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22/02/1995 | FRANCE | N°94-85791

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 février 1995, 94-85791


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Jean-Claude,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Colmar, du 10 novembre 1994, qui, dans l'information suivie contre lui pour faux en écriture privée et de commerce et complicité de corruption, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction rejetant sa demande de mainlevée du contrôle judiciaire.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 137, 138, alinéa 2.12°, et suivants du Code de procédure pénale, du droit fondamental au travail consa

cré par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et par l'article...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Jean-Claude,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Colmar, du 10 novembre 1994, qui, dans l'information suivie contre lui pour faux en écriture privée et de commerce et complicité de corruption, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction rejetant sa demande de mainlevée du contrôle judiciaire.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 137, 138, alinéa 2.12°, et suivants du Code de procédure pénale, du droit fondamental au travail consacré par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et par l'article 23 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à mémoire régulièrement déposé :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de mainlevée des mesures du contrôle judiciaire prescrites par l'ordonnance du 15 juillet 1994 ;
" aux motifs propres ou adoptés que le maintien des mesures interdisant à X... de ne pas se rendre dans les locaux de la SA Trabet, de ses filiales ou de ses succursales et de n'exercer directement ou indirectement aucune activité au sein du groupe Trabet, de ses filiales ou de ses succursales est nécessaire pour éviter une plus ample concertation frauduleuse, ainsi que toutes pressions préjudiciables à la manifestation de la vérité ; que pour ce qui est de la liberté individuelle du travail, l'argument mériterait un examen plus approfondi si ce n'était précisément dans l'exercice de sa fonction au sein de l'entreprise que Jean-Claude X... a commis les faits graves et caractérisés qui ont motivé sa mise en examen et en conséquence la suspension du contrat de travail dont le directeur général d'ETM parle dans sa lettre datée du 29 septembre 1994 ; qu'en l'état de l'information et pour une période limitée, les mesures édictées dans le cadre du contrôle judiciaire demeurent nécessaires et justifiées comme étant en relation directe avec les faits visés dans la procédure et pour le plein éclaircissement desquels elles demeurent nécessaires ;
" alors, d'une part, qu'aux termes de l'article 138, alinéa 2.12°, du Code de procédure pénale, l'interdiction de se livrer à certaines activités de nature professionnelle ou sociale est subordonnée à l'existence de deux conditions cumulatives à savoir que l'infraction ait été commise dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ces activités et qu'il y ait lieu de redouter qu'une nouvelle infraction soit commise et que la chambre d'accusation, qui n'a pas constaté que cette seconde condition ait été remplie, a privé sa décision de base légale ;
" alors, d'autre part, que les dispositions des articles 144 et 145 du Code de procédure pénale qui régissent exclusivement la détention provisoire sont sans application en matière de contrôle judiciaire et qu'en se référant par adoption des motifs de l'ordonnance déférée à la nécessité de maintenir les mesures d'interdiction professionnelle frappant X... pour éviter une plus ample concertation frauduleuse ainsi que toute pression préjudiciable à la manifestation de la vérité c'est-à-dire aux notions visées par l'article 144.1° du Code de procédure pénale inapplicables en l'espèce, la chambre d'accusation a méconnu le principe susvisé ;
" alors enfin que l'article 138, alinéa 2.12°, du Code de procédure pénale limite expressément l'obligation qui peut être mise à la charge d'un prévenu à une restriction portant sur "certaines activités de nature professionnelle" ; que dans son mémoire régulièrement déposé, le demandeur faisait valoir que les mesures prises au titre du contrôle judiciaire le privaient de toute possibilité de travailler, qu'elles ne pouvaient dès lors se prolonger indéfiniment, que son employeur était en droit de mettre fin à son contrat de travail privant ainsi sa famille de ressources et le réduisant au chômage alors qu'il était âgé de 49 ans et que de telles conséquences seraient d'une gravité telle qu'elles ne pouvaient être raisonnablement mises à sa charge dans le cadre des mesures de contrôle judiciaire prévues par les articles 137 et suivants du Code de procédure pénale et qu'en ne répondant pas à cet argument péremptoire, la chambre d'accusation n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que tout arrêt doit être motivé ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que Jean-Claude X..., directeur de société au sein du groupe Trabet, a été mis en examen pour faux en écriture privée et de commerce au préjudice de la SEML et complicité de corruption active ; que le juge d'instruction l'a placé sous contrôle judiciaire avec interdiction, notamment, " d'exercer, directement ou indirectement, toute activité au sein de l'ensemble du groupe Trabet, y compris ses filiales, ou dans ses succursales " ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction rejetant sa demande de mainlevée du contrôle judiciaire, l'arrêt attaqué énonce, par motifs propres et adoptés, que les faits reprochés à Jean-Claude X... ont été commis dans l'exercice de sa fonction au sein de l'entreprise qu'il dirigeait et que les mesures prescrites, prises dans le but " d'éviter une plus ample concertation frauduleuse ainsi que toutes pressions préjudiciables à la manifestation de la vérité ", demeurent nécessaires pour " le plein éclaircissement " des faits visés dans la procédure ;
Mais attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, et alors que l'interdiction définie à l'article 138, alinéa 2.12°, du Code de procédure pénale ne peut être édictée par le juge d'instruction que lorsqu'il est à redouter qu'une nouvelle infraction soit commise, la chambre d'accusation n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Colmar, en date du 10 novembre 1994, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Metz.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 94-85791
Date de la décision : 22/02/1995
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CONTROLE JUDICIAIRE - Obligations - Obligation de ne pas se livrer à certaines activités professionnelles - Conditions - Risque de commission d'une nouvelle infraction.

Méconnaît les dispositions de l'article 138, alinéa 2.12°, du Code de procédure pénale l'arrêt de chambre d'accusation qui, pour imposer à une personne mise en examen et placée sous contrôle judiciaire l'obligation de ne pas se livrer à certaines activités professionnelles, constate l'existence d'un rapport entre l'activité professionnelle de l'intéressé et les infractions reprochées, sans se prononcer sur le risque de commission d'une nouvelle infraction.


Références :

Code de procédure pénale 138, al. 2 12°

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar (chambre d'accusation), 10 novembre 1994


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 fév. 1995, pourvoi n°94-85791, Bull. crim. criminel 1995 N° 78 p. 186
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1995 N° 78 p. 186

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. Dintilhac.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Carlioz.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Piwnica et Molinié.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:94.85791
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