REJET du pourvoi formé par :
- X... Francis,
- Y... Monique, épouse X...,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Riom, chambre correctionnelle, du 15 décembre 1993, qui, pour après relaxe de Paul Z... du chef de vol, les a déboutés de leurs demandes.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 2279 du Code civil, 379 du Code pénal, 458, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que la décision a relaxé Z... de la prévention de vol, en le faisant bénéficier de la présomption de l'article 2279 du Code civil, qui, d'après l'arrêt, " peut utilement être retenue au profit de Z... avec toutes conséquences de droit " ;
" aux motifs qu'en fonction de la présomption instituée par l'article 2279, il appartient aux demandeurs en revendication de justifier de la précarité de la possession des biens par le tiers, à défaut de quoi, celui-ci a titre pour les conserver ; qu'en ce qui concerne le litige il est établi qu'à compter du 17 octobre 1989, date à laquelle Z... a fait ouvrir le coffre en colocataire avec Mme A..., décédée le 3 octobre 1989, Z... s'est trouvé en possession des valeurs contenues dans le coffre coloué le 21 janvier 1989 ; que le contrat de colocation convenu à l'initiative de Mme A... est régulier et rien n'indique qu'il aurait été obtenu par ruse ou manoeuvre de la part du prévenu ; que l'effet de ce contrat était de donner à Z... un libre accès au coffre, même après le décès du colocataire, et ce, à l'exclusion de toute autre personne ; que la volonté libérale de Mme A... paraît raisonnablement envisageable, bien que non concrétisée par un document plus explicite que le contrat de colocation, que l'ouverture du coffre a été effectuée dans des conditions ordinaires par une entreprise spécialisée ; que le prévenu n'a jamais prétendu que tout ou partie des valeurs contenues dans le coffre lui appartenaient ; cependant qu'en l'absence d'inventaire contradictoire, il aurait été loisible à un individu de mauvaise foi de prétendre sans grand danger d'être contredit être propriétaire de l'ensemble ou partie des biens, s'agissant de pièces d'or ou de bons anonymes ; que la preuve de la connaissance par Z... d'un legs au profit des époux X... n'est pas rapportée ; que reste la critique faite au prévenu de n'avoir pas, après le décès de Mme A..., recherché d'éventuels héritiers, voire chercher à prévenir les époux X... dont il était supposé connaître l'existence ; que cependant, Z..., non membre de la famille, n'avait pas à s'ériger en exécuteur testamentaire au profit de parents dont les liens affectifs avec la défunte paraissent bien faibles ; que les relations que lui-même avait entretenues avec Mme A... pendant les années ayant précédé son décès et la conscience qu'il pouvait avoir d'une volonté gratifiante de sa part sont de nature à expliquer l'attitude de Z..., mais non à établir à son encontre la mauvaise foi que lui imputent les parties civiles ; que dans ces conditions, il apparaît que la présomption de l'article 2279 peut utilement être retenue au profit de Z... avec toutes les conséquences de droit ;
" alors, d'une part, que la règle de l'article 2279 n'établit, en faveur du possesseur d'objets mobiliers, une présomption de propriété qu'autant que la possession dont il se prévaut est exercée à titre de propriétaire ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que Z... n'a jamais détenu à titre de propriétaire les objets contenus dans le coffre puisqu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que le prévenu était colocataire d'un coffre avec Mme A..., et qu'il n'a jamais prétendu que tout ou partie des valeurs contenues dans le coffre lui appartenaient ;
" alors, d'autre part, que seule une possession exempte de vice est susceptible de permettre à celui qui détient une chose d'invoquer le bénéfice de l'article 2279 du Code civil ; qu'il résulte de l'arrêt que Z... n'a jamais détenu la clé du coffre du vivant de Mme A... ; qu'il n'est entré en possession des biens contenus dans le coffre qu'après que celui-ci eut été forcé après le décès de Mme A... ; qu'à supposer même que Mme A... ait eu une intention libérale à l'égard de Z..., prétendue intention qualifiée de " simple présomption " par l'arrêt, que Z... ait cru à cette intention libérale, il ne pouvait, sans entacher sa possession d'équivoque, s'emparer spontanément de biens dépendant de la succession de Mme A... et dont il reconnaissait ne pas avoir été propriétaire du vivant de celle-ci, sans avoir, s'il prétendait être bénéficiaire d'une libéralité à cause de mort, demandé la délivrance de celle-ci aux héritiers ou au légataire universel de la défunte ;
" alors, de troisième part, que les propriétaires revendiquant n'ont, pour évincer l'application de l'article 2279, à démontrer la mauvaise foi du détenteur que lorsque celui-ci a reçu le meuble d'un autre que le propriétaire, a non domino ;
