air France se trouvait engagée sur le plan quasi délictuel ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche ;
Vu l'article 22, de la convention de Varsovie du 12 octobre 1929 relative à l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international ;
Attendu que l'entreprise d'assistance peut, en tant que préposé du transporteur aérien au sens du texte susvisé, se prévaloir des limites de responsabilité que peut invoquer celui-ci si elle a agi dans l'exercice de ses fonctions et si le dommage ne résulte pas d'une faute dite intentionnelle ou inexcusable de sa part, définie comme l'acte ou l'omission fait soit avec l'intention de provoquer un dommage, soit témérairement et avec conscience qu'un dommage en résultera probablement ;
Attendu que pour écarter la limitation de responsabilité invoquée par Air France, l'arrêt retient " que pour un professionnel du transport aérien et du traitement des expéditions telle qu'Air France, les mentions certes sommaires des lettres de transport aérien ne pouvaient faire aucun doute quant à une obligation de ne délivrer les marchandises que sur l'avis circonstancié de l'organisme bancaire, que les identités fantaisistes portées sur ces télex devaient susciter un réflexe élémentaire d'étonnement et conduire à une vérification dont la présence au dossier de la lettre concomitante à en-tête CIC impliquait de plus fort l'exigence et qu'ainsi la faute patente d'Air France engage pleinement cette dernière dans ses rapports avec la société Zagurep " ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle estimait que la faute commise par Air France n'était pas inexcusable, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que, pour condamner Air France à garantir Air Maroc des condamnations mises à sa charge au profit de la société Zagurep, l'arrêt retient qu'en délivrant les marchandises sans avoir obtenu l'autorisation de la banque, Air France a commis une faute lourde et qu'Air Maroc est donc fondée, conformément à l'article 8 de la convention d'assistance, à demander la garantie d'Air France, sa cocontractante, unique responsable du dommage ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi sans rechercher, comme le prétendait Air France, si, en vertu de l'article 8 de la convention d'assistance en escale qu'elle avait conclu avec Air Maroc, elle n'était pas exonérée de toute responsabilité à l'égard de cette dernière compagnie aérienne, sauf faute lourde commise par sa direction générale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a écarté la limitation de responsabilité invoquée par Air France et condamné cette société à garantir Air Maroc, l'arrêt rendu le 15 juin 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.