REJET des pourvois formés par :
- X... Philippe,
- la société Les Transports Laporte, civilement responsable,
- la compagnie d'assurances Les Mutuelles du Mans, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, 5e chambre, du 13 juin 1994, qui, dans la procédure suivie contre Philippe X... pour blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er et 7 de l'ordonnance du 7 janvier 1959, 32 de la loi du 5 janvier 1985, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné Philippe X... à payer en deniers ou quittances 69 395,04 francs à l'agent judiciaire du Trésor public au titre des diverses prestations servies ;
" aux motifs que c'est à juste titre que l'agent judiciaire du Trésor public fait valoir que l'Etat étant en droit, par application des dispositions de l'ordonnance n° 5976 du 7 janvier 1959, relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques, d'obtenir du tiers responsable le remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à la victime, est bien fondé à réclamer le remboursement de la part du salaire qu'il prélève au titre de la part salariale des cotisations sociales ; que l'agent judiciaire du Trésor justifie par ailleurs que le montant de la rémunération brute de Y... pour la période d'incapacité s'est élevé à 69 395,04 francs ; qu'il y a donc lieu de faire droit à son appel sur ce point ;
" alors que les charges salariales ne constituent pas un élément de préjudice pour la victime ; que l'Etat ou l'organisme public dispose d'un recours subrogatoire contre le tiers responsable au titre des prestations versées à son agent ; qu'il ne saurait obtenir plus que son agent dans les droits auxquels il est subrogé ; qu'en décidant le contraire et en accordant à l'agent judiciaire du Trésor le remboursement des charges salariales afférentes aux salaires versés à Y... pendant son indisponibilité la Cour a violé les textes susvisés " ;
Attendu que, se prononçant sur la réparation du dommage corporel subi par Pierre Y..., agent de l'Etat, blessé lors d'un accident dont Philippe X... a été déclaré responsable, la juridiction du second degré condamne ce dernier à rembourser à l'agent judiciaire du Trésor notamment le montant de la rémunération brute maintenue par l'Etat au profit de la victime pendant la période d'interruption du service ; que pour rejeter à cet égard l'argumentation du tiers responsable, de son employeur civilement responsable et de leur assureur, selon lesquels seule la rémunération nette peut ouvrir droit au recours subrogatoire de l'Etat, les juges retiennent que celui-ci, en droit d'obtenir, par application de l'ordonnance du 7 janvier 1959 " le remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à la victime " est fondé à réclamer celui de la part précomptée sur le traitement de cette dernière au titre des cotisations sociales ;
Attendu qu'en cet état la cour d'appel n'encourt pas le grief allégué ;
Qu'en effet si, dans le préjudice résultant pour un agent de l'Etat, victime d'un accident, de l'interruption temporaire de son service ne peut être prise en compte que la rémunération nette qui a cessé de lui être payée, abstraction faite des charges sociales, dont le non-paiement par précompte est sans conséquence préjudiciable pour lui, il n'en est pas de même lorsque, pendant l'arrêt de travail, la rémunération a été maintenue par l'Etat dont le recours subrogatoire, prévu par l'article 29-2 de la loi du 5 juillet 1985, doit, pour s'exercer pleinement, sans risque d'enrichissement pour la victime, porter sur l'ensemble des sommes versées à ce titre à celle-ci, soit directement, soit dans son intérêt par voie de précompte, lesdites sommes devant, en conséquence, être retenues dans le calcul de l'indemnité réparant l'atteinte à l'intégrité physique de la victime ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er et 7 de l'ordonnance du 7 janvier 1959, 30 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, 1382 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué, infirmant le jugement entrepris sur ce seul chef de dispositif, a condamné Philippe X... à payer en deniers ou quittances 69 395,04 francs à l'agent judiciaire du Trésor public au titre des diverses prestations servies ;
" aux motifs que c'est à juste titre que l'agent judiciaire du Trésor public fait valoir que l'Etat étant en droit, par application des dispositions de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959, relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques, d'obtenir du tiers responsable le remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à la victime, est bien fondé à réclamer le remboursement de la part du salaire qu'il prélève au titre de la part salariale des cotisations sociales ; que l'agent judiciaire du Trésor justifie par ailleurs que le montant de la rémunération brute de Y... pour la période d'incapacité s'est élevé à 69 395,04 francs ; qu'il y a donc lieu de faire droit à son appel sur ce point ;
" alors que la créance de l'organisme public doit nécessairement s'imputer sur le préjudice corporel global de la victime, soumis à recours ; qu'en augmentant la créance de l'agent judiciaire du Trésor sans diminuer d'autant l'indemnité complémentaire revenant à la victime après déduction des prestations versées par les tiers payeurs, la Cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et méconnu le principe de la réparation intégrale " ;
Attendu qu'il est vainement fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir majoré la créance de l'Etat du montant des cotisations sociales salariales précomptées sur la rémunération maintenue pendant l'interruption du service de la victime sans les imputer sur l'indemnité réparatrice de l'atteinte à son intégrité physique, dès lors que, conformément aux prétentions de l'agent judiciaire du Trésor, ladite indemnité, soumise au recours de celui-ci, s'est trouvée par là même augmentée de cette même somme sans qu'il en résulte un enrichissement indu pour la victime ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.