CASSATION sur le pourvoi formé par :
- l'administration des Douanes,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 10 mars 1993, qui, dans les poursuites exercées contre Pierre X... du chef d'infraction douanière, après relaxe du prévenu, l'a déboutée de ses demandes.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 104-1, 334-2, 342, 406, 407, 426-2, 435 et 438, 441-1 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé le prévenu des fins de la poursuite ;
" aux motifs que, selon les propres termes du président de cette Commission (de conciliation et d'expertise douanière) n'était jointe à la citation délivrée à l'intéressé le 9 octobre 1990 qu'une photocopie de la déclaration de la mise à la consommation du 28 octobre 1988, pièce illisible dans son recto et comportant au verso des mentions à la plume qui ne sauraient suppléer le procès-verbal de constat prévu par l'article 334-2 du Code des douanes ; que l'article 342 du Code des douanes, dans sa rédaction actuelle, a, certes, introduit en droit douanier le principe de la liberté des preuves ; qu'à défaut de procès-verbal clair et de l'expertise que les premiers juges avaient estimée à juste titre indispensable, c'est à bon droit que ceux-ci ont relaxé le prévenu et débouté l'Administration de ses demandes ;
" alors qu'en vertu des articles 104-1 et 441-1 du Code des douanes, il n'est dressé un acte à fin d'expertise que si le déclarant n'accepte pas l'appréciation faite par le service ; que la demanderesse avait précisément fait valoir que l'acte à fin d'expertise n'avait pas à être établi dès lors que le déclarant de la société Delta avait admis la position retenue par les agents des Douanes, ce qui n'était pas contesté ; qu'en estimant, pour relaxer le prévenu des fins de la poursuite, qu'un acte à fin d'expertise était nécessaire et aurait dû être dressé, la cour d'appel a violé les articles susvisés ;
" alors que les délits douaniers peuvent être prouvés par toutes voies de droit ; qu'en l'espèce, les agents des douanes avaient rédigé un certificat de visite comportant les constatations matérielles du service et non contestées par le déclarant ; qu'en relaxant le prévenu aux motifs qu'un procès-verbal de constat aurait dû être établi et que le certificat de visite ne pouvait être considéré comme constituant la base de la poursuite au même titre qu'un procès-verbal, la cour d'appel a violé l'article 342 du Code des douanes " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier le dispositif ; que l'insuffisance ou la contradiction dans les motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'aux termes de l'article 342 du Code des douanes, les infractions prévues par ce Code peuvent être poursuivies et prouvées par toutes les voies de droit alors même qu'aucune saisie n'aurait été effectuée ou que les marchandises, ayant fait l'objet d'une déclaration, n'auraient donné lieu à aucune observation ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement que la société Delta a importé de Taïwan des porte-clefs avec boîtier bruiteur qu'elle a déclarés comme " appareils électriques de signalisation acoustique " à la position tarifaire 8531 ; qu'estimant que la marchandise importée aurait dû être déclarée comme " jouets " sous l'espèce tarifaire 9503, le bureau des Douanes de Strasbourg a contesté, lors du dédouanement, la position déclarée ;
Qu'après s'être rangé à l'appréciation de ce service, de sorte qu'aucun acte à fin d'expertise ni aucun procès-verbal n'a été dressé, l'importateur l'a, en définitive, refusée ; qu'en conséquence, et au vu des seuls éléments fournis lors de la déclaration de mise à la consommation, l'Administration a cité Pierre X..., gérant de la société, devant le tribunal correctionnel, sur le fondement des articles 38 et 414 du Code des douanes, pour fausse déclaration d'espèce ;
Attendu que, pour renvoyer le prévenu des fins de la poursuite, la cour d'appel énonce que, faute, au soutien des poursuites, du procès-verbal exigé par l'article 334-2 du Code des douanes, la preuve de la commission de l'infraction ne saurait être établie et qu'au demeurant, en l'absence d'acte dressé à cet effet en application des articles 104-1 et 441 du Code précité, l'expertise qui serait nécessaire pour établir la fausseté de la déclaration ne pouvait être diligentée ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors, d'une part, que la preuve de l'infraction reprochée n'était pas subordonnée à la production d'un procès-verbal de constat mais pouvait résulter des éléments acquis aux débats dont elle avait fait le rappel exprès, et alors, d'autre part, qu'il lui appartenait d'ordonner, en application des articles 450-2 du Code des douanes et 21 du décret n° 71-209 du 18 mars 1971 applicable en l'espèce, l'expertise dont elle constatait la nécessité, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des principes et textes susvisés ;
Que, dès lors, la cassation est encourue ;
Par ces motifs et sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen de cassation proposé :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, en date du 10 mars 1993, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Metz.