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14/06/1995 | FRANCE | N°94-84168

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 juin 1995, 94-84168


REJET des pourvois formés par :
- X... Georgina, veuve Y..., agissant tant en son nom personnel qu'au nom de ses enfants mineurs Clare et Caroline, Z... Ivy, veuve Y..., Y... Evelyne, épouse A..., Y... Jeffrey, parties civiles,
- la Compagnie Mercury Insurance Services Ltd, partie intervenante, contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, du 30 juin 1994, qui, pour homicide involontaire, a condamné Jean-Louis B... à 2 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Su

r le premier moyen de cassation pris des articles 320 du Code pénal, 1382...

REJET des pourvois formés par :
- X... Georgina, veuve Y..., agissant tant en son nom personnel qu'au nom de ses enfants mineurs Clare et Caroline, Z... Ivy, veuve Y..., Y... Evelyne, épouse A..., Y... Jeffrey, parties civiles,
- la Compagnie Mercury Insurance Services Ltd, partie intervenante, contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, du 30 juin 1994, qui, pour homicide involontaire, a condamné Jean-Louis B... à 2 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris des articles 320 du Code pénal, 1382 du Code civil, 2, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué, infirmant partiellement le jugement entrepris sur l'action civile, a retenu un partage de responsabilité entre B..., déclaré coupable d'homicide involontaire, et la victime, M. Michaël Y... et, en conséquence, a limité l'obligation d'indemnisation de B... et de son assureur, à la moitié du préjudice subi par les parties civiles ;
" aux motifs qu'en évoluant hors de la piste balisée Faust, M. Y... a commis une faute d'imprudence ;
" alors, d'une part, que l'emprunt par le skieur d'une piste non balisée n'est pas constitutif d'une faute d'imprudence dès lors qu'il est motivé par les dangers visibles de la piste balisée et n'a pas d'autre objectif que de les contourner aux fins d'assurer sa propre sécurité en empruntant un itinéraire contigu jalonné de traces de skis, pour reprendre à nouveau la piste balisée ; que dès lors, la Cour qui a relevé que M. Y..., arrivé au niveau d'une rupture de pente appelée " mur de paille " avait constaté que la piste Faust était verglacée, bosselée et offrant des difficultés de descente, avait décidé d'en sortir pour emprunter un itinéraire contigu, jalonné de traces de skis pour reprendre à nouveau la piste balisée, ne pouvait considérer que la victime, qui avait agit ainsi pour sa propre sécurité, avait commis une faute d'imprudence ; qu'en retenant néanmoins à sa charge une faute, la Cour a violé les textes visés au moyen ;
" alors, d'autre part, qu'il appartient au directeur des pistes, responsable de la sécurité des skieurs, de prévenir par des précautions convenables et suffisantes les accidents et de signaler spécialement auxdits skieurs les dangers excédant ceux contre lesquels les intéressés doivent personnellement se prémunir et ce, quelle que soit la piste ; que la Cour a relevé le défaut total de signalisation de l'obstacle constitué, aux termes de l'arrêt, par une faille située derrière un mamelon constitué par un gouffre de 90 mètres qui n'était pas visible, pas plus que sa protection limitée à l'amont seulement ; que par ailleurs elle a relevé que le panneau, situé au niveau de la gare d'arrivée du téléphérique, par la généralité de ses termes était insuffisant pour connaître la nature du danger très important constitué par un gouffre invisible pour un skieur évoluant, certes hors pistes, mais à proximité de cette dernière et sur un parcours emprunté par des skieurs ; qu'en conséquence, il était insuffisant pour permettre à la victime de savoir qu'elle aurait dû éviter de prendre un passage qui ne présentait aucun danger apparent et qui, en l'absence de toute signalisation et des traces de skis, pouvait sembler faire partie de la piste balisée ; qu'ainsi et au regard de ces constatations, aucune faute de nature à atténuer la responsabilité du directeur des pistes ne pouvait être retenue à la charge de la victime ; qu'en statuant autrement, la Cour n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors, en tout état de cause, qu'en vertu de son obligation générale de sécurité, le responsable des pistes est le seul responsable de la chute d'un skieur dans un gouffre ouvert sur une piste parallèle à la piste balisée mais damée par le passage de nombreux skieurs et naturellement empruntée ; que dès lors, il appartenait à B..., compte tenu de la figuration des lieux et du danger imminent présenté par ce gouffre et de sa proximité avec la piste Faust de prendre toutes les dispositions utiles de nature à interdire l'accès de cette piste parallèle ou à tout le moins d'en signaler de façon visible et non équivoque les risques ; qu'en retenant néanmoins à la charge de la victime une faute d'imprudence, la Cour n'a pas légalement justifié sa décision ;
