Attendu que, selon les juges du fond, M. Jacques Z... a acquis en 1955 un tableau de Vincent Y...
X... intitulé " Jardin à Auvers ", que le ministre de la Culture a refusé l'autorisation d'exportation par décision du 4 juin 1982, et que l'oeuvre a fait l'objet d'un classement d'office comme monument historique par décret du 28 juillet 1989, contre lequel M. Z... a exercé un recours qui a été rejeté ; que M. Z... a ensuite demandé à l'Etat l'indemnisation du préjudice qu'il estimait avoir subi du fait de la décision de classement qui avait entraîné une dépréciation du tableau, vendu à Paris, le 6 décembre 1992, pour le prix de 55 millions de francs ;
Sur les deux moyens, réunis et pris en leurs diverses branches, du pourvoi principal de l'agent judiciaire du Trésor public :
Attendu que l'agent judiciaire du Trésor public fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 6 juillet 1994) d'avoir accueilli la demande de M. Z... et fixé son indemnisation à 145 millions de francs ; qu'il est fait valoir, dans un premier moyen, d'une part, que le dommage a un caractère incertain dès lors qu'à défaut de classement d'office le ministre de la Culture aurait pu, discrétionnairement sur le fondement de la loi du 23 juin 1941, refuser l'autorisation d'exporter, ce qui eût provoqué un préjudice identique à celui invoqué par M. Z..., mais non indemnisable, d'autre part, que l'autorité de la décision de refus d'exportation prise en 1982 liait le ministre, de sorte que la cour d'appel ne pouvait décider qu'il aurait pu disposer d'un nouveau pouvoir d'appréciation en cas de nouvelle demande d'exportation ; que le second moyen invoque le défaut de motifs de la décision attaquée sur l'évaluation du préjudice ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a souverainement retenu que le refus d'autorisation d'exportation notifié à M. Z... en octobre 1989 se fondait sur la seule mesure de classement d'office du tableau, qui, par application de l'article 21 de la loi du 31 décembre 1913, se trouvait ainsi définitivement interdit d'exportation ; qu'elle en a justement déduit que le préjudice résultant pour M. Z... de cette interdiction avait pour seule origine la mesure de classement d'office qui, en vertu de l'article 16 du texte précité, ouvrait au propriétaire un droit à indemnisation ;
Et attendu que, par un arrêt motivé, les juges du second degré ont procédé, dans l'exercice de leur pouvoir souverain, à l'évaluation du préjudice subi par M. Z..., en comparant le prix de vente du tableau en France avec ceux d'oeuvres comparables vendues à l'époque du classement sur le marché international de l'art ;
Que l'arrêt attaqué est ainsi légalement justifié ;
Et sur le moyen unique, pris en ses deux branches, du pourvoi incident de M. Z... :
Attendu que M. Z... critique la cour d'appel pour avoir limité l'indemnité à 145 millions de francs et fixé le point de départ des intérêts au jour de la signification de l'arrêt, d'une part en violation de l'article 1153 du Code civil, la cour d'appel ayant constaté que la créance de M. Z... avait pris naissance à la date du décret de classement, d'autre part en omettant de répondre au moyen, tiré des motifs du jugement dont la confirmation était demandée, fondé sur l'existence d'un préjudice distinct du retard dans le paiement de la créance, constitué par l'impossibilité de vendre le tableau en 1989 ;
Mais attendu que la cour d'appel a légalement justifié sa décision en fixant le point de départ des intérêts de l'indemnité allouée à la date de la signification de sa décision, qui en a déterminé le montant, répondant ainsi aux conclusions dont elle était saisie, indépendamment du motif surabondant critiqué par la première branche du moyen ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident.