Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 juin 1993), statuant en référé, que la société Entreprise Dodin Ile-de-France ayant effectué des travaux pour le compte de la Compagnie parisienne de chauffage urbain (CPCU), a assigné celle-ci en paiement d'une provision sur un solde de prix ; que, par ordonnance du 11 décembre 1990, la CPCU, ayant offert de verser une certaine somme, a été condamnée au paiement provisionnel de son montant et qu'un expert a été commis pour vérifier les travaux et les comptes ; qu'après dépôt du rapport de celui-ci, la CPCU a été condamnée, par ordonnance du 1er octobre 1992, à payer une provision d'un montant supérieur ;
Attendu que la CPCU fait grief à l'arrêt de confirmer la seconde ordonnance, alors, selon le moyen, 1° que l'ordonnance de référé ne peut être modifiée ou rapportée en référé qu'en cas de circonstances nouvelles ; qu'en l'espèce, statuant par ordonnance de référé du 11 décembre 1990, sur la demande formulée par la société Dodin Ile-de-France à l'encontre de la CPCU relative à l'exécution de marchés de travaux conclus les 4 août 1988 et 30 mars 1989, et tendant à l'allocation d'une provision de 7 000 000 francs à valoir sur le prix des travaux, ainsi qu'à la désignation d'un expert pour évaluer le coût des travaux, le président du tribunal de commerce avait alloué une provision de 1 007 885,27 francs, constaté l'existence d'une contestation sérieuse pour le surplus et, en conséquence, renvoyé les parties au fond et ordonné l'établissement du rapport d'expertise sollicité ; que, par une seconde ordonnance de référé du 1er octobre 1992, le président du tribunal de commerce a modifié sa première décision en affirmant l'absence d'une contestation sérieuse pour le surplus et en allouant une provision complémentaire de 3 240 869,40 francs, sans constater une circonstance nouvelle, sinon le dépôt du rapport d'expertise ordonné en vue de la solution du litige au fond ; qu'en confirmant cette décision, la cour d'appel a violé l'article 488 du nouveau Code de procédure civile ; 2° que le juge ne peut accorder une provision lorsque l'existence de l'obligation est sérieusement contestable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé qu'il appartenait au juge du fond d'examiner les clauses des documents contractuels réglementant notamment les modalités de fixation du prix des travaux et faisant supporter à l'entrepreneur les surcoûts engendrés par les sujétions et contraintes imprévues, pour décider s'il convenait, comme le soutenait le maître d'ouvrage, de rejeter la demande de l'entrepreneur en paiement de la somme de 3 240 869,40 francs représentant, selon l'expert, un complément de prix destiné à prendre en compte le coût réel des travaux ; qu'en accordant cette somme, à titre de provision, après avoir relevé les éléments d'une contestation sérieuse sur l'existence de la créance et affirmé la compétence du juge du fond pour trancher cette contestation, la cour d'appel a refusé de tirer les conséquences légales de ses constatations et violé l'article 873, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ; 3° qu'en toute hypothèse, avant d'accorder une provision, le juge doit rechercher si l'obligation est sérieusement contestable ; qu'en l'espèce, en refusant expressément de rechercher si les stipulations des documents contractuels gouvernant les rapports des parties justifiaient le rejet de la demande de l'entrepreneur en paiement d'une provision de 3 240 869,40 francs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 873, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que l'ordonnance de référé n'a pas, au principal, l'autorité de la chose jugée et que l'existence d'une contestation sérieuse, de nature à affecter les pouvoirs du juge des référés d'ordonner une mesure ou d'accorder une provision, s'apprécie à la date de sa décision, laquelle, selon le cas, est seulement susceptible d'appel ou de pourvoi en cassation et ne relève pas du recours prévu par l'article 488 du nouveau Code de procédure civile relatif aux pouvoirs du juge des référés en cas de circonstances nouvelles ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que l'entreprise Dodin avait effectué les travaux, que le principe de l'obligation de paiement ressortait des marchés, des pièces produites et des explications fournies, et que l'expert avait conclu à l'existence d'une créance de solde de prix pour les remblais et terrassements des deux chantiers, la cour d'appel a pu en déduire, sans trancher une contestation sérieuse, qu'une provision pouvait être allouée à hauteur de la somme déterminée par l'expertise ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.