Sur le moyen unique :
Vu les articles 894, 895, 923 et 926 du Code civil ;
Attendu que Marie-Louise X..., de nationalité américaine, est décédée à Paris, le 4 novembre 1965, en laissant à sa succession Mmes Sylvia et Diana Y..., ses petites-filles, venant en représentation de leur père, Christian Y..., prédécédé, et M. Charles Y..., son second fils ; que, par acte du 11 mai 1953, elle avait constitué un trust de droit américain chargeant la Chase Manhattan Bank de gérer les actions qu'elle lui remettait, à charge de lui verser les revenus sa vie durant et, après son décès, de verser le capital à ses petits- enfants ; que, par un avenant du 28 septembre 1962, elle en avait réduit le bénéfice aux seuls enfants de Charles, à l'exception de l'un d'eux, Jérôme ; que, les 10 décembre 1962 et 13 avril 1964, elle avait consenti à son fils Charles plusieurs donations préciputaires portant notamment sur des oeuvres d'art ; que, par testament du 9 octobre 1963, elle avait institué celui-ci légataire de la quotité disponible ; que, par assignation du 6 août 1981, Mmes Sylvia et Diana Y... ont demandé le partage de la succession, dont il est admis qu'elle est uniquement mobilière et est soumise à la loi française, et la réduction des libéralités ; que le notaire commis pour procéder à la liquidation a dressé un procès-verbal de difficulté faisant état de ce que le montant cumulé du trust et des donations consenties à M. Charles Y... excédait celui de la quotité disponible ; que les parties se sont opposées sur l'ordre des réductions ; que Mmes Sylvia et Diana Y... ont soutenu que le trust devait être réduit comme une donation entre vifs, et donc après les legs et donations consenties à M. Charles Y..., qui lui étaient postérieures ; que celui-ci et ses enfants ont au contraire prétendu que le contrat de trust ne pouvait être assimilé à une donation et devait être regardé et réduit comme un legs ; que l'arrêt attaqué a jugé que le trust contient des legs particuliers et que, en conséquence, ces legs devaient être réduits avant les donations consenties à M. Charles Y... conformément à l'article 926 du Code civil ;
Attendu que, pour se prononcer ainsi, la cour d'appel a relevé que les critères de la donation entre vifs font défaut au contrat de trust litigieux, ce qui empêche de l'assimiler à une donation ; que la convention contient des clauses correspondant aux dispositions prévues par les articles 895 et 1002, alinéa 2, du Code civil ; que Marie-Louise Y... avait conservé un pouvoir de révocation, qu'elle a d'ailleurs mis en oeuvre, ce qui rapproche le contrat de trust d'une disposition testamentaire révocable ; que le trust constitué portait sur " des biens à venir " et non sur " des biens présents " ; que la cour d'appel en a déduit qu'au regard de l'ordre de réduction prescrit par l'article 923 du Code civil le contrat de trust du 11 mai 1953, et ses avenants, doivent être qualifiés de dispositions testamentaires et, plus précisément, de legs particuliers ;
Attendu cependant, que la cour d'appel avait constaté que, lors de la constitution du trust le 11 mai 1953, Marie-Louise X... s'était dépouillée d'un capital pour en percevoir les revenus sa vie durant, tout en chargeant le trustee de le remettre, au jour de sa mort, aux bénéficiaires désignés par elle à cette date ; que cette opération, dont, comme le relève la cour d'appel, les parties ne contestaient ni la régularité au regard du droit américain ni qu'elle était dictée par une intention libérale en faveur des bénéficiaires, a réalisé une donation indirecte qui, ayant reçu effet au moment du décès de la donatrice par la réunion de tous ses éléments, a donc pris date à ce jour ; que, dès lors, les dispositions de l'article 926 du Code civil n'étaient pas applicables à la réduction de cette libéralité, de sorte qu'en statuant comme elle a fait la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 septembre 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.