REJET du pourvoi formé par :
- X... Philippe,
- Y... Pierre,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Riom, chambre correctionnelle, en date du 15 décembre 1994, qui les a condamnés chacun, le premier pour recel d'abus de confiance et le second pour complicité d'escroquerie et abus de confiance, à 1 an d'emprisonnement dont 8 mois avec sursis, à 1 million de francs d'amende, à l'interdiction des droits civiques, civils et de famille pendant 5 ans, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Pierre Y... et pris de la violation de l'article 405 du Code pénal, 485, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que la décision attaquée a déclaré le demandeur coupable d'escroquerie aux motifs que par des motifs que la Cour adopte, le jugement déféré reproduisant les motifs du jugement de la chambre régionale des comptes du 22 décembre 1992 a clairement exposé les faits matériels établis à l'encontre de René Z... et Pierre Y... ; que les 2 prévenus n'ont pas contesté la décision de la chambre régionale des comptes ; qu'au cours de l'enquête de police ils ont reconnu que la Scoop BEB avait établi des factures qui ne correspondaient à aucune prestation effectuée et en ont obtenu le paiement par le SIEGA ; que le responsable des services EDF a confirmé le caractère fictif des factures litigieuses ; qu'aucune preuve des études ou projets effectués que si l'établissement d'une fausse facture pouvait être contesté par le débiteur prétendu ne suffisait pas à constituer les manoeuvres exigées par la constitution du délit d'escroquerie, il était établi qu'en l'espèce l'intervention d'un tiers, M. A... président du SIEGA et ordonnateur des dépenses, aurait permis de donner force et crédit aux allégations mensongères contenues dans les factures ;
" et aux motifs adoptés des premiers juges qu'il suffit d'examiner les pièces comptables figurant au dossier pour constater que le receveur du SIEGA a été amené à régler les sommes réclamées par la Scoop BEB au vu de mémoires et de mandats de paiement visés par le président du SIEGA agissant en tant qu'ordonnateur des dépenses correspondantes ;
" alors que le délit d'escroquerie suppose que la victime ait été trompée par les manoeuvres frauduleuses, de telle sorte qu'il existe un lien de causalité entre les manoeuvres et la remise ; que, si les manoeuvres peuvent consister dans l'intervention d'un tiers, l'intervention volontaire du représentant légal de la personne morale qui aurait été victime des manoeuvres ne peut constituer l'intervention d'un tiers susceptible de donner crédit aux allégations du prévenu ; qu'en l'espèce actuelle, la Cour n'a pu considérer comme l'intervention d'un tiers, susceptible de donner force et crédit aux allégations mensongères contenues dans les factures dont René Z... et Pierre Y... respectivement président et directeur de la Scoop BEB auraient été les auteurs, l'intervention de M. A..., président du SIEGA (syndicat intercommunal d'électricité et de gaz de l'Allier), donc représentant légal de celui-ci et, au surplus, ordonnateur de cette personne morale de droit public, était parfaitement au courant de la fictivité des facturations puisque aussi bien il a notamment été déclaré solidairement débiteur par la chambre régionale des comptes d'une somme de 3 603 082, 90 francs à l'égard du SIEGA et que, d'après les juges du fond, " il n'a jamais pu apporter la moindre preuve d'une intervention effective du BEB " " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le syndicat intercommunal d'électricité et de gaz de l'Allier (SIEGA), qui avait confié à EDF la réalisation des travaux nécessaires au raccordement des usagers au réseau de distribution de l'énergie électrique, a chargé d'une mission de conception des travaux et de leur réception la société Bureau d'études du Bourbonnais (BEB), dont René Z... était le président et Pierre Y... directeur ; que le syndicat a payé au BEB des honoraires d'un montant total de 3 603 082, 90 francs ; que René Z... est poursuivi pour escroquerie et Pierre Y... pour complicité de ce délit ;
Attendu que, pour retenir la culpabilité de Pierre Y..., les juges relèvent que les honoraires versés ne correspondaient à aucune contrepartie réelle et que le paiement en a été obtenu grâce à des factures établies par lui, présentées par René Z... et accompagnées de certificats délivrés par le président du SIEGA attestant faussement l'exécution de prestations ; qu'ils énoncent, en outre, que le comptable public a été induit en erreur par ce dernier, qui a donné force et crédit aux allégations mensongères contenues dans les factures ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que le mandataire infidèle qui trompe volontairement son mandat en participant aux manoeuvres frauduleuses destinées à le dépouiller ne saurait être assimilé à ce mandant et intervient comme un tiers, complice de l'escroc, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Pierre Y... et pris de la violation des articles 388 et 520 du Code de procédure pénale, de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que la décision attaquée a confirmé le jugement de première instance en ce qu'il avait requalifié les faits d'abus de biens sociaux et de complicité d'abus de biens sociaux respectivement reprochés à René Z... et Pierre Y... ;
