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13/02/1996 | FRANCE | N°95-85538

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 février 1996, 95-85538


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles, en date du 22 septembre 1995, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de viols par personne ayant autorité, a dit n'y avoir lieu à annulation d'actes de la procédure.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 18 décembre 1995, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de

s articles 63, 67, 154, 171, 173, 593 et 802 du Code de procédure pénale, 5-1 et...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles, en date du 22 septembre 1995, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de viols par personne ayant autorité, a dit n'y avoir lieu à annulation d'actes de la procédure.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 18 décembre 1995, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 63, 67, 154, 171, 173, 593 et 802 du Code de procédure pénale, 5-1 et 5-3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut et insuffisance de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'actes, de pièces de la procédure ;
" aux motifs que l'article 67 du Code de procédure pénale stipule que dans le cadre de l'enquête préliminaire "l'officier de police judiciaire peut, pour les nécessités de l'enquête, garder à sa disposition toute personne à l'encontre de laquelle existent des indices faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction" ; que cette mesure d'une durée maximale de 24 heures, peut être prolongée d'un nouveau délai de 24 heures par décision écrite du procureur de la République ; que la première mesure de garde à vue a été prise dans le cadre d'une enquête préliminaire, la seconde a été prise dans le cadre d'une commission rogatoire, c'est-à-dire en application de l'article 154 du Code de procédure pénale qui stipule que "dès que, pour les nécessités de l'exécution de la commission rogatoire, l'officier de police judiciaire est amené à garder une personne à sa disposition, il en informe le juge d'instruction saisi des faits qui contrôle la mesure de garde à vue ; qu'il ne peut retenir cette personne plus de 24 heures..." le juge d'instruction peut accorder l'autorisation écrite de prolonger la mesure d'un nouveau délai dont il fixe la durée sans que celle-ci puisse excéder 24 heures ; que s'il résulte des textes qu'un individu ne peut être privé de sa liberté de mouvement, dans le cadre de la garde à vue, au-delà des limites fixées par le législateur, si l'information est ouverte au moment même où les procédures de flagrance ou d'enquête préliminaires sont abandonnées, la garde à vue pourra s'étendre sur 4 jours, à moins de retirer à l'article 154 l'essentiel de son utilité ; que cette situation peut être considérée comme anormale et il a été proposé pour y remédier que la seconde garde à vue soit séparée de la première de plusieurs semaines, voire plusieurs mois ; qu'en l'espèce plus de 5 ans se sont passés entre les 2 gardes à vue et l'article 154 du Code de procédure pénale trouve sa pleine application ; qu'au surplus le temps de garde à vue excédant les 48 heures n'a pas porté grief aux intérêts de la personne mise en examen ; que les aveux ayant été passés dans ce délai et, pendant les 3 dernières heures, la personne gardée à vue a été laissée au repos ; qu'il n'en demeure pas moins que si l'information est ouverte au moment même où les procédures de flagrance ou d'enquête préliminaires sont abandonnées, la garde à vue peut s'étendre sur 4 jours à moins de retirer de l'article 154 du Code de procédure pénale son fondement ; qu'il y a lieu de souligner que plus de 5 ans se sont passés entre les 2 gardes à vue et l'article 154 du Code de procédure pénale trouve alors sa pleine application ; qu'il convient de relever au surplus que le temps de garde à vue n'a pas en l'espèce porté grief aux intérêts de la personne mise en examen, car les aveux ont été passés avant le délai de 48 heures et pendant les 3 dernières heures X... a été laissé au repos ;
" alors que, d'une part, la durée de la garde à vue ne peut excéder 48 heures dans le cadre d'une même affaire ; qu'en l'espèce, lors de l'enquête préliminaire, X... avait déjà fait l'objet, le 9 mai 1989, d'une garde à vue de 9 heures à l'issue de laquelle est intervenu un classement sans suite ; que dans le cadre de cette même affaire, il avait encore fait l'objet, entre le 18 et le 20 juin 1995, d'une garde à vue de 43 h 30 pour l'exécution d'une commission rogatoire ordonnée par le juge d'instruction ; que dès lors, la durée totale de ces gardes à vue atteignant 52 h 30, ce qui excède la limite fixée par le législateur, c'est en violation des textes susvisés que la chambre d'accusation a dit n'y avoir pas lieu à annulation d'actes, de pièces de la procédure ;
" alors que, d'autre part, le préjudice subi par X... résulte nécessairement de l'excès de pouvoir qui a conduit à la prolongation inconsidérée de la garde à vue, l'intéressé étant d'ailleurs revenu sur les dernières déclarations qu'il avait faites aux gendarmes en précisant que ceux-ci avaient fait pression sur lui pour obtenir lesdits aveux ;
" alors, qu'en outre, en application des articles 5, § 1 et 5, § 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne arrêtée ou détenue, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis une infraction, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires ; que c'est en conséquence en violation des textes susvisés que X... n'a été présenté au juge d'instruction et mis en examen qu'après les gardes à vue successives atteignant au total 52 h 30 " ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article 77 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte des articles 77 et 154 du Code précité, qu'une personne ne peut être retenue en garde à vue, à l'occasion des mêmes faits, pour une durée totale excédant 48 heures ; que le dépassement de ce délai, même si les mesures ont été successivement ordonnées en application de l'un et l'autre de ces textes, constitue par lui-même une atteinte aux intérêts de la personne concernée ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure, qu'à la suite d'une plainte pour viols déposée par Y..., X..., beau-père de la plaignante, a été placé en garde à vue durant 9 heures, au cours d'une enquête préliminaire, ultérieurement classée sans suite ; que, sur une nouvelle plainte de Y..., dénonçant les mêmes faits, une enquête a été ordonnée à l'issue de laquelle une information a été ouverte, par réquisitoire introductif du 11 avril 1994, contre personne non dénommée, du chef de viols par personne ayant autorité ;
Attendu que, sur commission rogatoire du juge d'instruction, X... a été interpellé et placé en garde à vue du 18 au 20 juin 1995 pendant une durée totale de 43 h 30 ; qu'à l'issue de cette mesure il a été présenté au juge d'instruction qui l'a mis en examen et placé sous contrôle judiciaire ;
Attendu que, saisie par le juge d'instruction sur le fondement de l'article 173 du Code de procédure pénale au motif que la durée totale de la garde à vue subie par l'intéressé était de 52 h 30, la chambre d'accusation, pour dire n'y avoir lieu à annulation d'actes de la procédure, retient que le cumul des gardes à vue successives est licite et ajoute qu'en l'espèce la personne concernée n'a subi aucun grief ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la chambre d'accusation a méconnu les principes sus-énoncés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles, en date du 22 septembre 1995, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans les conditions de l'article 609-1, alinéa 2, du Code de procédure pénale ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 95-85538
Date de la décision : 13/02/1996
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

