La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/01/1996 | FRANCE | N°94-15998

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 janvier 1996, 94-15998


Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que l'union de Mme X... et de Y..., mariés en 1977, s'étant révélée stérile, les médecins du centre hospitalier régional de la Grave ont procédé, à partir de 1984, à sept tentatives de fécondation in vitro ; qu'à l'occasion de la deuxième les époux Y... ont signé un document dans lequel ils énonçaient que le transfert des embryons ne pourra être réalisé qu'en présence de chacun d'eux et que, en cas de dissolution du couple, les embryons seraient détruits ; qu'après avoir obtenu quatre embryons, les médecins du CHR on

t implanté deux d'entre eux ; que cette tentative ayant échoué, et son mar...

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que l'union de Mme X... et de Y..., mariés en 1977, s'étant révélée stérile, les médecins du centre hospitalier régional de la Grave ont procédé, à partir de 1984, à sept tentatives de fécondation in vitro ; qu'à l'occasion de la deuxième les époux Y... ont signé un document dans lequel ils énonçaient que le transfert des embryons ne pourra être réalisé qu'en présence de chacun d'eux et que, en cas de dissolution du couple, les embryons seraient détruits ; qu'après avoir obtenu quatre embryons, les médecins du CHR ont implanté deux d'entre eux ; que cette tentative ayant échoué, et son mari étant décédé accidentellement le 10 décembre 1990, Mme Y... a vainement demandé au CHR de procéder à l'implantation des embryons congelés restants ; qu'elle a saisi le tribunal de grande instance pour faire juger que les embryons seraient implantés par les médecins du service de gynécologie obstétrique qui la soignaient habituellement ou, en cas de refus de ces praticiens, seraient mis à sa disposition ; que l'arrêt confirmatif attaqué (Toulouse, 18 avril 1994) a rejeté cette demande et ordonné la destruction des embryons congelés ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande d'implantation des embryons, alors, selon le moyen, d'une part, que l'article 1er de la loi du 17 janvier 1975 garantit le respect de l'être humain dès le commencement de la vie et précise qu'il ne peut y être porté atteinte qu'en cas de nécessité, celle-ci devant s'apprécier à raison de la situation de détresse de la femme ; qu'en faisant obstacle à ce que Mme Y... poursuive sa grossesse, voulue par les deux époux de leur vivant, la cour d'appel n'a pas tenu compte de la volonté de l'intéressée ; et alors, d'autre part, qu'il ressortait des éléments du débat, et notamment de l'exposé des faits des premiers juges, que le recours à l'assistance médicale à la procréation était causé par la stérilité de Mme Y... ; qu'en énonçant, néanmoins, que la démarche des époux Y... était causée par la stérilité de leur couple et que ce couple s'étant trouvé dissous, la cause avait disparu, alors que Mme Y..., membre stérile du couple, était toujours en vie, la cour d'appel a violé l'article 1131 du Code civil ;

Mais attendu que la loi du 17 janvier 1975, relative à l'interruption volontaire de la grossesse n'est pas applicable dans le cas du refus de l'implantation d'embryons, un tel acte ayant seulement pour effet, si l'opération réussit, de permettre une grossesse ;

Et attendu que, avant même l'entrée en vigueur de l'article L. 152-2 du Code de la santé publique issu de la loi du 29 juillet 1994, l'assistance médicale à la procréation ne pouvait avoir pour but légitime que de donner naissance à un enfant au sein d'une famille constituée, ce qui exclut le recours à un processus de fécondation in vitro ou sa poursuite lorsque le couple qui devait accueillir l'enfant a été dissous par la mort du mari avant que l'implantation des embryons, dernière étape de ce processus, ait été réalisée ; qu'ayant constaté que Albino Y... était décédé après l'échec de la tentative d'implantation effectuée le 12 octobre 1990, et avant que les embryons restants aient pu être utilisés, la cour d'appel a exactement décidé que la demande de Mme Y..., contraire à l'engagement qu'elle avait d'ailleurs pris, devait être rejetée ; d'où il suit qu'en aucune de ses branches le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Vu l'article 9 de la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que les embryons existant à la date de promulgation de la loi, qui satisfont aux règles de sécurité sanitaire en vigueur au jour de leur transfert, pourront être confiés à un couple remplissant les conditions prévues à l'article L. 152-5 du Code de la santé publique, et que si leur accueil est impossible, et si la durée de leur conservation est au moins égale à 5 ans, il est mis fin à cette conservation ;

Attendu que ce texte rend caduque la mesure ordonnée par la cour d'appel, dont l'arrêt doit être annulé de ce chef, sans qu'il y ait lieu à renvoi ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen ;

ANNULE mais seulement en ce qu'il a ordonné la destruction des deux embryons congelés, l'arrêt rendu le 18 avril 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT qu'il sera mis fin à la conservation des embryons dans les conditions prévues à l'article 9 de la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 94-15998
Date de la décision : 09/01/1996
Sens de l'arrêt : Annulation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° FILIATION (règles générales) - Maternité - Assistance médicale à la procréation - Fécondation in vitro - Refus d'implantation d'embryons - Loi du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de grossesse - Application (non).

1° SANTE PUBLIQUE - Assistance médicale à la procréation - Fécondation in vitro - Refus d'implantation d'embryons - Loi du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de grossesse - Application (non).

1° La loi du 17 janvier 1975, relative à l'interruption volontaire de grossesse, n'est pas applicable dans le cas du refus de l'implantation d'embryons, un tel acte ayant seulement pour effet, si l'opération réussit, de permettre une grossesse.

2° SANTE PUBLIQUE - Assistance médicale à la procréation - Fécondation in vitro - Conditions - Existence d'une famille constituée - Portée.

2° Avant même l'entrée en vigueur de l'article L. 152-2 du Code de la santé publique issu de la loi du 29 juillet 1994, l'assistance médicale à la procréation ne pouvait avoir pour but légitime que de donner naissance à un enfant au sein d'une famille constituée, ce qui exclut le recours à un processus de fécondation in vitro et sa poursuite, dès lors que le couple qui devait accueillir l'enfant a été dissous par la mort du mari avant que l'implantation des embryons, dernière étape de ce processus, ait été réalisée.

3° SANTE PUBLIQUE - Assistance médicale à la procréation - Fécondation in vitro - Embryons - Article 9 de la loi du 29 juillet 1994 - Embryons préexistants à la date de promulgation de la loi - Destination.

3° Il résulte de l'article 9 de la loi du 29 juillet 1994, que les embryons existant à la date de promulgation de la loi, qui satisfont aux règles de sécurité sanitaire en vigueur au jour de leur transfert, pourront être confiés à un couple remplissant les conditions prévues à l'article L. 152-5 du Code de la santé publique, et que si leur accueil est impossible, et si la durée de leur conservation est au moins égale à 5 ans, il est mis fin à cette conservation.


Références :

2° :
3° :
1° :
3° :
Code de la santé publique L152-2
Code de la santé publique L152-5
Loi 75-17 du 17 janvier 1975
Loi 94-654 du 29 juillet 1994 art. 9

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 18 avril 1994


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 09 jan. 1996, pourvoi n°94-15998, Bull. civ. 1996 I N° 21 p. 13
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1996 I N° 21 p. 13

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Lemontey .
Avocat général : Avocat général : Mme Le Foyer de Costil.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Grégoire.
Avocat(s) : Avocats : MM. Vuitton, Le Prado.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:94.15998
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award