" aux motifs que les premiers juges n'ont pas dénaturé les faits matériels dont ils étaient saisis ; qu'ils n'ont pas retenu une qualification faisant encourir aux prévenus une peine plus sévère que celle prévue pour les infractions visées par les actes de poursuites ; qu'il appartient à la juridiction pénale de donner la véritable qualification juridique aux faits dont elle est saisie à la double condition de ne pas les dénaturer et de ne pas porter atteinte aux droits de la défense en retenant une infraction punie de peine plus sévère que celle visée dans l'acte de poursuites, qu'en l'espèce, les faits matériels déclarés constitutifs d'abus de confiance sont identiques à ceux visés sous la qualification d'abus de biens sociaux ; que la qualification retenue par la juridiction du premier degré est même plus restrictive dans ses éléments constitutifs que l'incrimination initiale ; qu'en effet, l'abus de biens sociaux doit s'analyser en l'application de dirigeant de société des règles régissant l'abus de confiance ;
" et aux motifs adoptés des premiers juges que le tribunal dispose du pouvoir de redonner aux faits dont il est saisi leur exacte qualification juridique ; qu'à cet égard, il y a lieu de considérer que les faits poursuivis sont constitutifs d'un abus de confiance défini à l'article 314-1 du Code pénal comme étant le fait pour une personne de détourner au préjudice d'autrui des fonds, valeurs, ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a accepté à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé ; qu'en effet, René Z... et Pierre Y... avaient, de par leurs fonctions, reçu mandat d'utiliser les deniers de la Scoop BEB pour régler les rémunérations afférentes à des services faits ; qu'en ayant volontairement versé des salaires importants à Philippe X... pendant 3 ans et demi, alors qu'ils reconnaissent eux-mêmes qu'il n'effectuait aucun travail effectif pour la société qu'ils dirigeaient, ils ont ainsi dissipé les fonds de cette dernière en faisant un usage contraire à celui qui leur était imparti ;
" alors, d'une part, que toute personne a le droit d'être avisée des accusations portées contre elle et de bénéficier d'un procès équitable en matière pénale ; que le fait pour les premiers juges de disqualifier les faits, objet de la poursuite, sans avoir avisé les prévenus et les avoir mis en mesure de faire valoir leurs observations sur la disqualification constituait une violation des droits de la défense et de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la cour d'appel avait donc l'obligation d'annuler le jugement de première instance et d'évoquer ;
" alors, d'autre part, qu'en toute hypothèse, à supposer que les juges du fond puissent procéder à une disqualification sans avoir invité les prévenus à s'expliquer sur celle-ci, ils ne peuvent ajouter des faits qui ne seraient pas compris dans la saisine ; que l'article 408 du Code pénal, seul applicable en l'espèce, compte tenu de la date des faits poursuivis, suppose que les fonds remis l'ont été en vertu d'un des contrats limitativement énumérés par ce texte, ce que ne suppose pas le délit d'abus de biens sociaux qui n'exige pas une remise ; qu'il comporte donc une condition que ne comporte pas le délit d'abus de biens sociaux ; qu'au surplus en l'espèce, le demandeur était poursuivi pour complicité d'abus de biens sociaux, ce qui ne supposait pas de remise, et a été condamné pour abus de confiance, ce qui supposait une remise personnelle et un détournement ou une dissipation effective par lui et non une simple aide ou assistance ; que les juges du fond n'avaient donc pas la possibilité, en l'espèce, de procéder à la disqualification à laquelle ils ont procédé qui aboutissait à ajouter aux faits reprochés par le titre de poursuite à Pierre Y... " ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Pierre Y... et pris de la violation de l'article 408 du Code pénal, de l'article 314-1 du nouveau Code pénal, de l'article 373 de la loi du 16 décembre 1992 modifiée par la loi n° 93-913 du 9 juillet 1993, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que la décision attaquée a déclaré le demandeur coupable d'abus de confiance ;
" aux motifs que René Z..., président du conseil d'administration du BEB, et Pierre Y..., directeur du BEB, avaient mandat de par leurs fonctions d'utiliser les fonds du BEB pour régler des salaires afférents à des services réellement effectués ; qu'ils ont ainsi détourné au préjudice du BEB des fonds qui leur avaient été remis et qu'ils avaient acceptés à charge de les représenter ou d'en faire un usage déterminé ;
