Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Versailles, 28 juin 1993), que la société de conseils juridiques Juri-Fisc a engagé, en 1977 et 1978, Mme Y... et M. X..., en qualité de collaborateurs salariés ; que le contrat de travail comportait une clause dite " de respect de clientèle ", ainsi libellée : " Vous vous interdisez également par avance, dans le cas où vous viendriez à quitter notre société, d'entrer au service ou de vous intéresser de près ou de loin, directement ou indirectement, à l'une quelconque des entreprises avec laquelle vous auriez été mis en contact dans le cadre des missions à vous confiées par notre société, ceci pendant une durée de 3 années à compter de votre départ et ce, même au service d'un nouvel employeur " ; qu'en 1992, Mme Y... et M. X..., devenus avocats, ont donné leur démission et ont créé une société d'avocats ; qu'après leur départ de la société Juri-Fisc, Mme Y... et M. X... ont envoyé des faire-part annonçant l'ouverture de leur cabinet à deux cent cinquante personnes, dont quatorze à des clients de la société Juri-Fisc ; que, de plus, Mme Y... a continué à intervenir pour un groupe de six sociétés, anciennes clientes de la société Juri-Fisc, dont elle avait eu à s'occuper pour le compte de son employeur ; que celui-ci a formé une demande en indemnisation du préjudice causé par le comportement déloyal de ses anciens collaborateurs et la violation par ceux-ci de la clause contractuelle précitée ;
Attendu que Mme Y... et M. X... font grief à la cour d'appel de les avoir condamnés à payer à la société Juri-Fisc la somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, de première part, que l'article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée par la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990, applicable aux contrats en cours, édicte que le contrat de travail de l'avocat salarié ne doit pas comporter de stipulations limitant la liberté d'établissement ultérieure du salarié ; que toute clause de non-concurrence qui, comme en l'espèce, impose des obligations supplémentaires à celles résultant de la déontologie professionnelle et des principes applicables à la concurrence déloyale, limite la liberté d'établissement ; qu'en conséquence, l'arrêt, qui a admis la validité de la clause de non-concurrence contenue dans les contrats des intéressés et les a condamnés à des réparations au profit de leur ancien employeur pour violation de cette clause, a violé le texte susvisé ; alors, de deuxième part, que, s'agissant de la reprise d'anciens clients de la société Juri-Fisc, la cour d'appel n'a pas relevé l'existence d'une faute distincte de l'inobservation de la clause de non-concurrence ; que, sur l'envoi de faire-part annonçant l'établissement à leur compte des avocats salariés à quatorze clients de leur ancien employeur, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que cet envoi ne peut être analysé que comme une " tentative insidieuse de débauchage ", sans rechercher si celui-ci n'avait pas eu pour seul but et seul effet d'informer lesdits clients du départ de deux avocats, ainsi que ces derniers le faisaient valoir dans leurs conclusions en se référant aux attestations de ceux de ces quatorze clients qu'ils avaient refusé d'assister malgré leurs demandes ; que l'arrêt est donc dépourvu de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; alors, de troisième part, que la cour d'appel n'a pas constaté que l'envoi de ces faire-part ait fait perdre un client à la société Juri-Fisc ; qu'en l'absence de tout lien de causalité, l'arrêt, qui a alloué des dommages-intérêts à cette société en réparation du préjudice résultant de la perte d'une chance de conserver un client, a, encore, violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu, d'abord, qu'il ne résulte pas des énonciations de l'arrêt attaqué que, postérieurement au 1er janvier 1992, un contrat de travail ait été conclu entre la société Juri-Fisc, devenue avocat, et ses anciens collaborateurs salariés, également devenus avocats ; que, dès lors, est inopérant le grief pris de la violation, des dispositions de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée par la loi du 31 décembre 1990, celles-ci ne s'appliquant pas aux contrats conclus entre conseils juridiques ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel a retenu que l'envoi de faire-part, " comportant des indications professionnelles précises ", à quatorze clients de leur ancien employeur ne pouvait être analysé que comme une tentative insidieuse de débauchage, à tout le moins, une publicité contraire à l'obligation de loyauté et de délicatesse ; qu'elle a encore relevé qu'en acceptant d'intervenir pour six sociétés, clientes de leur ancien employeur, avec lesquelles ils avaient été mis en relation à l'occasion de leur contrat de travail, Mme Y... et M. X... avaient manqué à l'obligation de respect de clientèle par eux librement contractée ; qu'elle a pu en déduire que, par ces agissements, ceux-ci avaient non seulement fait perdre à la société Juri-Fisc une chance de conserver ces clients, mais lui avaient encore causé un préjudice moral ; que, répondant aux conclusions invoquées, elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.