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27/06/1995 | FRANCE | N°93-11834

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 27 juin 1995, 93-11834


Attendu que les époux X... se sont portés cautions solidaires au profit de la caisse de Crédit agricole mutuel de la Côte-d'Or (CRCAM) du remboursement d'un prêt consenti à M. Y..., en apposant au pied de l'acte la mention manuscrite : " Bon pour caution solidaire de 210 000 francs, deux cent dix mille francs, intérêts et accessoires " ; que, par lettre recommandée avec avis de réception du 5 novembre 1987, ils ont informé la CRCAM de leur volonté de rétracter leur engagement ; que l'acte de prêt a été établi le 23 novembre 1987 après remise, le 6 novembre 1987, des fonds à

l'emprunteur ; qu'à la suite de la défaillance et de la mise en re...

Attendu que les époux X... se sont portés cautions solidaires au profit de la caisse de Crédit agricole mutuel de la Côte-d'Or (CRCAM) du remboursement d'un prêt consenti à M. Y..., en apposant au pied de l'acte la mention manuscrite : " Bon pour caution solidaire de 210 000 francs, deux cent dix mille francs, intérêts et accessoires " ; que, par lettre recommandée avec avis de réception du 5 novembre 1987, ils ont informé la CRCAM de leur volonté de rétracter leur engagement ; que l'acte de prêt a été établi le 23 novembre 1987 après remise, le 6 novembre 1987, des fonds à l'emprunteur ; qu'à la suite de la défaillance et de la mise en redressement judiciaire de M. Y..., la CRCAM a mis les époux X... en demeure de lui payer les sommes restant dues au titre du prêt ; que les époux X... ayant assigné la CRCAM aux fins de voir juger que leur engagement avait été valablement rétracté, celle-ci a conclu au rejet de la demande en faisant valoir qu'elle n'avait pas accepté d'annuler le cautionnement et a sollicité reconventionnellement la condamnation des époux X... à lui payer lesdites sommes ; que l'arrêt attaqué a rejeté la demande principale et condamné les époux X... à payer à la CRCAM une somme de 261 653,38 francs, outre intérêts conventionnels à compter du 30 avril 1990 ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, d'une part, qu'il résulte de l'article 2034 du Code civil que, le cautionnement à durée indéterminée d'une dette future déterminée en son montant peut être résilié unilatéralement par la caution ; qu'une telle résiliation libère la caution de toute obligation, si elle est faite avant la naissance de l'obligation du débiteur principal ; que le prêt de consommation étant, en vertu de l'article 1892 du Code civil, un contrat réel, la caution de la dette du futur emprunteur, dès lors qu'elle ne s'est pas engagée à maintenir son cautionnement pendant une durée déterminée, est libérée de toute obligation à l'égard de la banque si elle a résilié le cautionnement avant que celle-ci n'ait remis les fonds à l'emprunteur ; qu'en l'état, en l'espèce, de cautionnements d'une dette future, dont il n'a pas été contesté qu'ils avaient été conclus sans détermination de durée, la cour d'appel, qui a constaté que les époux X... avaient renoncé unilatéralement à leur engagement avant que les fonds n'aient été remis par la banque à l'emprunteur, ne pouvait, sans violer les articles 2034 et 1892 du Code civil, retenir que cette renonciation n'avait pas entraîné la libération des cautions ; alors, d'autre part, qu'il n'était pas contesté que le banquier avait gardé le silence à la réception de la lettre des cautions portant révocation de leur engagement ; que les cautions pouvaient donc légitimement penser que la banque avait tacitement accepté cette révocation ; qu'en condamnant néanmoins les cautions à payer la dette de l'emprunteur, la cour d'appel a violé l'article 1134, alinéa 2, du Code civil ; alors, enfin, que selon l'alinéa 3 de ce même texte, les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; qu'à supposer que la révocation litigieuse n'ait pu, à elle seule, emporter extinction des cautionnements, la banque ne pouvait en toute bonne foi, alors que ceux-ci avaient été obtenus au domicile des cautions, s'abstenir de répondre à la lettre de révocation de ces dernières et remettre cependant les fonds à l'emprunteur ; qu'en refusant d'admettre que, dans ces conditions, la banque devait être déchue de son droit de demander paiement aux cautions, la cour d'appel a violé l'article 1134, alinéa 3, du Code susvisé ;

Mais attendu, d'abord, que le cautionnement d'un prêt engage la caution dès sa conclusion, avant même la remise des fonds à l'emprunteur ; qu'ainsi que l'a relevé l'arrêt, le prêt de M. Y... était remboursable en 60 mensualités ; que les époux X..., qui avaient ainsi garanti un prêt dont le terme avait été stipulé, ont contracté une obligation limitée dans le temps ; que c'est donc à juste titre que la cour d'appel a retenu que les époux X... ne pouvaient rétracter leur engagement sans l'accord de la CRCAM, même si celle-ci n'avait pas encore remis les fonds à M. Y... ; qu'en sa première branche, le moyen est donc sans fondement ;