" alors, d'une part, que le texte applicable en l'espèce est, compte tenu de la date d'entrée en vigueur du nouveau Code de procédure pénale, celui de l'article 408 de l'ancien Code pénal ; que les juges du fond avaient donc le devoir de constater que les fonds qui auraient été détournés avaient été remis à Pierre Y... en vertu d'un des contrats limitativement énumérés par l'article 408 du Code pénal ;
" alors, d'autre part, que la décision attaquée dont résulte seulement que Pierre Y... exerçait les fonctions de directeur salarié du BEB et qui n'analyse nullement l'étendue des pouvoirs qui lui sont conférés ne justifie pas qu'il ait eu mandat de gérer les fonds du BEB, et en vertu duquel il aurait reçu les fonds prétendument détournés ; que si la décision attaquée constate que Pierre Y... était directeur salarié, elle n'indique nullement pourquoi, il aurait, en cette qualité, été chargé de gérer les fonds qui ont été remis à Philippe X... ;
" alors, de troisième part, que le délit d'abus de confiance suppose que soient détournées ou dissipées des choses remises en vertu d'un des contrats limitativement énumérés par l'article 408 du Code pénal ; qu'il résulte des constatations de la décision attaquée que le protocole signé avec Philippe X..., et en vertu duquel celui-ci aurait perçu une rémunération jusqu'à la perception de sa retraite, sans effectuer un travail en contrepartie aurait été signé par René Z..., président du conseil d'administration en même temps que par Pierre Y... ; qu'en tant que président du conseil d'administration, René Z... était le représentant légal de la société ; qu'à supposer que la signature du contrat et la perception par Philippe X... d'une rémunération sans contrepartie de travail aient pu constituer dans les circonstances de l'espèce un détournement, la décision attaquée qui ne précise pas en quoi le rôle de Pierre Y... aurait consisté, ni en quoi il aurait été déterminant n'est pas légalement justifiée ;
" alors, de quatrième part, que l'abus de confiance suppose le détournement ou la dissipation des choses remises, c'est-à-dire, un usage à des fins autres que celles auxquelles les fonds étaient destinés et, d'autre part, que ce détournement ait causé un préjudice ; qu'il n'incombe pas aux juges de se substituer aux dirigeants d'une entreprise pour décider de la décision de gestion à prendre ; qu'en l'espèce actuelle, les juges du fond ont considéré, par adoption des motifs des premiers juges, qu'il y avait eu dissipation parce que BEB aurait réglé des salaires à Philippe X... sans qu'il n'effectue aucun travail effectif et que les prévenus seraient mal venus à soutenir que cette dissipation n'a créé aucun préjudice car les sommes versées à Philippe X... sont restées inférieures à l'indemnité qui lui aurait été réglée si, au lendemain de sa démission de son poste de président du conseil d'administration, ils avaient dû rompre le contrat de travail qui continuait à le lier à la société et qu'en outre l'importance d'une telle indemnité est indéterminable ; que BEB n'avait nullement l'obligation de congédier Philippe X... et aurait exigé de lui un travail effectif ; que de tels motifs qui aboutissent à critiquer une décision de gestion et à substituer l'appréciation du juge à celle de l'entreprise sans caractériser aucun élément objectif d'où résulterait que la solution retenue était plus onéreuse par BEB que la solution consistant à licencier purement et simplement Philippe X... ne caractérise pas un détournement ;
" alors, enfin, que le délit d'abus de confiance est un délit intentionnel ; qu'il suppose la connaissance par les prévenus qu'ils utilisent des fonds à un usage autre que celui auquel ils étaient destinés ; qu'en l'espèce actuelle, les motifs des juges du fond qui se contentent de critiquer la décision de gestion prise par les dirigeants du BEB, sans rechercher si ceux-ci avaient pu légitimement croire que, comme ils le soutenaient, la solution retenue constituait une transaction parfaitement valable, n'ont pas caractérisé l'élément intentionnel du délit d'abus de confiance " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que, de 1987 à septembre 1990, la société anonyme Bureau d'études du Bourbonnais (BEB), dont René Z... était le président et Pierre Y... directeur, a, en vertu d'un protocole secret signé par ces derniers, versé à Philippe X..., précédent président du conseil d'administration, des rémunérations d'un montant de l'ordre de 1 600 000 francs ne correspondant à aucune activité effective ; que les juges relèvent que les prévenus ont volontairement fait un usage de ces fonds de la société qu'ils savaient contraire à celui qui leur avait été fixé et qu'ils avaient accordé cet avantage à Philippe X... " qu'ils craignaient et dont ils redoutaient qu'il puisse leur nuire " ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, si c'est à tort que la cour d'appel a requalifié en abus de confiance et complicité d'abus de confiance les faits initialement poursuivis sous la qualification d'abus de biens sociaux à l'égard de René Z... et de complicité de ce délit à l'égard de Pierre Y..., après avoir constaté l'usage par les prévenus, en connaissance de cause, des biens du BEB dans un intérêt contraire à celui de la société et à des fins personnelles, la peine prononcée contre Pierre Y... se trouve justifiée dans les conditions prévues par l'article 598 du Code de procédure pénale ;
