Attendu que M. Y... était titulaire à la caisse régionale de Crédit agricole (CRCAM) de Toulouse (la banque), d'une part, d'un compte joint avec son épouse, Mme X..., et d'autre part, d'un compte pour l'utilisation duquel il avait donné une procuration à sa femme ; que le divorce des époux Y...-X... a été prononcé le 12 avril 1985 ; que par jugement du 24 décembre 1990, le tribunal de grande instance a condamné M. Y... à payer à la banque le montant des soldes débiteurs des deux comptes ; que M. Y... a fait assigner Mme X... en déclaration de jugement commun et en garantie ; que la banque a demandé la condamnation solidaire des ex-époux à lui payer le montant des soldes débiteurs ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches, en ce qu'il vise le compte joint ouvert au nom des deux époux :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé qu'elle était tenue solidairement avec M. Y... au paiement des sommes dues à la banque et de l'avoir condamnée à garantir M. Y... à concurrence de la moitié des condamnations mises à la charge de ce dernier, alors, selon le moyen, d'une part, que la cour d'appel n'a pas répondu à ses conclusions faisant valoir qu'elle avait adressé à la banque, le 6 novembre 1985, une lettre recommandée avec accusé de réception précisant la date du jugement de divorce et qu'en conséquence, la banque ne pouvait obtenir sa condamnation au paiement des sommes débitées sur le compte joint au-delà de la date de cette notification ; alors, d'autre part, qu'il incombe aux juges du fond de se prononcer sur les documents régulièrement versés aux débats et soumis à leur examen ; que dès lors, en s'abstenant d'examiner la teneur de la lettre du 6 novembre 1985, expressément invoquée par Mme X..., par laquelle elle informait l'établissement bancaire de la date du jugement de divorce, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ; alors, enfin, qu'aux termes de l'article 1315, alinéa 1er, du Code civil, la charge de la preuve repose sur le demandeur ; qu'en l'espèce, il appartenait à M. Y... de prouver que Mme X... avait procédé à des opérations sur le compte joint ; qu'en lui reprochant, cependant, de ne pas établir que seul son mari était l'auteur des opérations effectuées sur ce compte, les juges du fond ont violé les dispositions susvisées ;
Attendu, d'abord, qu'en estimant souverainement, par motifs adoptés, que Mme X... ne prouvait pas avoir avisé la banque du jugement de divorce et lui avoir notifié sa volonté de mettre fin à la convention de compte joint, les juges d'appel ont répondu aux conclusions et procédé à la recherche invoquée ;
Attendu, ensuite, que, n'étant pas contesté que l'épouse, en sa qualité de cotitulaire du compte joint, était soumise à une obligation de solidarité passive, les juges du fond ont souverainement retenu, sans inverser la charge de la preuve, que Mme X... n'établissait pas que les dettes avaient été contractées dans l'intérêt exclusif de M. Y... ;
D'où il suit que, sur ce point, le moyen ne saurait être accueilli ;
Mais sur la troisième branche du moyen, en ce qu'il vise le compte personnel du mari :
Vu l'article 1315, alinéa 1er, du Code civil ;
Attendu que, pour condamner Mme X..., solidairement avec son mari, au paiement des sommes dues à la banque au titre du compte personnel dont M. Y... était titulaire et pour le fonctionnement duquel il lui avait donné une procuration, et à garantir le mari de la moitié des condamnations mises à sa charge de ce chef, l'arrêt attaqué a retenu, par motifs adoptés, que la femme ne rapportait pas la preuve que les diverses opérations effectuées sur ce compte l'avaient été uniquement par son mari ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il incombait à la banque et à M. Y... de prouver que Mme X... avait fait usage, dans son intérêt personnel, du mandat dont elle avait été investie par le mari, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux premières branches du moyen en ce qu'il vise le compte personnel de M. Y... :
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné Mme X... à payer à la banque les sommes dues au titre du compte personnel de M. Y... et à garantir ce dernier des condamnations mises à sa charge, l'arrêt rendu le 2 décembre 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse autrement composée.