" et aux motifs que, d'autre part, la maladresse de M. Y... qui a perdu le contrôle de ses skis à proximité du gouffre a également contribué à sa chute dans celui-ci ;
" alors, d'une part, que pour asseoir un partage de responsabilité, les juges du fond doivent caractériser la faute de la victime ; qu'il ne résulte pas des constatations de l'arrêt que la perte d'un ski ait engendré la perte du contrôle de ses skis par M. Y... ; qu'en ne relevant pas les éléments de fait de nature à caractériser la perte de contrôle de ses skis par la victime, constitutive selon l'arrêt d'une faute à sa charge, la Cour n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors, d'autre part, que la faute de la victime ne peut entraîner une exonération partielle de la responsabilité civile du prévenu que si cette faute, à supposer qu'elle soit établie, a concouru à la production du dommage ; qu'en l'espèce, l'origine causale du décès de la victime ne résidant nullement dans la perte d'un ski, voire du contrôle de ses skis mais, aux termes mêmes de l'arrêt, dans le fait qu'après sa chute (il) n'a pu être arrêté par le filet de protection lequel n'était posé qu'à l'amont (du gouffre) et sur une distance limitée (...) sans prolongateur latéral (arrêt p. 7, 9 et 10) ; qu'ainsi, seule l'absence de protection a été la source du décès de M. Y..., à défaut d'avoir arrêté sa progression vers le gouffre ; qu'en retenant néanmoins que la victime avait participé à la production de son dommage, la Cour n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors, enfin, que la Cour ne pouvait considérer comme fautif le fait pour la victime de skier près du gouffre dès lors que l'arrêt a relevé que la piste empruntée par cette dernière était distante du gouffre de 106, 50 mètres, celui-ci étant totalement invisible aux yeux des skieurs, caché derrière un mamelon et ne faisant l'objet d'aucune signalisation explicite ; qu'en limitant néanmoins le droit à réparation des ayants droit de la victime, la Cour a violé les textes visés au moyen " ;
Attendu qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que Mickaël Y... qui descendait à skis une piste balisée s'est, à hauteur d'une rupture de pente, écarté de celle-ci en raison de son état verglacé et bosselé pour emprunter un itinéraire contigu jalonné de traces ; que ce faisant, il a fait une chute, a glissé le long de la pente puis est tombé dans un gouffre après être passé sous la corde de protection ; qu'il est décédé dans l'accident ;
Que Jean-Louis B..., directeur des remontées mécaniques de la station de ski, a définitivement été déclaré coupable du délit d'homicide involontaire pour avoir négligé d'assurer une signalisation du danger et une protection totale de la faille, située à proximité de la piste mais cachée à la vue des skieurs ;
Attendu que pour instituer un partage de responsabilité et limiter en conséquence la réparation du préjudice des proches parents de la victime, constitués parties civiles, la cour d'appel énonce que le skieur a commis une imprudence, en évoluant hors de la piste balisée, et que cette faute, conjuguée à la maladresse qui lui a fait perdre le contrôle de ses skis, a concouru à sa chute mortelle dans le gouffre ;
Attendu qu'en se déterminant de la sorte, par des motifs procédant d'une appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 2, 388-1, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré la constitution de partie civile de la Compagnie Mercury Insurance Services, assureur de M. Y..., irrecevable ;