Que, dès lors, les moyens ne sauraient être accueillis ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Philippe X... et pris de la violation des articles 408, 460 du Code pénal ancien, 314-1, 321-1 et suivants du nouveau Code pénal, 8, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de prescription de l'action publique concernant la prévention de recel d'abus de confiance reproché à Philippe X... ;
" aux motifs que, d'une part, en matière de délits d'abus de confiance, de complicité et de recel d'abus de confiance, comme l'ont justement constaté les premiers juges, le délai de prescription de l'action publique court à compter du jour où le délit apparaît et a pu être constaté ; que l'avantage financier accordé à Philippe X... sans contrepartie, incriminé par les qualifications d'abus de biens sociaux, complicité et recel d'abus de biens sociaux, n'a effectivement été révélé que lors de l'enquête préliminaire diligentée sur ordre du procureur de la République en date du 29 janvier 1993 ; qu'à cette date, aucun tiers non suspect d'avoir intérêt à la fraude n'était susceptible d'avoir connaissance des infractions ; qu'il n'est pas établi en effet que le protocole d'accord signé le 9 juin 1986 entre Pierre Y... et René Z... se portant forts pour les associés du BEB et Philippe X... ait été porté à la connaissance de tous les associés du BEB ;
" que, d'une part, Philippe X... ne peut valablement soutenir que le tribunal correctionnel n'était pas valablement saisi des faits concernant les rémunérations qui lui avaient été versées par le BEB sans contrepartie au motif que le soit transmis du parquet en date du 29 janvier 1993 ne visait que les seuls faits constatés par les magistrats de la chambre régionale des comptes ; qu'en effet, dans le cadre de cette enquête, les faits concernant les rémunérations perçues par Philippe X... susceptibles de constituer des infractions pénales ont été mis en évidence ; qu'au vu de cette enquête, le ministère public a décidé d'engager des poursuites des chefs d'abus de biens sociaux, de complicité et de recel d'abus de biens sociaux ; que ces faits visées dans les citations délivrées aux prévenus faisaient bien partie de la saisine du tribunal correctionnel de Moulins, le ministère public ayant la faculté de poursuivre un prévenu au vu de procès-verbaux établis dans le cadre d'une enquête préliminaire quand bien même lesdits faits n'avaient pas été visés spécialement dans un soit transmis ordonnant une enquête ;
" alors que, d'autre part, si en matière de recel le point de départ du délai de prescription peut être fixé au jour où a cessé la détention frauduleuse, il n'en demeure pas moins qu'en matière de recel d'abus de confiance ou d'abus de biens sociaux portant sur des sommes d'argent par nature fongibles, le point de départ du délai de prescription doit, hormis le cas où il serait établi de manière certaine, notamment quant à la date de l'existence d'une subrogation, être fixé à la date de la dernière perception des fonds provenant desdits abus ; qu'il s'ensuit qu'en l'espèce, Philippe X... ayant perçu sa dernière rémunération en septembre 1990, la prescription se trouvait acquise en septembre 1993, la constatation par les juges du fond que l'infraction principale, autrement dit l'abus de confiance, soit demeurée occulte jusqu'à l'ouverture de l'enquête préliminaire demandée le 29 janvier 1993 étant en tout état de cause sans incidence sur l'appréciation de l'acquisition de la prescription compte tenu du caractère juridiquement autonome de l'infraction de recel par rapport à l'infraction originelle ;
