Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que plusieurs commissaires-priseurs ont créé à Clermont-Ferrand, sous la dénomination Gersaint, un groupement d'intérêt économique (GIE) ayant pour objet " le développement de l'activité de ses membres dans la profession d'officier ministériel vendeur de meubles, notamment, par la réalisation de ventes de prestige et de ventes spécialisées réalisées en commun " ; que ce groupement a ouvert à Strasbourg (Bas-Rhin) un bureau dénommé " bureau de représentation " et a procédé à la préparation et à l'organisation de ventes publiques aux enchères dans cette ville ; que la chambre des notaires du Bas-Rhin, estimant que cette activité constituait une atteinte au monopole réservé aux notaires et aux huissiers de justice par la loi du 1er juin 1924 relative à l'introduction des lois commerciales françaises dans les départements recouvrés, a assigné le GIE Gersaint, ainsi que ses membres, pour obtenir la fermeture du bureau par lui ouvert à Strasbourg, voir ordonner l'interdiction pour ledit groupement d'exercer la profession de commissaire-priseur, quelles qu'en soient les modalités, sur les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle et prononcer l'annulation de la vente aux enchères publiques par lui organisée le 21 juin 1990 ;
Sur le premier moyen pris en ses deux branches :
Attendu que le GIE fait grief à l'arrêt attaqué (Colmar, 12 mars 1993) d'avoir accueilli ces demandes, alors, selon le moyen, d'une première part, qu'il ne résultait d'aucun " des éléments concordants " retenus par la cour d'appel que le Groupe Gersaint ait enfreint le monopole des huissiers et notaires des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle ; que tel n'était pas le cas pour les " publicités " et " réquisitions " reprochées, non prévues par la loi applicable d'interprétation restrictive ; que tel n'était pas davantage le cas des " expertises " et estimations gratuites préalables aux ventes aux enchères qui ne constituaient pas des prisées légales, seules couvertes par le monopole des huissiers et notaires locaux, et que la cour d'appel n'a pu décider que le Groupe Gersaint avait enfreint ce monopole qu'en violation de l'article 1er de l'ordonnance du 2 novembre 1945, des articles 3 et 5 de l'ordonnance du 26 juin 1816 et de l'article 943 du Code de procédure civile ; et alors, de seconde part, que si le décret du 27 février 1992 (ancien article 3 de l'ordonnance du 26 juin 1816) édicte que les commissaires-priseurs exercent leurs fonctions sur l'ensemble du territoire national à l'exclusion des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, et si l'exclusion qui frappe ces officiers ministériels dans ces trois départements vise la globalité de leurs fonctions, cette interdiction ne peut être étendue aux activités non couvertes par le monopole (publicité, réquisition, expertises hors le cas des prisées légales) et que, les seuls agissements retenus à l'encontre du GIE Groupe Gersaint concernant des activités non couvertes par le monopole, la cour d'appel ne pouvait décider que les activités exercées par ce groupement à Strasbourg l'étaient au moyen d'un bureau annexe, et non d'un bureau de représentation, et étaient de ce fait illégales, qu'en violation du décret précité du 27 février 1992 et par fausse application de la loi du 1er juin 1924, et de l'ordonnance du 26 juin 1816 modifiée par le décret n° 75-461 du 9 juin 1975 ;
Mais attendu qu'après avoir relevé tant par motifs propres qu'adoptés que la publicité relative à la vente publique aux enchères, réalisée le 21 juin 1990 à Strasbourg, avait été, pour l'essentiel, effectuée sous l'en-tête " Groupe Gersaint - commissaires-priseurs ", sans mention de noms d'huissier ou de notaires, que des réquisitions de vente et des ordres d'achat avaient été délivrés directement au GIE, que le règlement des frais de vente avait été adressé au même groupement et que celui-ci ne contestait pas avoir procédé aux estimations des biens mobiliers destinés à ladite vente, la cour d'appel a retenu de cet " ensemble d'éléments concordants " que l'activité du Groupe Gersaint avait excédé les actes préparatoires aux ventes publiques aux enchères et en a exactement déduit que ce groupement avait enfreint le monopole des huissiers et notaires locaux dans l'organisation et la réalisation de ces ventes, même si l'un de ces officiers ministériels avait instrumenté lors de la vente litigieuse ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
Et sur le second moyen :
Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir annulé la vente " organisée le 21 juin 1990 " par le Groupe Gersaint, alors, selon le moyen, de première part, que la seule considération que la vente avait un caractère illicite ne justifiait pas, à défaut d'autres considérations, son annulation ; alors, de deuxième part, que la seule présence de commissaires-priseurs incompétents à une vente aux enchères publiques réalisée par les soins d'un huissier instrumentaire compétent, ne suffisait pas à donner à la vente un caractère illicite et à autoriser le juge à l'annuler ; alors, de troisième part, que, la vente aurait-elle été illicite pour vice de forme, elle ne se trouvait atteinte que d'une nullité relative de telle sorte que, seuls, les vendeurs et acheteurs pouvaient l'invoquer ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé les articles 455 du nouveau Code de procédure civile, 1598 et 1582 et suivants du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant caractérisé l'atteinte portée par le GIE Groupe Gersaint au monopole réservé par la loi du 1er juin 1924 aux huissiers ou notaires des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle dans les fonctions attribuées aux commissaires-priseurs par les lois françaises, notamment dans l'organisation et la réalisation de ventes publiques aux enchères, la cour d'appel en a justement déduit la nullité de la vente litigieuse, réalisée en violation de cette règle d'ordre public ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le pourvoi est abusif ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.