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01/06/1995 | FRANCE | N°92-20688;92-20778

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 01 juin 1995, 92-20688 et suivant


Vu leur connexité, joint les pourvois n°s 92-20.688 et 92-20.778 ;

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, qu'à la suite d'un contrôle, l'URSSAF a réintégré dans l'assiette des cotisations dues par la société Entreprise industrielle au titre de la période du 1er novembre 1985 au 31 décembre 1987 les indemnités de grand déplacement allouées par elle à ses salariés itinérants, ainsi que les indemnités de grand déplacement, dites du vendredi soir, versées à ces salariés le jour du retour à leur résidence en fin de semaine et les indemnités dites de gard

e de chambre, destinées à compenser les frais exposés par ces mêmes travailleur...

Vu leur connexité, joint les pourvois n°s 92-20.688 et 92-20.778 ;

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, qu'à la suite d'un contrôle, l'URSSAF a réintégré dans l'assiette des cotisations dues par la société Entreprise industrielle au titre de la période du 1er novembre 1985 au 31 décembre 1987 les indemnités de grand déplacement allouées par elle à ses salariés itinérants, ainsi que les indemnités de grand déplacement, dites du vendredi soir, versées à ces salariés le jour du retour à leur résidence en fin de semaine et les indemnités dites de garde de chambre, destinées à compenser les frais exposés par ces mêmes travailleurs pour conserver leur chambre pendant le week-end ; que l'URSSAF a demandé à la société d'acquitter, du chef de ce redressement, des cotisations dont elle a fixé forfaitairement le montant ; que la société a contesté à la fois le principe du redressement et celui de la méthode de calcul employée ;

Attendu qu'accueillant partiellement ce recours, l'arrêt attaqué (Dijon, 16 septembre 1992) a décidé que la réintégration des indemnités litigieuses était justifiée en son principe, mais que l'URSSAF ne pouvait prétendre à paiement de cotisations que sur les sommes allouées en 1986, l'évaluation forfaitaire effectuée par cet organisme pour l'autre partie de la période étant écartée comme appliquée illégitimement ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° 92-20.688 formé par l'URSSAF :

Attendu que l'URSSAF reproche à la cour d'appel d'avoir déclaré irrégulière la taxation forfaitaire pratiquée par elle, alors, selon le moyen, que l'arrêté du 26 mai 1975 fixe les conditions et les limites de l'exonération des frais professionnels prévus à l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale ; que le bénéfice de l'exonération des indemnités destinées à compenser les dépenses supplémentaires de nourriture et de logement versées aux salariés empêchés de regagner chaque jour leur résidence, prévue à l'article 3 de l'arrêté, est subordonné à la preuve par l'employeur de la nécessité d'une double résidence ; que lorsque la comptabilité de l'employeur ne permet pas, sans investigation personnelle sur le lieu de résidence du salarié et le lieu de son travail effectif, d'établir le montant réel de l'assiette des cotisations dues au titre de ces indemnités, l'URSSAF est autorisée à recourir à la taxation forfaitaire ; qu'en énonçant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 242-1, R. 242-5 du Code de la sécurité sociale et 3 de l'arrêté interministériel du 26 mai 1975 ;

Mais attendu qu'ayant exactement énoncé que c'est seulement lorsque la comptabilité de l'employeur ne permet pas d'établir le chiffre exact des rémunérations servant de base au calcul des cotisations que l'organisme de recouvrement est fondé à recourir à la taxation forfaitaire, la cour d'appel déduit des circonstances qu'elle relève que la comptabilité de la société n'était pas insuffisante sur le point en litige ; qu'elle a, dès lors, à bon droit, décidé que le recours à la taxation forfaitaire n'était pas, en pareil cas, autorisé ; que le moyen n'est donc pas fondé ;

Sur les deux moyens, réunis, pris en leurs diverses branches, du pourvoi n° 92-20.778 formé par la société Entreprise industrielle :

