La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/11/1995 | FRANCE | N°93-84706

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 novembre 1995, 93-84706


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- l'administration des Impôts, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Agen, chambre correctionnelle, en date du 16 septembre 1993, qui, dans les poursuites par elle exercées contre Pierre X... pour infraction à la réglementation des opérations portant sur les animaux vivants de boucherie, a annulé les pièces de la procédure.
LA COUR,
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 10, L. 16 B, L. 26, L. 38, L. 45 et L. 47 du Livre des pr

océdures fiscales, 298 bis III, 1739 et 1791 du Code général des impôts, 2...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- l'administration des Impôts, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Agen, chambre correctionnelle, en date du 16 septembre 1993, qui, dans les poursuites par elle exercées contre Pierre X... pour infraction à la réglementation des opérations portant sur les animaux vivants de boucherie, a annulé les pièces de la procédure.
LA COUR,
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 10, L. 16 B, L. 26, L. 38, L. 45 et L. 47 du Livre des procédures fiscales, 298 bis III, 1739 et 1791 du Code général des impôts, 267 quater de l'annexe II du même Code, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré nul le procès-verbal du 19 septembre 1990 par application des articles L. 47 et L. 38 du Livre des procédures fiscales, et annulé par voie de conséquence la citation du 5 mai 1992 ;
" aux motifs que le 16 mai 1990, les agents de la Direction générale des Impôts se sont présentés pour effectuer une vérification de comptabilité, concernant l'impôt sur les sociétés et la TVA, pour les exercices 1987, 1988 et 1989 ; qu'ils pouvaient procéder à un examen de comptabilité, demander des justificatifs et des éclaircissements ; que l'article L. 16 B devait par contre être mis en oeuvre si les agents estimaient exister une présomption que le contribuable se soustrayait à l'impôt sur le revenu ou à la TVA, notamment par fausses factures, de demander au président du tribunal de grande instance une autorisation de visite ; que le jour même, les agents ont dressé un procès-verbal, selon la procédure propre des contributions indirectes, et procédé à des constatations sur le marquage des veaux et sur les pièces techniques avant de saisir réellement les veaux présents le 14 mai 1990 et fictivement les autres ; qu'en omettant d'informer le contribuable que les actes importants de vérification du 16 mai 1990 porteraient sur la situation actuelle des veaux et du stock de l'entreprise, les agents ont induit l'entreprise en erreur sur la portée de leur intervention ; le groupe Bridel étant soupçonné de pratique de fausses factures, l'avis de contrôle portant sur la TVA et les stocks aurait pu avoir un autre retentissement et conduire le contribuable à utiliser les droits prévus par l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales ; que si l'Administration peut simultanément effectuer plusieurs procédures ou utiliser les pièces communiquées, acquises par un autre service ou une autre Administration, ou, à l'occasion d'une première procédure, en entamer une autre, encore faut-il que les actes de procédure et de saisie soient réguliers dans la première procédure ; qu'un détournement de procédure a été commis en l'espèce, portant atteinte aux droits de la défense, tant par l'absence de sincérité de l'avis envoyé selon l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales que de la visite qui a été faite dans les locaux du contribuable, au vu des constatations matérielles des agents verbalisateurs dans leur procès-verbal du 19 septembre 1990 ; que les constatations matérielles du procès-verbal du 19 septembre 1990 constituaient un élément essentiel pour justifier que les lacunes subséquentes de la comptabilité matières, non rejetées sur le plan comptable et exacte, ne permettaient pas l'identification des veaux pour les infractions commises du 1er janvier 1990 au 14 mai 1990 ; qu'il appartenait aux agents de demander une autorisation de visite en application de l'article L. 38 du Livre des procédures fiscales ou de justifier de la véracité des constatations matérielles ; que de permettre aux agents de l'Administration de pénétrer chez un contribuable pour une vérification générale de comptabilité, précisée dans un avis, puis de procéder le jour même, subitement et spontanément, à une visite et des examens matériels, selon une autre procédure, portant sur un autre impôt et une autre période, dont le contribuable n'avait pas eu connaissance, aboutirait à le priver de toutes les garanties prévues par la loi, celle d'une information de ses droits prévue par l'article L. 47 ; que cette garantie constitue un élément important des droits de la défense tout comme l'autorisation préalable de visite domiciliaire par les magistrats prévue par l'article L. 38 du Livre des procédures fiscales ;
" alors que, premièrement, les juges du fond ne pouvaient déduire la nullité du procès-verbal du 19 septembre 1990 d'irrégularités qui auraient été commises lors de la vérification de comptabilité ; que, d'une part, en effet, selon les propres constatations de l'arrêt, la vérification de comptabilité a bien été précédée d'un avis tel que prévu à l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales ; que, d'autre part, dans le cadre d'une vérification de comptabilité portant sur l'impôt sur les sociétés et la TVA, les agents, qui ont pour mission de s'assurer de la sincérité des déclarations, peuvent procéder à toutes les investigations utiles, soit en se faisant communiquer des éléments, soit en procédant à des constatations matérielles ; de sorte qu'en estimant que la vérification de comptabilité était intervenue dans des conditions irrégulières, les juges du second degré ont violé les articles L. 10, L. 45 et L. 47 du Livre des procédures fiscales ;
" alors que, deuxièmement, ayant relevé, dans le cadre d'une vérification de comptabilité portant sur l'impôt sur les sociétés et la TVA, des irrégularités susceptibles de révéler des infractions à la législation sur les contributions indirectes, les agents de l'administration des Impôts, habiles à constater de telles infractions, tenaient de l'article L. 26 du Livre des procédures fiscales, le droit de dresser procès-verbal, sur les lieux où ils se trouvaient, et qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article L. 26 du Livre des procédures fiscales ;
" alors que, troisièmement, les motifs fondés sur les articles L. 16 B et L. 38 du Livre des procédures fiscales sont inopérants dans la mesure où, d'une part, l'article L. 16 B, propre à la fraude fiscale de droit commun, ne concerne pas les contributions indirectes, et dans la mesure où, d'autre part, le droit pour l'Administration d'intervenir dans les conditions de l'article L. 26 du Livre des procédures fiscales fait obstacle à ce que la procédure puisse être considérée comme irrégulière, faute pour l'Administration d'avoir mis en oeuvre la procédure de l'article L. 38 ;
" et alors que, quatrièmement, l'intervention de l'Administration, dans des conditions régulières, au regard des règles régissant la constatation des infractions commises en matière de contributions indirectes, et la constatation de telles infractions, dans le cadre de cette intervention, excluent l'existence d'un détournement de pouvoir ou de procédure " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'aux termes de l'article L. 26 du Livre des procédures fiscales, les agents de l'Administration peuvent intervenir, sans formalité préalable et sans que leur contrôle puisse être retardé, dans les locaux professionnels des personnes soumises, en raison de leur profession, à la législation des contributions indirectes ou aux législations édictant les mêmes règles en matière de procédure et de recouvrement, pour y procéder à des inventaires, aux opérations nécessaires à la constatation et à la garantie de l'impôt et généralement aux contrôles qualitatifs et quantitatifs prévus par ces législations ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du procès-verbal, base des poursuites, qu'après accomplissement des formalités prévues par l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, des agents des Impôts se sont transportés au siège de la SA SOVIDA, qui a notamment pour activité le négoce d'animaux vivants de boucherie, pour y procéder à une vérification de comptabilité ; qu'au cours de ces opérations, ils ont constaté, en examinant la comptabilité matières, diverses infractions à l'article 267 quater de l'annexe II du Code général des impôts qu'ils ont relevées par procès-verbal ultérieur, conformément à l'article 1739 du Code précité ;
Attendu que pour faire droit à l'exception de nullité du procès-verbal et de la procédure subséquente, régulièrement soulevée par Pierre X..., poursuivi en qualité de président directeur général de la société, la cour d'appel, par l'arrêt infirmatif attaqué, énonce que des agents des Impôts, introduits après un avis régulier au siège d'un contribuable pour y accomplir une vérification de comptabilité en matière d'imposition directe, ne peuvent en aucun cas procéder aux contrôles qualitatifs et quantitatifs prévus par la législation sur les contributions indirectes ; que les juges ajoutent que, pour pouvoir effectuer une quelconque visite ou saisie en cette matière, il leur appartient de solliciter, conformément à l'article L. 38 du Livre des procédures fiscales, une autorisation judiciaire préalable ; qu'ils en déduisent qu'eu égard à l'absence de sincérité de l'avis délivré en application de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales et au défaut d'autorisation judiciaire préalable de visite domiciliaire, il y a eu en l'espèce détournement de procédure ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'en matière de contributions indirectes, l'intervention des agents des Impôts dans les locaux professionnels, au titre du droit d'exercice visé à l'article 26 précité, n'est soumise à aucune formalité, les juges du second degré ont méconnu les texte et principe susvisés ;
Que la cassation est dès lors encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel d'Agen, en date du 16 septembre 1993, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Toulouse.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 93-84706
Date de la décision : 30/11/1995
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Impôts indirects et droits d'enregistrement - Procédure - Infractions - Constatation - Agent des Impôts - Droit d'exercice - Mise en oeuvre - Conditions - Autorisation judiciaire (non).

