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19/06/1995 | FRANCE | N°94-85915

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 juin 1995, 94-85915


CASSATION sur les pourvois formés par :
- X... Marc,
- Y... Christian,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 17 novembre 1994, qui, dans la procédure suivie notamment contre eux des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, a déclaré irrecevable une requête en annulation d'actes de la procédure, et a dit n'y avoir lieu à annulation.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle de la cour de cassation, en date du 26 avril 1995, presc

rivant l'examen immédiat des pourvois ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le mo...

CASSATION sur les pourvois formés par :
- X... Marc,
- Y... Christian,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 17 novembre 1994, qui, dans la procédure suivie notamment contre eux des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, a déclaré irrecevable une requête en annulation d'actes de la procédure, et a dit n'y avoir lieu à annulation.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle de la cour de cassation, en date du 26 avril 1995, prescrivant l'examen immédiat des pourvois ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Marc X... et pris de la violation des articles 11, 171, 173, 174 et 175 du Code de procédure pénale, 591 et 593 du même Code, défaut de motifs, manque de base légale, violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la requête aux fins d'annulation des procès-verbaux des perquisitions et de la procédure subséquente présentée par X... ;
" aux motifs, d'une part, que si le requérant pouvait avoir connaissance des moyens sur lesquels il a fondé sa requête avant que lui soit notifié l'avis prévu par l'article 175 du Code de procédure pénale, il devait en saisir la chambre d'accusation avant l'expiration du délai prévu par cet article et qu'il ne peut plus arguer d'actes nouveaux d'instruction pour faire juger la régularité d'actes ou de pièces de la procédure antérieurs à l'envoi de cet avis ; qu'en l'espèce, le requérant a agi hors du délai imparti sachant cependant que les moyens d'annulation des opérations de perquisition tirés de ce que les policiers Z... et A... auraient été présents au même moment dans deux lieux différents auraient pu être soulevés avant l'expiration du délai précité au seul vu des mentions portées sur les procès-verbaux ; que de la même façon ne peut plus être invoquée la violation des articles 56 et 97 du Code de procédure pénale tirée de ce que lors de la projection du film, il serait apparu que les policiers auraient procédé à la mise sous scellés hors la présence de X...sachant que le procès-verbal de saisie mentionne que les opérations ont été effectuées en la présence constante et effective de X... et a été signé par ce dernier sans la moindre réserve ;
" aux motifs, d'autre part, qu'en tout état de cause, si aux termes de l'article II du Code de procédure pénale la procédure est secrète pendant l'enquête et l'instruction, la violation du secret de l'instruction n'est sanctionnée par aucune nullité si la présence d'un journaliste n'est pas dissimulée à la présence de la personne suspectée ;
" 1o alors que la réponse favorable donnée à une demande de mesures d'instruction supplémentaires formulée par la personne mise en examen dans le délai de 20 jours imparti par l'avis délivré conformément à l'article 175 du Code de procédure pénale établit que, pour le juge d'instruction, l'information ne lui paraît pas encore terminée et rend caduc l'avis de clôture prématurément notifié ; que tel est le cas en l'espèce où le magistrat instructeur a avisé X... le 17 juin 1994 de son intention de clore l'information, en réponse à une demande de mesures complémentaires effectuée par ce dernier le 4 juillet 1994, avant l'expiration du délai de 20 jours après avoir entendu l'intéressé, délivré une commission rogatoire destinée à procéder à la saisie des photographies et des enregistrements vidéo réalisés par un journaliste au cours de l'interpellation et des perquisitions, puis a ensuite avec X... et Y... visionné la cassette vidéo ainsi saisie ; que, dès lors, les actes d'information auxquels il a été volontairement procédés après l'avis de clôture, révèlent que le magistrat instructeur avait conscience que l'information n'était pas encore terminée le 17 juin 1994 ce qui rend caduc l'avis qui en avait été donné de sorte que l'arrêt attaqué n'est pas légalement justifié ;
" 2o alors que dans le délai de 20 jours ouvert par le juge de l'instruction, X...avait fait connaître au juge les modalités selon lesquelles des commissions rogatoires avaient été exécutées, ce qui avait entraîné la décision prise d'office, par le juge, de l'entendre à nouveau ; qu'il en résulte que le juge a ainsi lui-même rendu caduque la notification du délai de 20 jours de sorte qu'en déclarant irrecevable la requête, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés ;
" 3o alors que la présence d'un journaliste qui photographie et qui enregistre sur une caméra vidéo l'interpellation puis les perquisitions effectuées au cours de l'enquête de police constitue une violation du secret de l'instruction qui porte gravement atteinte aux droits de la défense si la personne suspectée n'y a pas expressément consenti ; que le fait que la présence du journaliste n'ait pas été dissimulée à X... ne peut valoir acceptation de l'atteinte portée au secret de l'instruction de sorte que l'arrêt attaqué a violé les droits de la défense en statuant de la sorte ;
" 4o alors que c'est de la confrontation du film dont le juge a ordonné la saisie et des procès-verbaux d'instruction que résulte la preuve selon laquelle des policiers n'étaient pas présents lors de la perquisition en dépit des mentions du procès-verbal et que la mise sous scellés n'a pas eu lieu en présence de X... ; qu'en se bornant à énoncer que le moyen d'annulation des opérations de perquisition aurait pu être soulevé avant l'expiration du délai de 20 jours et en se fondant sur le motif inopérant selon lequel le procès-verbal a été signé sans réserve pour en déduire l'irrecevabilité de la requête, la chambre d'accusation a de ce chef violé les textes susvisés " ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Christian Y... et pris de la violation des articles 173, 174, 175, 591 et 592 du Code de procédure pénale, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt a dit la requête irrecevable et a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure ;
