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07/02/1995 | FRANCE | N°93-12668

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 07 février 1995, 93-12668


Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que le procureur de la République a assigné Mme X... Thi Hoa pour faire juger que née à Saigon le 24 novembre 1934 de M. Ngo Y...
Z... et de Mme A... Thi Thao, tous deux originaires du Vietnam, elle avait perdu la nationalité française, conformément à l'article 3 de la Convention franco-vietnamienne du 16 août 1955, la demande de réintégration qu'elle avait formée en application de l'article 72 du Code de la nationalité ayant fait l'objet d'une décision de rejet de l'aut

orité compétente, en date du 15 mai 1962 ; que le jugement, qui avait r...

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que le procureur de la République a assigné Mme X... Thi Hoa pour faire juger que née à Saigon le 24 novembre 1934 de M. Ngo Y...
Z... et de Mme A... Thi Thao, tous deux originaires du Vietnam, elle avait perdu la nationalité française, conformément à l'article 3 de la Convention franco-vietnamienne du 16 août 1955, la demande de réintégration qu'elle avait formée en application de l'article 72 du Code de la nationalité ayant fait l'objet d'une décision de rejet de l'autorité compétente, en date du 15 mai 1962 ; que le jugement, qui avait rejeté la demande du procureur de la République, a été infirmé par un arrêt du 6 juin 1991, rendu par défaut, qui a dit que Mme X... Thi Hoa s'était vu attribuer la nationalité vietnamienne en application de l'article 3 de la Convention franco-vietnamienne, ne rapportait pas la preuve de ce qu'elle aurait été réintégrée dans la nationalité française et était en conséquence étrangère ; que l'arrêt attaqué (Versailles, 25 mai 1992) a déclaré mal fondée l'opposition formée par Mme X... Thi Hoa à l'arrêt du 6 juin 1991 et dit n'y avoir lieu à rétracter celui-ci ;

Attendu que Mme X... Thi Hoa reproche à l'arrêt du 25 mai 1992 d'avoir statué comme il a fait alors, selon le moyen, d'une part, qu'aux termes de l'article 3 de la Convention franco-vietnamienne du 16 août 1955 sur la nationalité, sont concernés par la perte de la nationalité française et l'acquisition de la nationalité vietnamienne, " les anciens sujets français originaires du Vietnam en quelques lieux qu'ils se fussent trouvés au 8 mars 1949 " ; que sont donc manifestement exclues de ces prévisions les personnes non originaires du Vietnam ; que la notion de " originaire du Vietnam " est expressément définie à l'article 1er de la Convention qui dispose que " l'expression " originaire du Vietnam " désigne les personnes issues de père et mère de génération vietnamienne ou faisant partie des minorités ethniques dont l'habitat se trouve sur le territoire du Vietnam " ; qu'au sens de cette Convention, " l'originaire du Vietnam " doit avoir, outre des origines ethniques vietnamiennes, un habitat vietnamien ; qu'en conséquence, dès l'instant que l'intéressé n'est pas rattaché par son habitat au Vietnam, il ne peut être considéré, au sens de l'article 1er de la Convention, comme originaire du Vietnam et ne peut être concerné par les dispositions de l'article 3 de la même Convention ; qu'il n'est pas contesté que Mme X... Thi Hoa était domiciliée en France lors de la conclusion de la Convention du 16 août 1955, autrement dit, son habitat ne se trouvait pas sur le territoire du Vietnam ; que faute de pouvoir être considérée comme originaire du Vietnam au sens de l'article 1er de la Convention, elle ne pouvait avoir perdu la nationalité française pour acquérir la nationalité vietnamienne dans les termes de l'article 3 ; d'où il suit qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1 et 3 de la Convention franco-vietnamienne sur la nationalité du 16 août 1955 ; alors, d'autre part, que si l'article 3 de la Convention franco-vietnamienne incluait, dans ses prévisions, toute personne originaire du Vietnam en quelques lieux qu'elles se fussent trouvées, cette prévision s'imposait, dès lors que les territoires concernés étaient vastes et faisaient l'objet de régimes juridiques divers ; que, cependant, il paraîtrait surprenant que pussent être concernées des personnes de nationalité française, certes nées au Vietnam, mais qui avaient à l'époque fait le choix de vivre sur le territoire métropolitain avant l'adoption de la Convention ; qu'en conséquence, l'on se serait attendu à ce que les juges du fond recherchent si, dans l'esprit des auteurs de cette Convention, ces personnes pouvaient, comme Mme X... Thi Hoa, effectivement être concernées ; d'où il suit qu'en statuant ainsi qu'elle l'a fait, sans procéder à cette recherche pourtant essentielle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la Convention franco-vietnamienne du 16 août 1955 ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 1er de la Convention franco-vietnamienne, " l'expression "originaire du Vietnam" désigne les personnes issues de père et mère de génération vietnamienne ou faisant partie des minorités ethniques dont l'habitat se trouve sur le territoire du Vietnam " ; que l'article 3 de ladite Convention dispose qu'ont la nationalité vietnamienne, en quelques lieux qu'ils se fussent trouvés au 8 mars 1949, les anciens sujets français originaires du Sud-Vietnam (Cochinchine) et des anciennes concessions de Hanoi, Haiphong et Tourane ; que les juges du second degré, qui ont constaté que Mme X... Thi Hoa était née à Saigon de parents dont elle ne contestait pas qu'ils fussent de génération vietnamienne, en ont justement déduit qu'elle s'était vu attribuer la nationalité vietnamienne en application de ces textes, quel qu'ait été son domicile au 8 mars 1949 ;