" et alors que, d'autre part, si les actes d'enquête préliminaire ouverts sur une présomption d'infraction donnée sont susceptibles d'interrompre la prescription à l'égard d'autres faits révélés par ladite enquête, c'est à la condition que ceux-ci soient unis par rapport à l'infraction première par un lien d'indivisibilité ou de connexité, ce qui n'est pas le cas entre les faits d'escroquerie commis au préjudice du SIEGA et pour lesquels le procureur de la République avait sollicité l'ouverture d'une enquête préliminaire le 29 janvier 1993 et les faits d'abus de confiance et de recel commis au détriment du Bureau d'études du Bourbonnais qui seraient apparus ultérieurement ; que, dès lors, les juges du fond, qui se sont abstenus de rechercher si entre le 29 janvier 1993 et le mois de septembre de la même année, avait été effectivement accompli un acte de poursuite ou d'instruction concernant les faits de recel d'abus de confiance reprochés à Philippe X... et d'examiner si comme celui-ci le faisait valoir dans ses conclusions entièrement dénaturées par la Cour que le premier acte de poursuite et d'instruction de ce chef devait être situé au 9 mai 1994, date de la citation qui lui avait été délivrée, et par prescription, n'ont pas en l'état de leurs énonciations totalement entachées d'insuffisance mis la chambre criminelle en mesure d'exercer son contrôle sur l'acquisition ou non de la prescription " ;
Sur le second moyen de cassation proposé pour Philippe X... pris de la violation des articles 408 et 460 du Code pénal, 314-1 et 321-1 du nouveau Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Philippe X... coupable de recel d'abus de confiance ;
" aux motifs propres qu'il est établi et non contesté qu'après sa démission en qualité de président-directeur général de la Scoop BEB, Philippe X... a continué à percevoir une rémunération sans effectuer en contrepartie un quelconque travail pour le compte du BEB, ayant reçu ainsi entre janvier 1987 et septembre 1990 la somme de 1 604 039 francs ; que cette décision a été prise aux termes d'un protocole signé le 9 juin 1986 entre Philippe X..., Pierre Y... et René Z... ; que le jugement déféré a justement qualifié ces faits en abus de biens sociaux à l'encontre de René Z... et de Pierre Y... et de recel d'abus de confiance à l'encontre de Philippe X..., en écartant pertinemment l'argument des prévenus qui soutenaient que cette solution était moins coûteuse pour le BEB qu'une mesure de licenciement et n'avait créé aucun préjudice à la Scoop BEB ;
" et aux motifs adoptés des premiers juges que ces prévenus sont bien malvenus à soutenir que cette dissipation n'a créé aucun préjudice à la Scoop BEB, aux motifs que les sommes versées à Philippe X... sont restées inférieures à l'indemnité qui lui aurait été réglée si, au lendemain de sa démission de son poste de président du conseil d'administration, ils avaient dû rompre le contrat de travail qui continuait à le lier à cette société ; que l'importance d'une telle indemnité est indéterminable et qu'il doit être souligné que la Scoop BEB n'avait nullement l'obligation de congédier Philippe X... et aurait pu exiger de lui un travail effectif correspondant à l'emploi conservé par l'intéressé ;
" alors que le recel n'est caractérisé qu'autant qu'il y a détention d'une chose ayant une origine délictueuse dûment établie ; que, dans le cadre de l'exercice d'un mandat social, un détournement constitutif d'abus de confiance suppose nécessairement qu'il y ait eu atteinte délibérée aux intérêts matériels de la personne morale, ce qui ne saurait manifestement résulter d'un accord transactionnel passé pour le compte de cette dernière par ses dirigeants salariés, en voulant par ailleurs éviter les risques inhérents à une procédure prud'homale, le juge pénal n'ayant aucune compétence pour substituer son appréciation à l'opportunité de cette décision de rupture des relations issues du contrat de travail, pas plus que celles d'éviter tout litige par la conclusion d'une transaction ; que, dès lors, la décision confirmative de la Cour, considérant qu'une telle opération consistait un abus de confiance et que, par voie de conséquence, les fonds versés à Philippe X..., en exécution de ladite opération, caractérisant la prévention de recel, est dépourvue de toute base légale " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Philippe X... est poursuivi pour avoir sciemment recelé depuis 1987 des sommes provenant de l'abus de biens sociaux commis par René Z... avec la complicité de Pierre Y... au préjudice de la société BEB ;
Attendu que, pour rejeter l'exception tirée de la prescription de l'action publique, les juges, après avoir relevé que les faits d'abus de biens sociaux et de recel n'ont été révélés qu'au cours de l'enquête ordonnée le 29 janvier 1993 par le procureur de la République, pour des faits d'escroquerie, et que la citation a été délivrée au prévenu le 9 mai 1994, prononcent par les motifs repris au moyen ;
Attendu que, s'il est de principe que la prescription du recel de choses commence à courir du jour où la détention a pris fin, l'arrêt attaqué n'encourt pas la censure dès lors qu'il n'est ni établi ni allégué que Philippe X... ait cessé de détenir les fonds recelés et que le prévenu, ayant eu connaissance de leur provenance frauduleuse, la qualification de l'infraction originaire est, en l'espèce, indifférente ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme,
REJETTE les pourvois.