Attendu que la société Entreprise industrielle fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que les indemnités de grand déplacement et les indemnités de garde de chambre devaient être soumises à cotisations à concurrence des montants retenus, alors, selon le moyen, que, de première part, à aucun moment, l'URSSAF n'a soutenu qu'il importait de déclarer non pertinents, au regard de l'objet de la preuve, les résultats des travaux de l'expert X... appelé, lors d'un précédent contrôle, à se prononcer sur la même question : oui ou non, les salariés concernés étaient-ils empêchés de regagner chaque soir leur domicile ; que l'URSSAF n'a pas soutenu que rien ne permettait d'affirmer que les conditions de déplacement examinées par cet expert étaient identiques à celles des salariés actifs sur les chantiers visés par ce même contrôle cependant que les conditions de travail, comme cela a été soutenu, n'ont pas varié ; qu'en refusant, sur le fondement du seul motif précité, de tenir compte des travaux de l'expert analysés par les conclusions très circonstanciées de l'entreprise, la cour d'appel a violé le principe de la liberté de la preuve en la matière et donc l'article 1315 du Code civil, méconnu les exigences du principe dispositif, et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile en déclarant non pertinents les travaux d'un expert judiciaire désigné lors d'une précédente affaire analogue, cependant que l'URSSAF n'a jamais sollicité un tel jugement de valeur ; alors, de deuxième part, qu'en toute hypothèse, la société insistait, dans ses écritures d'appel, sur la circonstance que les salariés concernés par le redressement étaient, en fait, empêchés de regagner chaque jour leur lieu de résidence eu égard aux contraintes des chantiers où ils étaient actifs dans des campagnes isolées ; qu'à cet égard, l'URSSAF a elle-même reconnu dans ses écritures que " le fait qu'il ait été constaté qu'il n'existait pas de moyen de transport en commun permettant d'effectuer le trajet chantier-résidence en moins d'une heure trente, et ce pour les chantiers distants de moins de 45 kilomètres, ne saurait constituer la preuve, dont la charge pèse sur l'employeur, que les salariés n'ont effectivement pu regagner leur résidence chaque jour " ; qu'en ne tenant aucun compte de ces données admises par l'URSSAF, données largement développées par l'entreprise objet du redressement, données de nature à avoir une incidence directe sur l'objet du litige, la cour d'appel a violé derechef l'article 1315 du Code civil et privé sa décision de base légale au regard des articles L. 242-1 du Code de la sécurité sociale et 3 de l'arrêté du 26 mai 1975 ; alors, de troisième part, qu'à situation identique doit correspondre un jugement identique ; qu'à aucun moment, l'URSSAF n'a soutenu que la situation à l'origine du redressement litigieux était différente de celle ayant débouché sur l'arrêt de la cour d'appel de Dijon du 19 mars 1991, arrêt dont l'autorité était invoquée ; que, dans un tel contexte, il appartenait à l'URSSAF d'établir en quoi les situations divergeaient et, en toute hypothèse, la cour d'appel se devait de s'expliquer de façon circonstanciée pour retenir utilement une solution inverse à celle de son précédent arrêt du 19 mars 1991 ; qu'en se contentant d'affirmer que la preuve de la situation de grand déplacement n'était pas rapportée, sans autre motif, la cour d'appel méconnaît les exigences d'un procès équitable au sens de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de

l'homme et des libertés fondamentales, ensemble celles des droits de la défense et d'une motivation pertinente ; et alors, enfin, que la cassation qui ne manquera pas d'intervenir sur le fondement du premier moyen aura pour inéluctable conséquence d'entraîner la cassation du chef, ici querellé, du dispositif, et ce en application des dispositions de l'article 624 du nouveau Code de procédure civile, ensemble du principe de rationalité ;

Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait soumis à son examen, la cour d'appel, après avoir écarté comme non probant un rapport d'expertise déposé dans le cadre d'une procédure antérieure, estime que l'employeur ne rapporte pas la preuve lui incombant que les conditions de travail des salariés dont le cas est examiné les empêchaient effectivement de regagner chaque jour le lieu de leur résidence ; qu'elle a pu, dès lors, sans encourir les griefs du moyen, décider que les sommes litigieuses devaient être incluses dans l'assiette des cotisations ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 92-20688;92-20778
Date de la décision : 01/06/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° SECURITE SOCIALE - Cotisations - Calcul - Comptabilité insuffisante - Taxation forfaitaire - Condition.

1° C'est seulement lorsque la comptabilité de l'employeur ne permet pas d'établir le chiffre exact des rémunérations servant de base au calcul des cotisations que l'organisme de recouvrement est fondé à recourir à la taxation forfaitaire.

2° SECURITE SOCIALE - Cotisations - Assiette - Indemnité de grand déplacement.

2° SECURITE SOCIALE - Cotisations - Assiette - Indemnité de garde de chambre.

2° L'employeur ne rapportant pas la preuve que les conditions de travail des salariés, auxquels ont été allouées des indemnités de grand déplacement et des indemnités de garde de chambre, les empêchaient de regagner chaque jour le lieu de leur résidence, une cour d'appel a pu décider que ces indemnités devaient être incluses dans l'assiette des cotisations.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 16 septembre 1992

A RAPPROCHER : (1°). Chambre sociale, 1995-02-23, Bulletin 1995, V, n° 74, p. 53 (rejet), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 01 jui. 1995, pourvoi n°92-20688;92-20778, Bull. civ. 1995 V N° 173 p. 127
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1995 V N° 173 p. 127

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Kuhnmunch .
Avocat général : Avocat général : M. Chauvy.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Berthéas.
Avocat(s) : Avocats : MM. de Nervo, Blondel.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:92.20688
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