Les agents de l'administration, habilités à constater les infractions en matière de contributions indirectes ou aux textes édictant les mêmes règles en matière de procédure et de recouvrement, tiennent de l'article L. 26 du Livre des procédures fiscales le droit d'intervenir sans formalité préalable dans les locaux professionnels des personnes soumises à ces législations pour y procéder aux contrôles qualitatifs et quantitatifs nécessaires et, le cas échéant, à la constatation des infractions qui peuvent apparaître à cette occasion. Ce droit d'accès et de contrôle dit " droit d'exercice " ne saurait être confondu avec le " droit de visite " prévu à l'article L. 38 du livre précité qui permet à ces mêmes agents, sur autorisation judiciaire, de procéder, dans les mêmes locaux, voire dans les lieux privés, à des perquisitions et saisies, en vue de rechercher la fraude. Encourt donc la censure la cour d'appel qui annule, pour " détournement de procédures ", des poursuites engagées par l'administration fiscale, aux motifs que l'intervention dans les locaux professionnels et le contrôle des quantités matières qui y a été effectué, étaient consécutifs à une vérification de comptabilité et n'avaient pas été autorisés par l'autorité judiciaire dans les conditions prévues par l'article L. 38 du Livre des procédures fiscales.


Références :

Livre des procédures fiscales L26, L38, L47

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen (chambre correctionnelle), 16 septembre 1993


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 30 nov. 1995, pourvoi n°93-84706, Bull. crim. criminel 1995 N° 364 p. 1066
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1995 N° 364 p. 1066

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Culié, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Le Foyer de Costil.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. de Mordant de Massiac.
Avocat(s) : Avocats : MM. Foussard et Capron.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:93.84706
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award