" aux motifs que la Compagnie Mercury Insurance Services outre qu'elle ne produit aucune quittance subrogative, ne précise nullement le fondement de son recours sur le point de savoir si les sommes versées à Mme veuve Y... l'ont été en exécution d'un contrat de groupe ou d'assurance vie souscrit par la victime et comme tel dépourvu de tout caractère indemnitaire ou s'il s'agit d'un contrat permettant aux ayants droit de la victime de percevoir une avance sur indemnité ; que, d'autre part, l'action récursoire n'est ouverte qu'aux " institutions " visées par l'article 93 du règlement CEE 1408 / 71, c'est-à-dire aux organismes chargés d'appliquer tout ou partie de la législation d'un Etat membre aux régimes de la sécurité sociale mentionnés par ledit règlement ; que la Compagnie d'assurances Mercury Insurance Services qui ne soutient pas être une institution telle que définie par l'article 93 du règlement CEE 1408 / 71 est dès lors exclue de l'action récursoire en tant que débitrice de prestations en vertu des dispositions purement contractuelles de droit privé (CJCE 15 mars 1984 aff. 183 / 82- rec 1984, p. 1389) ;
" alors, d'une part, que l'assureur est admis à intervenir au procès s'il justifie d'un intérêt ; qu'en l'espèce ce dernier avait soutenu dans ses conclusions d'appel délaissées qu'il sollicitait le remboursement de diverses sommes prises en charge par lui à raison du contrat d'assurance et représentatives des frais de rapatriement du corps de la victime, de sauvetage en montagne et du service d'urgence, frais dont les consorts Y... auraient pu solliciter le remboursement au prévenu s'ils les avaient exposés personnellement ; qu'en rejetant ces demandes, la Cour n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors, d'autre part, que la Cour qui a constaté l'existence d'un contrat de droit privé entre la victime et la Compagnie Mercury ne pouvait déclarer irrecevable la demande en remboursement des sommes sollicitées par cette dernière, sur le fondement de frais avancés pour le compte des consorts Y..., et dont le droit à remboursement n'était pas en l'espèce contesté par le prévenu et son assureur, et déclarant irrecevable sa constitution de partie civile ; qu'en décidant autrement, la Cour a violé les textes visés au moyen " ;
Attendu qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la Compagnie Mercury Insurance Services est intervenue à l'instance pour obtenir le remboursement d'une somme payée à la veuve et des frais de sauvetage et rapatriement qu'elle avait pris en charge en exécution d'une police d'assurance souscrite par la victime ; que le prévenu et son assureur ont contesté la première demande et s'en sont rapportés à justice pour le surplus ;
Attendu que, pour écarter les demandes de la compagnie, la cour d'appel énonce que celle-ci ne précise pas le fondement de ses prétentions, ni ne justifie que les prestations servies en exécution du contrat d'assurance constituent une avance sur indemnité ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet, à l'exception des prestations énumérées à l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 et des indemnités dont l'assureur a fait l'avance à la victime, les sommes versées à celle-ci ou à ses ayants droit, au titre du dommage résultant des atteintes à sa personne, et en vertu d'une obligation conventionnelle, n'ouvrent droit à aucune action contre la personne tenue à réparation par application de l'article 33 de la loi du 5 juillet 1985 ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 94-84168
Date de la décision : 14/06/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ASSURANCE - Action civile - Intervention ou mise en cause de l'assureur - Assureur de la victime - Recours subrogatoire contre le prévenu - Sommes versées à la victime au titre du dommage résultant d'une atteinte à sa personne - Conditions.

A l'exception des prestations énumérées à l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 et des indemnités dont l'assureur a fait l'avance à la victime, les sommes versées à celle-ci ou à ses ayants droit, au titre du dommage résultant des atteintes à sa personne et en vertu d'une obligation conventionnelle, n'ouvrent droit à aucune action contre la personne tenue à réparation par application de l'article 33 de la loi du 5 juillet 1985.


Références :

Loi 85-677 du 05 juillet 1985 art. 29, art. 33

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry (chambre correctionnelle), 30 juin 1994


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 jui. 1995, pourvoi n°94-84168, Bull. crim. criminel 1995 N° 219 p. 599
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1995 N° 219 p. 599

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. Amiel.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Ferrari.
Avocat(s) : Avocats : M. Vuitton, la SCP Rouvière et Boutet.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:94.84168
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