Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 9 décembre 1993), que la Société bordelaise de crédit industriel et commercial (la banque) a ouvert un compte au nom d'une personne prétendant s'appeler Rallye, et présentant une carte d'identité établie sous ce nom, ainsi qu'une quittance de loyer indiquant son domicile prétendu ; que le lendemain cette personne a remis à l'encaissement un chèque tiré par la société Diparco à l'ordre de Rallye et portant un montant, en chiffres, de 71 186 francs, sans indication en lettres ; que la même personne a retiré quelques jours plus tard la plus grande partie de cette somme et a disparu ; que son identité est alors apparue fausse, ainsi que l'indication de son domicile ; que le chèque avait été détourné par elle alors qu'il était destiné à la société X... et surchargé par l'adjonction, non apparente, d'un chiffre 7 devant le montant originaire de 1 186 francs ; que la société Diparco a engagé une action en responsabilité contre la banque ;
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir admis sa responsabilité et écarté celle de la société Diparco, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la vérification par le banquier préalablement à l'ouverture d'un compte, du domicile et de l'identité du postulant est suffisante dès lors que celui-ci a produit une carte d'identité et une quittance de loyer, sans que soit nécessaire l'envoi d'une " lettre d'accueil " en pli recommandé avec demande d'avis de réception ; qu'en l'espèce, à la suite de la demande d'ouverture d'un compte par M. Christophe X..., la Société bordelaise de CIC a procédé aux obligations légales en exigeant la production d'une carte d'identité et une quittance de loyer ; qu'en estimant que cette vérification était insuffisante faute pour la banque d'avoir adressé au postulant une lettre d'accueil sous forme de pli recommandé avec avis de réception, la cour d'appel a violé l'article 30 du décret du 3 octobre 1975 alors en vigueur ; alors, d'autre part, que le banquier a une obligation de non-ingérence dans les affaires de son client et il n'en est autrement qu'en cas d'anomalie grave et apparente ; qu'en conséquence, dès l'ouverture du compte, le client peut, malgré l'absence de délivrance d'un chéquier, remettre librement à l'encaissement un chèque, fût-il barré, quand bien même le tireur n'aurait indiqué qu'en chiffres le montant de la somme à payer ; qu'en considérant cependant que la Société bordelaise de CIC aurait commis une faute en encaissant, le lendemain de l'ouverture du compte, un chèque de 71 186 francs, uniquement libellé en chiffres, présenté par le titulaire du compte pourtant dépourvu de tout chéquier, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; alors, en outre, subsidiairement, que le préjudice subi par le tireur d'un chèque détourné et falsifié ne peut avoir pour cause que les agissements frauduleux du titulaire du compte qui a encaissé le chèque, et non point l'ouverture par ce banquier de ce compte, simple instrument technique, neutre en soi, qui n'est pas de nature à provoquer des pertes chez des tiers ; qu'en considérant néanmoins que la Société bordelaise de CIC avait, en ne procédant pas à une vérification suffisante de l'identité et du domicile du postulant, commis des fautes ayant permis la réalisation du dommage subi par le tireur du chèque, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé le lien de causalité avec le préjudice de celui-ci, l'ouverture du compte ne pouvant apparaître en relation directe avec ce préjudice, a violé l'article 1382 du Code civil ; et alors, enfin, que, la négligence qui a pu être commise par le tireur dans le libellé du chèque et qui a facilité la réalisation de la fraude, peut exonérer totalement ou partiellement le banquier de sa responsabilité ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était pourtant expressément invitée par les écritures d'appel de la banque, si la société Diparco, en établissant un chèque dont la somme était simplement libellée en chiffres et non en toutes lettres, n'avait pas commis une telle faute, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant retenu que la banque avait accepté de son nouveau client, comme justification de domicile, une feuille se présentant comme une quittance de loyer la cour d'appel a pu estimer cette vérification insuffisante et retenir que la négligence ainsi commise avait contribué au succès de la fraude commise ;
Attendu, en second lieu, que l'arrêt constate que la banque a accepté elle-même de recevoir à l'encaissement un chèque ne comportant pas en toutes lettres l'indication de la somme à payer ; qu'il en résulte qu'elle ne peut utilement reprocher à la société Diparco l'émission de tels titres ;
Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.