Attendu, ensuite, que les tribunaux de l'ordre judiciaire n'ayant pas le pouvoir d'interpréter les traités diplomatiques lorsque cette interprétation soulève, comme en l'espèce, des questions touchant à l'ordre international public, la cour d'appel n'avait pas à procéder à la recherche qu'il lui est reproché d'avoir omise ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 93-12668
Date de la décision : 07/02/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° NATIONALITE - Nationalité française - Perte - Acquisition d'une nationalité étrangère - Convention franco-vietnamienne du 16 août 1955 - Articles 1 et 3 - Nationalité vietnamienne - Conditions - Personnes issues de père et mère de génération vietnamienne - Lieu du domicile au 8 mars 1949 - Absence d'influence.

1° CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention franco-vietnamienne du 16 août 1955 - Nationalité - Nationalité française - Perte - Acquisition de la nationalité vietnamienne - Articles 1 et 3 de la Convention - Conditions - Personnes issues de père et mère de génération vietnamienne - Lieu du domicile au 8 mars 1949 - Absence d'influence.

1° L'article 3 de la Convention franco-vietnamienne du 16 août 1955 dispose qu'ont la nationalité vietnamienne, en quelques lieux qu'ils se fussent trouvés au 8 mars 1949, les anciens sujets français originaires du Sud-Vietnam (Cochinchine) et des anciennes concessions de Hanoi, Haiphong et Tourane, l'expression " originaires du Vietnam " désignant, aux termes de l'article 1er de cette Convention, les personnes issues de père et mère de génération vietnamienne ou faisant partie des minorités ethniques dont l'habitat se trouve sur le territoire du Vietnam. Par suite, une cour d'appel, ayant constaté qu'une personne était née à Saigon de parents dont elle ne contestait pas qu'ils fussent de génération vietnamienne, en a justement déduit que cette personne s'était vue attribuer la nationalité vietnamienne, quel qu'ait été son domicile au 8 mars 1949.

2° CONVENTIONS INTERNATIONALES - Principes généraux - Interprétation des Conventions - Dispositions mettant en cause l'ordre public international - Interprétation par le juge français - Possibilité (non).

2° CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention franco-vietnamienne du 16 août 1955 - Interprétation - Interprétation par le juge français - Dispositions mettant en cause l'ordre public international - Possibilité (non) 2° POUVOIRS DES JUGES - Applications diverses - Conventions internationales - Interprétation - Interprétation par le juge français - Dispositions mettant en cause l'ordre public international - Possibilité (non).

2° Les tribunaux de l'ordre judiciaire n'ont pas le pouvoir d'interpréter les traités diplomatiques lorsque cette interprétation soulève des questions touchant à l'ordre international public.


Références :

Convention franco-vietnamienne du 16 août 1955

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 25 mai 1992

A RAPPROCHER : (2°). Chambre civile 1, 1989-06-07, Bulletin 1989, I, n° 224, p. 150 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 07 fév. 1995, pourvoi n°93-12668, Bull. civ. 1995 I N° 73 p. 52
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1995 I N° 73 p. 52

Composition du Tribunal
Président : Président : M. de Bouillane de Lacoste .
Avocat général : Avocat général : M. Lupi.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Pinochet.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:93.12668
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