Attendu, ensuite, qu'il ne résulte ni de l'arrêt attaqué ni des conclusions que les époux X... aient soutenu devant la cour d'appel que, par le silence par elle gardé à la réception de leur lettre de rétractation, la CRCAM avait tacitement accepté d'annuler leur engagement et, qu'à tout le moins, en s'abstenant de répondre à cette lettre et en remettant cependant les fonds à M. Y..., elle avait manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de cautionnement ; qu'en ses deuxième et troisième branches, le moyen est donc nouveau, et, mélangé de fait et de droit, partant irrecevable ;

D'où il suit qu'en aucune de ses branches le premier moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le second moyen, qui est recevable comme étant de pur droit :

Vu les articles 1326 et 2015 du Code civil ;

Attendu qu'aux termes du second de ces textes, le cautionnement ne se présume point ; qu'il doit être exprès et qu'on ne peut l'étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté ; qu'il résulte du premier que l'engagement que souscrit la caution doit comporter sa signature, ainsi que la mention, écrite de sa main, de la somme en toutes lettres et en chiffres de toute obligation déterminable au jour de l'engagement ;

Attendu que l'arrêt attaqué a condamné les époux X... au paiement de sommes incluant des intérêts conventionnels, des cotisations à un fonds de garantie ainsi qu'une indemnité de recouvrement ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la mention manuscrite n'indiquait pas le taux des intérêts et ne faisait état ni de cotisations à un fonds de garantie ni d'une indemnité de recouvrement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné les époux X... au paiement d'une somme représentant les intérêts conventionnels, les cotisations à un fonds de garantie et l'indemnité de recouvrement, l'arrêt rendu le 15 décembre 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 93-11834
Date de la décision : 27/06/1995
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° CAUTIONNEMENT - Extinction - Résiliation - Remboursement d'un prêt - Résiliation unilatérale avant la remise des fonds à l'emprunteur (non).

1° CAUTIONNEMENT - Caution - Obligations - Etendue - Cautionnement d'un prêt - Portée.

1° Le cautionnement d'un prêt engage la caution dès sa conclusion, avant même la remise des fonds à l'emprunteur. Et s'agissant du cautionnement d'un prêt dont le terme avait été stipulé, la caution qui avait ainsi contracté une obligation limitée dans le temps ne pouvait rétracter son engagement sans l'accord du créancier même si celui-ci n'avait pas encore remis les fonds à l'emprunteur.

2° CAUTIONNEMENT - Etendue - Intérêts du capital cautionné - Intérêts dus par le débiteur principal - Conditions - Taux - Mention manuscrite - Nécessité.

2° CAUTIONNEMENT - Etendue - Cotisations à un fonds de garantie et indemnité de recouvrement - Conditions - Mention manuscrite 2° PREUVE LITTERALE - Acte sous seing privé - Promesse unilatérale - Mentions de l'article 1326 du Code civil - Effets - Caution - Obligations - Intérêts du capital cautionné - Intérêts dus par le débiteur principal - Mention manuscrite du taux - Nécessité 2° PREUVE LITTERALE - Acte sous seing privé - Promesse unilatérale - Mentions de l'article 1326 du Code civil - Effets - Caution - Obligations - Cotisations à un fonds de garantie et indemnité de recouvrement - Accessoires du prêt dus par le débiteur principal - Mention manuscrite - Nécessité 2° INTERETS - Intérêts conventionnels - Taux - Validité - Conditions - Acte de cautionnement - Intérêts dus par le débiteur principal - Mention manuscrite du taux sur l'acte - Nécessité.

2° Une caution, qui s'est obligée au paiement d'une somme déterminée plus " intérêts et accessoires " ne peut être condamnée au paiement d'intérêts de cotisations à un fonds de garantie et d'une indemnité de recouvrement, dont la mention manuscrite constatant son engagement ne faisait pas état ni n'indiquait le taux, concernant les intérêts.


Références :

2° :
Code civil 1326, 2015

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 15 décembre 1992

A RAPPROCHER : (1°). Chambre commerciale, 1992-07-07, Bulletin 1992, IV, n° 262, p. 182 (rejet). A RAPPROCHER : (2°). Chambre civile 1, 1993-12-15, Bulletin 1993, I, n° 367, p. 256 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 27 jui. 1995, pourvoi n°93-11834, Bull. civ. 1995 I N° 283 p. 196
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1995 I N° 283 p. 196

Composition du Tribunal
Président : Président : M. de Bouillane de Lacoste .
Avocat général : Avocat général : M. Gaunet.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Marc.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Delaporte et Briard, M. Blondel.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:93.11834
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