" alors, de quatrième part, que seul le possesseur de bonne foi peut invoquer l'article 2279 du Code civil ; que ne peut être considéré comme de bonne foi que celui qui peut croire en l'existence d'un titre ; que les demandeurs avaient fait valoir que Z... n'avait bénéficié ni d'un legs, ni d'une donation et ne pouvait donc inventer l'existence d'une nouvelle catégorie juridique qui lui permette d'affirmer l'existence d'une intention libérale ; que la décision attaquée qui note que l'existence d'une intention libérale de Mme A... constitue une simple présomption et qu'il existe une incertitude n'a pu décider que Z... était de bonne foi au sens de l'article 2279 car la conscience qu'il pouvait avoir d'une volonté gratifiante de la part de Mme A... serait, selon l'arrêt, de nature à expliquer l'attitude de Z... et non à établir à son encontre la mauvaise foi ; que la décision attaquée ne pouvait à la fois reconnaître que la volonté libérale de Mme A... était à l'état de simple présomption et affirmer que la conscience que Z... aurait eu de cette intention libérale pourrait suffire à justifier sa bonne foi et ne permettrait pas aux demandeurs d'invoquer la mauvaise foi de Z... qu'elle ne pouvait en juger ainsi, sans rechercher si l'intention libérale pouvait jouer à elle seule un rôle susceptible d'avoir persuadé Z... de sa propriété et sans se prononcer sur l'absence de donation, l'absence de legs et le fait également invoqué par les demandeurs, qu'au cas de décès d'une personne sans héritier, c'était à l'Etat que la succession échéait " ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation de l'article 379 du Code pénal, des articles 485 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que la décision attaquée a déclaré que l'élément intentionnel du vol faisait défaut en l'espèce ;
" aux motifs que compte tenu de ce qui a été évoqué tant sur la vraisemblance de volonté libérale que sur la présomption de l'article 2279 du Code civil, il est possible de rapporter la preuve, ainsi que les parties poursuivantes en ont l'obligation, que Z..., lorsqu'il a appréhendé matériellement les valeurs contenues dans le coffre, avait conscience de soustraire le bien d'autrui ;
" alors, d'une part, que la preuve de l'intention peut être rapportée par tous moyens ; que la " vraisemblance " d'une volonté libérale de Mme A..., pas plus que l'existence d'une présomption tirée de l'article 2279 à la supposer constante, n'était de nature à rendre juridiquement impossible la preuve de l'intention frauduleuse de Z... ;
" alors, d'autre part, que l'intention frauduleuse résulte de ce qu'un prévenu a l'intention de s'approprier le bien d'autrui ; que le fait qu'une intention libérale intention qui ne s'est pas traduite par un acte juridique ait pu exister à l'égard de Z... ne saurait suffire à établir que celui-ci n'avait pas d'intention frauduleuse, dès lors que les juges du fond ne constatent pas qu'il ait pu se croire propriétaire ; que l'arrêt n'est donc pas légalement justifié ;
" alors, de troisième part, que les juges du fond ne peuvent statuer en termes hypothétiques ; quils ne pouvaient donc en toute hypothèse se fonder sur la seule " vraisemblance " d'une volonté libérale de Mme A... ;
" alors, de quatrième part, que Z... ne pouvant, en l'espèce, se prévaloir de la présomption de l'article 2279 du Code Civil, ainsi que cela résulte du premier moyen, la Cour n'a pu se fonder " sur la présomption de l'article 2279 " pour décider que le délit de vol reproché à Z... n'était pas constitué " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Paul Z... est devenu colocataire du coffre loué par Mme A... dans une banque ; qu'aux termes de l'article 8 du contrat, " le décès d'un des colocataires n'entraîne pas la cessation de la location, seul le survivant, à l'exclusion des héritiers du défunt ou de ses exécuteurs testamentaires, continue à accéder au coffre " ; qu'après le décès de Mme A..., laquelle détenait l'unique clé dudit coffre, Paul Z... a fait procéder à son ouverture en présence des responsables de la banque et a pris possession de son contenu ;
Attendu que sur plainte des époux X..., neveux et légataires universels de la défunte, Paul Z... a été poursuivi pour vol ;
Attendu que pour le relaxer et débouter les parties civiles, l'arrêt confirmatif attaqué énonce notamment que Paul Z... a pu croire à la volonté libérale de Mme A..., attestée par plusieurs témoins ; que le contrat de colocation, conclu à l'initiative de celle-ci, lui conférait, à l'exclusion de toute autre personne, un libre accès au coffre dont l'ouverture s'est faite publiquement et dans des conditions conformes au contrat ; que le prévenu ne connaissait pas l'existence d'un legs universel au profit des époux X... ; que les juges en déduisent qu'en l'espèce la présomption de propriété édictée par l'article 2279 du Code civil en faveur du possesseur de bonne foi pouvait être retenue et que, par ailleurs, la preuve de l'intention frauduleuse n'était pas rapportée ;
Attendu quen l'état de ces constatations et énonciations procédant d'une appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.