" aux motifs qu'à l'expiration d'un délai de 20 jours à compter de l'avis prévu par l'article 175, les parties ne sont plus recevables à formuler une demande ou à présenter une requête sur le fondement de l'article 173, alinéa 3, du Code de procédure pénale ; que, par ailleurs, l'article 174 de ce même Code dispose que lorsque la chambre d'accusation est saisie sur le fondement de l'article 173, tous les moyens de nullité doivent lui être proposés et qu'à défaut, les parties ne sont plus recevables à ce faire, sauf le cas où elles n'auraient pu les connaître ; qu'il résulte des dispositions combinées de ces deux articles que si le requérant pouvait avoir connaissance des moyens sur lesquels il a fondé sa requête avant que lui soit notifié l'avis prévu par l'article 175 du Code de procédure pénale, il devait en saisir la chambre d'accusation avant l'expiration du délai prévu par cet article ; qu'il ne peut plus arguer d'actes nouveaux d'instruction pour faire juger la régularité d'actes ou de pièces de la procédure antérieure à l'envoi de cet avis ; que le requérant a agi hors du délai de 20 jours prévu par les dispositions de l'article 175 du Code de procédure pénale ;
" alors que, premièrement, la personne mise en examen peut saisir la chambre d'accusation d'une requête en nullité tant que l'instruction est en cours ; que le 17 juin 1994, le juge d'instruction a avisé Y... que l'instruction lui paraissait close ; que postérieurement à cette date, le même juge d'instruction a délivré une commission rogatoire afin de procéder à la saisie de photographies et enregistrements vidéo effectués par un journaliste et a convoqué le demandeur pour visionner la cassette vidéo saisie ; qu'ainsi, l'instruction a été prolongée et était en cours au moment où la requête tendant aux fins d'annulation d'acte d'instruction a été déposée ; qu'en décidant que cette requête était tardive, comme ayant été déposée au-delà du délai de 20 jours prévu par l'article 175 du Code de procédure pénale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors que, deuxièmement, Y... a été informé de l'existence d'un enregistrement vidéo de l'interpellation de X..., de nature à établir l'irrégularité d'actes d'instruction le concernant, par la requête que ce dernier a déposé le 13 juillet 1994 ; que le demandeur n'a eu connaissance de la teneur de la cassette vidéo saisie que le 24 août 1994, sur invitation du magistrat instructeur ; qu'en décidant qu'il n'était pas recevable à invoquer une nullité sur le fondement de cette pièce, dont il n'a pu avoir connaissance antérieurement, la chambre d'accusation a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
" alors que, troisièmement, et en toute hypothèse, la commission rogatoire tendant à procéder à la saisie des photographies et enregistrements vidéo effectués par un journaliste a nécessairement suspendu le délai de vingt jours mentionné au deuxième alinéa de l'article 175 du Code de procédure pénale ; qu'en déclarant pourtant la requête en annulation tardive, pour avoir été déposée à l'expiration de ce délai, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu d'une part que, selon les dispositions combinées des articles 174, alinéa 1er, et 175 du Code de procédure pénale, le délai de forclusion de 20 jours, prévu par ce dernier texte, ne peut être opposé aux parties en ce qui concerne les irrégularités révélées par les investigations complémentaires sollicitées dans ce délai et diligentées même après son expiration ;
Attendu, d'autre part, que les arrêts des chambres d'accusation doivent être motivés et répondre aux articulations essentielles des mémoires déposés ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Marc X..., mis en examen pour infractions à la législation sur les stupéfiants, a formulé dans le délai de 20 jours après avoir reçu notification de l'avis prévu par l'article 175 du Code de procédure pénale, une demande d'actes d'instruction, et a révélé au magistrat instructeur que son interpellation avait été filmée par un journaliste, dont l'intervention lui avait été présentée par les services de police comme régulière et autorisée ;
Attendu que les investigations alors pratiquées par le juge d'instruction ont établi qu'un journaliste, ayant recueilli l'accord des seuls policiers, a filmé, afin de constituer un reportage destiné à être commercialisé, diverses opérations diligentées sur commission rogatoire, concernant Marc X... et Christian Y... ;
Attendu que, saisie d'une requête en annulation présentée par Marc X..., et à laquelle s'est associé Christian Y..., la chambre d'accusation, pour la déclarer irrecevable comme tardive, énonce que les causes de nullité invoquées étaient connues de Marc X... avant les investigations qui ont été pratiquées par le juge d'instruction à la suite de la révélation de la présence d'un journaliste ;
Que, pour dire en outre n'y avoir lieu à annulation de pièces de la procédure, l'arrêt attaqué relève que la violation du secret de l'instruction n'est sanctionnée par aucune nullité ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans répondre aux articulations du mémoire de Marc X... qui invoquait l'atteinte portée à ses intérêts par une violation du secret de l'instruction non pas postérieure mais concomitante aux actes de procédure et alors que le caractère irrégulier de la présence d'un journaliste n'est apparu qu'après la notification de l'avis prévu par l'article 175 précité, la chambre d'accusation n'a pas justifié sa décision au regard des textes et principes rappelés ci-dessus ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 17 novembre 1994, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, autrement composée.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 94-85915
Date de la décision : 19/06/1995
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° CHAMBRE D'ACCUSATION - Arrêts - Motifs - Réponse aux articulations du mémoire.

