CASSATION sur le pourvoi formé par :
- le ministre de l'Agriculture et de la Pêche, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, du 14 octobre 1993, qui a relaxé Jacques X... du chef de défrichement sans autorisation administrative préalable.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 311-1 et L. 313-1 du Code forestier, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Jacques X... des poursuites pour défrichement sans autorisation ;
" aux motifs qu'il avait obtenu régulièrement un permis de construire, qu'il n'était pas établi qu'il connaissait le caractère particulier de son terrain, ni que le refus d'autorisation de défricher qui fut opposé au précédent propriétaire lui eût été signalé et que le recours formé contre ce refus n'avait été rejeté par le Conseil d'Etat qu'après l'obtention du permis de construire et le procès-verbal d'infraction ;
" alors, d'une part, qu'aucun particulier ne peut user du droit de défricher un bois sans en avoir obtenu préalablement l'autorisation du ministre de l'Agriculture, que cette obligation incombe personnellement au propriétaire qui ne peut s'en exonérer qu'en prouvant la force majeure ou l'existence d'un délit auquel il est resté étranger et qu'il n'a pu empêcher ; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a relevé aucune de ces circonstances ;
" alors, d'autre part, que l'obtention d'un permis de construire, dans le cadre de la législation de l'urbanisme, ne vaut pas autorisation de défrichement dans le cadre de la législation forestière " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'aucun particulier ne peut user du droit de défricher ses bois, hors les exceptions prévues par l'article L. 311-2 du Code forestier, sans avoir obtenu préalablement une autorisation administrative ; que cette obligation incombe personnellement au propriétaire qui, en cas de défrichement non autorisé, ne peut s'exonérer qu'en prouvant la force majeure ou l'existence d'un délit auquel il est resté étranger et qu'il n'a pu empêcher ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Jacques X... a acquis en zone forestière une parcelle de terre provenant de la division d'une autre parcelle pour laquelle le précédent propriétaire avait sollicité une autorisation de défrichement, rejetée par décision du ministre de l'Agriculture régulièrement notifiée au requérant ; que, postérieurement à cette notification, Jacques X... a obtenu un permis de construire ; que, le 11 janvier 1991, un agent de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt des Bouches-du-Rhône a constaté le défrichement non autorisé d'une surface boisée de 437 m2 ; qu'à la suite de ces faits, l'intéressé est poursuivi pour infraction à l'article L. 311-1 du Code forestier ;
Attendu que, pour relaxer le prévenu, les juges du second degré énoncent, par motifs propres et adoptés, que " X... justifie, dans son dossier, de l'obtention régulière d'un permis de construire en date du 10 décembre 1990 ; que rien dans ce permis ne permet de déceler une interdiction de défrichement ni d'établir avec certitude que le bénéficiaire ait été informé de la décision de refus de défrichement " ; que les juges ajoutent que la requête en annulation de cette décision " présentée par le propriétaire originel du terrain n'a été rejetée par le Conseil d'Etat " qu'après l'obtention du permis de construire et la constatation de l'infraction ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes visés au moyen ; que, d'une part, le permis de construire, intervenant en vertu d'une législation distincte et au terme d'une procédure indépendante, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de permettre à son titulaire de procéder au défrichement du terrain au mépris de la législation forestière ; que, d'autre part, le refus légalement opposé par le ministre de l'Agriculture à une demande de défrichement conserve son effet tant que cette décision n'a pas été modifiée ou rapportée ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 14 octobre 1993,
Et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble.