CASSATION SANS RENVOI sur le pourvoi formé par :
- X... René,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 3e chambre, en date du 4 juillet 1994, qui a statué sur un incident contentieux relatif à l'exécution d'un jugement du tribunal correctionnel de Brest en date du 6 novembre 1992.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu que, par jugement du 6 novembre 1992, devenu définitif, le tribunal correctionnel de Brest a ordonné la démolition d'un bâtiment en bois que René X..., déclaré coupable de défaut de permis de construire, avait irrégulièrement édifié sur le territoire de la commune de Plougastel-Daoulas ;
Que cette mesure n'ayant été assortie d'aucun délai, le ministère public a présenté une requête en difficulté d'exécution, sur le fondement de l'article 710 du Code de procédure pénale ; que la commune est intervenue à la procédure ;
En cet état ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 3, 710 et 711 du Code de procédure pénale, L. 480-1 à L. 480-9 du Code de l'urbanisme, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré l'intervention de la commune de Plougastel-Daoulas, prise en la personne de son maire, recevable ;
" aux motifs qu'il résulte du dossier que la commune de Plougastel-Daoulas est dotée d'un plan d'occupation des sols ; qu'il s'ensuit que le maire de cette commune est chargé, aux termes des articles L. 480-1 à L. 480-9 du Code de l'urbanisme de procéder à la démolition ordonnée par le tribunal en cas de carence du condamné ; qu'en conséquence, l'intervention de la commune de Plougastel-Daoulas, prise en la personne de son maire, à la procédure doit être déclarée recevable ;
" alors que le juge répressif ne peut connaître de l'action civile qu'autant qu'il est saisi de l'action publique, que dès lors, il ne saurait après qu'un jugement définitif ait statué sur cette action, admettre l'intervention de la commune de Plougastel-Daoulas qui n'a pas été partie à l'instance du jugement définitif, que la commune ne pouvait donc saisir la juridiction correctionnelle d'une demande tendant à l'autoriser à procéder à la démolition de l'ouvrage litigieux ; qu'en jugeant le contraire, la Cour viole les articles 3 et 710 du Code de procédure pénale " ;
Attendu que, pour écarter l'argumentation de René X..., qui soutenait que la commune, pour n'avoir pas été partie au jugement pénal, était irrecevable à intervenir sur un incident contentieux relatif à son exécution, la cour d'appel relève qu'en application des dispositions de l'article L. 480-9 du Code de l'urbanisme, le maire de cette commune, dotée d'un plan d'occupation des sols, a le pouvoir, en cas de carence du condamné, de faire procéder à la démolition ordonnée par le tribunal ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, d'où il résulte que la commune est une partie intéressée au sens de l'article 711 du Code de procédure pénale, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Que le moyen ne peut, dès lors qu'être écarté ;
Mais sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 1351 du Code civil, L. 480-1 à L. 480-9 du Code de l'urbanisme, 710 et 711 du Code de procédure pénale, 593 du même Code, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a constaté que le jugement du 6 novembre 1992 est définitif, notamment en ce qui concerne l'ordre de démolition de la construction litigieuse et a dit que cette démolition devra être effectuée au plus tard 1 mois après que le présent arrêt sera définitif, et ce sous astreinte de 200 francs par jour de retard ;
" aux motifs que, par jugement définitif du 6 novembre 1994, le tribunal correctionnel de Brest a condamné René X... pour avoir construit sans permis de construire un bâtiment en bois en remplacement d'une construction ancienne et a ordonné la démolition de l'ouvrage, mais sans assortir cette décision d'un délai ni d'une astreinte contrairement à ce qui avait été requis par le ministère public sur avis de l'Administration préfectorale aux motifs suivants : " Il apparaît également incontournable d'ordonner la démolition de l'ouvrage sans toutefois, en l'état, prévoir de délai ni d'astreinte, compte tenu de la bonne foi du prévenu qui l'amènera sans contrainte à obéir à cette injonction ; cette bonne foi apparaît caractérisée par les circonstances de commission du délit et notamment l'existence d'un bâtiment ancien à la place de la construction nouvelle, l'avis favorable de l'architecte des bâtiments de France donné à la deuxième demande de permis, le fait que, contrairement aux motifs de cette demande, la construction est peu visible de la route et s'intègre harmonieusement dans le paysage " ; que l'article 710 du Code de procédure pénale énonce : " tous incidents contentieux relatifs à l'exécution sont portés devant le tribunal ou la Cour qui a prononcé la sentence " ; qu'il ressort des pièces du dossier que René X... n'a pas procédé à la démolition ordonnée par le jugement définitif du 6 novembre 1992, malgré l'intervention de la gendarmerie du 6 janvier 1993 lui rappelant les prescriptions du jugement, et les lettres de rappel du maire de Plougastel-Daoulas en date des 31 mars 1993 et 17 mai 1993 ; que l'absence de modalité d'exécution de la démolition ordonnée par les premiers juges a rendu celle-ci exécutoire dès lors que le jugement du 6 novembre 1992 est devenu définitif ; que l'abstention de René X... de procéder à la démolition ordonnée constitue un incident contentieux relatif à l'exécution tel que prévue par l'article 710 du Code de procédure pénale précité ; qu'il y a lieu par conséquent de fixer conformément à l'article L. 480-7 du Code de l'urbanisme un délai pour exécuter l'ordre de démolition et une astreinte par jour de retard ; qu'il résulte du dossier que la commune de Plougastel-Daoulas est dotée d'un plan d'occupation des sols ; qu'il s'ensuit que le maire de cette commune est chargé, aux termes des articles L. 480-1 à L. 480-9 du Code de l'urbanisme, de faire respecter les dispositions du Code de l'urbanisme et de procéder à la démolition ordonnée par le tribunal en cas de carence du condamné ; qu'en conséquence, l'intervention de la commune de Plougastel-Daoulas prise en la personne de son maire à la procédure doit être déclarée recevable ;
" alors que, si les juridictions correctionnelles peuvent, en application des dispositions de l'article 710 du Code de procédure pénale, procéder à la rectification des erreurs purement matérielles contenues dans leurs décisions, elles ne sauraient, sans porter atteinte à la chose jugée, restreindre ou accroître les droits consacrés par l'une de ces décisions, au motif qu'il a été omis de statuer sur un chef de demande ; que l'octroi d'un délai sous astreinte pour démolir l'ouvrage ne peut être requise spécialement par le ministère public à la demande de l'Administration ; que cette formalité est substantielle ; que si elle n'a pas été accomplie, les juges répressifs ne peuvent octroyer un délai sous astreinte ; d'où il suit qu'on ne peut ensuite lui demander cet octroi par voie d'interprétation de son jugement sans porter atteinte à la chose jugée ; qu'ainsi, la requête en rectification d'erreur matérielle était irrecevable sur le fondement de l'article 710 du Code de procédure pénale, inapplicable en l'espèce " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'une juridiction correctionnelle, saisie en application de l'article 710 du Code de procédure pénale d'un incident contentieux relatif à l'exécution d'une décision, n'a pas le pouvoir de restreindre ou d'accroître les droits qu'elle consacre et de modifier ainsi la chose jugée ;
Attendu que, saisi dans les conditions ci-dessus rappelées, d'une requête en difficulté d'exécution, tendant à voir impartir au condamné un délai sous astreinte pour procéder à la démolition de son ouvrage, le tribunal, estimant que ces mesures auraient pour effet de modifier la chose jugée, a rejeté la demande tout en autorisant la commune de Plougastel-Daoulas à faire procéder aux travaux de démolition ;
Attendu que, sur les appels du prévenu et du ministère public, la cour d'appel a infirmé cette décision et dit que la démolition devrait être effectuée dans le délai qu'elle a fixé, et sous astreinte de 200 francs par jour de retard ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la décision initiale, a méconnu le sens et la portée du principe susrappelé ;
Que la cassation est, dès lors, encourue de ce chef ;
Et attendu qu'il convient, par application de l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire, de constater que la mesure de démolition de l'ouvrage irrégulièrement édifié par René X... est devenue exécutoire à compter du jour où le jugement du 6 novembre 1992, l'ayant ordonnée, est passé en force de chose jugée ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, en date du 4 juillet 1994 ;
Vu l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
CONSTATE que la mesure de démolition ordonnée par jugement du 6 novembre 1992 est exécutoire ;
Et attendu qu'il ne reste rien à juger :
DIT n'y avoir lieu à renvoi.