1° INSTRUCTION - Secret de l'instruction - Violation concomitante à des actes de la procédure.

1° Les arrêts des chambres d'accusation doivent être motivés et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. Encourt la cassation, l'arrêt de la chambre d'accusation qui ne répond pas aux articulations du mémoire, déposé par une personne mise en examen, invoquant l'atteinte portée à ses intérêts par une violation du secret de l'instruction, non pas postérieure, mais concomitante à des actes de la procédure.

2° INSTRUCTION - Nullités - Chambre d'accusation - Saisine - Saisine par le juge d'instruction - le procureur de la République ou l'une des parties - Requête de l'une des parties - Recevabilité - Requête postérieure à l'expiration du délai prévu après envoi de l'avis de fin d'information - Requête visant des nullités révélées par des investigations sollicitées dans ce délai et diligentées après son expiration.

2° CHAMBRE D'ACCUSATION - Nullités de l'instruction - Requête du juge d'instruction - du procureur de la République ou de l'une des parties - Requête de l'une des parties - Recevabilité - Requête postérieure à l'expiration du délai prévu après envoi de l'avis de fin d'information - Requête visant des nullités révélées par des investigations sollicitées dans ce délai et diligentées après son expiration.

2° Selon les dispositions combinées des articles 174, alinéa 1°, et 175 du Code de procédure pénale, le délai de forclusion de 20 jours, prévu par ce dernier texte, ne peut être opposé aux parties en ce qui concerne les irrégularités révélées par les investigations complémentaires sollicitées dans ce délai, et diligentées même après son expiration(1).


Références :

2° :
Code de procédure pénale 174, al. 1, 175

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (chambre d'accusation), 17 novembre 1994

CONFER : (2°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1995-01-09, Bulletin criminel 1995, n° 6 (1), p. 15 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1995-02-22, Bulletin criminel 1995, n° 79, p. 189 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 jui. 1995, pourvoi n°94-85915, Bull. crim. criminel 1995 N° 223 p. 612
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1995 N° 223 p. 612

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. Le Foyer de Costil.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. de Larosière de Champfeu.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Piwnica et Molinié, M. Foussard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:94.85915
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