CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- la commune de Viarmes, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, du 5 octobre 1994 qui, après avoir relaxé Jacques X... du chef de défaut de permis de construire, l'a déboutée de sa demande.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 421-1, L. 480-4 du Code de l'urbanisme, 427, 428, 434, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé X... poursuivi du chef de construction sans permis de construire ;
" aux motifs que l'avocat du prévenu expose à la Cour que le dossier qui avait été produit devant le tribunal où figurait la justification des moyens de défense développés a disparu et n'a pu être retrouvé en dépit de ses demandes auprès des services compétents, qu'il soutient ainsi que l'a jugé le tribunal, qu'en l'espèce son client n'a pas construit une bâtisse nouvelle, mais n'a fait que changer les matériaux et homogénéiser les différentes ouvertures ; que par ailleurs, une clôture de même hauteur que celle rénovée par le prévenu existait auparavant ; qu'il précise que ces éléments de fait étaient établis par les photographies aujourd'hui disparues ; qu'il résulte des motifs du jugement déféré que le premier juge a notamment fondé sa décision sur l'examen des photographies tant de la bâtisse que de la clôture existant antérieurement à la construction litigieuse ; qu'il est établi que l'intégralité de ces documents ne peuvent être produits devant la Cour mettant celle-ci dans l'impossibilité de toute critique éventuelle et rigoureuse des motifs développés par le tribunal ; qu'en outre, il est de principe général que le prévenu ne peut être condamné qu'après avoir été en mesure de faire valoir librement ses moyens de défense contre les accusations portées à son encontre, ce qui à l'évidence n'est pas le cas en l'espèce, et serait de nature, au cas où la Cour ne respecterait pas cette règle essentielle, à porter atteinte au caractère contradictoire de la procédure de jugement ;
" alors, d'une part, qu'il appartient aux juges du fond, s'ils constatent qu'ils sont insuffisamment informés, d'ordonner toute mesure d'instruction opportune qui sera ensuite contradictoirement débattue ;
" alors, d'autre part, que l'aveu est un mode de preuve légalement admissible ; qu'il appartenait à la cour d'appel de dire si en reconnaissant par procès-verbal avoir " démoli une ancienne maison " et " construit une nouvelle construction en dur ", le prévenu n'avouait pas les éléments constitutifs du délit qui lui était reproché ;
" alors, encore que le prévenu reconnaissait à l'audience avoir " changé les matériaux " et " homogénéisé les différentes ouvertures " (par rapport à l'ancienne construction) ; que la Cour devait rechercher, au besoin par tout mode d'instruction admissible, s'il n'en résultait pas une " modification de l'aspect extérieur " de la construction existante, constitutive du délit poursuivi ;
" alors, enfin que la cour d'appel ne pouvait refuser d'examiner la prévention au prétexte que les éléments de défense dont comptait se servir le prévenu " ne pouvaient être produits ", sans justifier que cette " disparition " résultait d'un événement imprévisible, insurmontable, et non imputable au prévenu " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que les juges sont tenus de répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont ils sont saisis ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu, en outre, que l'édification d'un bâtiment nouveau, fût-ce à l'identique, après démolition de celui préexistant ne peut être assimilée aux constructions et travaux faits sur une construction existante ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jacques X... est poursuivi pour avoir édifié, sans permis de construire, une maison d'habitation, au lieu et place d'un ancien bâtiment, et un mur de clôture ;
Attendu que le tribunal correctionnel a relaxé le prévenu en retenant, au vu des photographies que celui-ci produisait, qu'il n'avait changé ni la destination, ni le volume, ni l'aspect extérieur de l'immeuble préexistant et qu'il n'avait fait que reconstruire une clôture ;
Attendu que, pour confirmer cette décision, la juridiction du second degré se borne à énoncer que les premiers juges se sont fondés sur des photographies qui ont depuis disparu, le prévenu n'étant plus en état de présenter ses moyens de défense ;
Mais attendu qu'il résulte des motifs du jugement, adoptés par l'arrêt attaqué, que Jacques X... a reconnu avoir démoli une ancienne bâtisse pour édifier à sa place une nouvelle maison ; que la partie civile, qui se prévalait desdites déclarations dans ses conclusions, soutenait que la configuration de la construction, son aspect extérieur et son volume avaient été modifiés ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait sans répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et alors, de surcroît, qu'il lui appartenait, sans méconnaître les droits de la défense, d'ordonner éventuellement les mesures complémentaires d'instruction que, selon ses propres constatations, la perte des documents saisis aurait rendues nécessaires, la cour d'appel a méconnu les principes ci-dessus énoncés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, mais en ses seules dispositions civiles, l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, du 5 octobre 1994, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Orléans.