GARDE A VUE - Instruction - Commission rogatoire - Exécution - Cumul avec une garde à vue antérieure en enquête préliminaire - Durée totale excédant quarante-huit heures.

INSTRUCTION - Commission rogatoire - Exécution - Garde à vue - Cumul avec une garde à vue antérieure en enquête préliminaire - Durée totale excédant quarante-huit heures

DROITS DE LA DEFENSE - Instruction - Commission rogatoire - Exécution - Garde à vue - Cumul avec une garde à vue antérieure en enquête préliminaire - Durée totale excédant quarante-huit heures

Il résulte des articles 77 et 154 du Code de procédure pénale qu'une personne ne peut être retenue en garde à vue, à l'occasion des mêmes faits, pour une durée totale excédant 48 heures ; le dépassement de ce délai, même si les mesures ont été successivement ordonnées en enquête préliminaire puis sur commission rogatoire, constitue par lui-même une atteinte aux intérêts de la personne concernée. (1).


Références :

Code de procédure pénale 77, 154

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles (chambre d'accusation), 22 septembre 1995

CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 1987-09-01, Bulletin criminel 1987, n° 308, p. 819 (non-lieu à statuer et rejet) ;

Chambre criminelle, 1992-04-22, Bulletin criminel 1992, n° 172 (1), p. 452 (rejet), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 fév. 1996, pourvoi n°95-85538, Bull. crim. criminel 1996 N° 74 p. 216
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1996 N° 74 p. 216

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. Libouban.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Fossaert-Sabatier.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Nicolay et de Lanouvelle.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:95.85538
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