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31/01/1995 | FRANCE | N°93-85711

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 31 janvier 1995, 93-85711


CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- Y... Etienne,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens, 4e chambre, en date du 2 novembre 1993, qui, pour violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail personnel n'excédant pas 8 jours, commises sur une personne hors d'état de se protéger elle-même, l'a condamné à 2 000 francs d'amende et à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 309, 312, 327 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut

de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le pré...

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- Y... Etienne,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens, 4e chambre, en date du 2 novembre 1993, qui, pour violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail personnel n'excédant pas 8 jours, commises sur une personne hors d'état de se protéger elle-même, l'a condamné à 2 000 francs d'amende et à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 309, 312, 327 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable du délit de violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale temporaire n'excédant pas huit jours, commises sur la personne de X..., dans l'incapacité de se protéger lui-même en raison de son état ;
" aux motifs que les parents du jeune X..., âgé de 9 ans, ont produit un certificat médical mentionnant des traces d'ecchymose au niveau de la partie supérieure des oreilles avec un volumineux oedème et un érythème bilatéral ; qu'une incapacité totale temporaire de 6 jours a été fixée ; que l'enseignant a reconnu avoir tiré l'enfant par l'oreille pour le replacer face au tableau ; qu'il a indiqué avoir lâché son oreille lorsque l'enfant s'est laissé volontairement tomber au sol ; que des limites doivent être fixées au pouvoir disciplinaire des enseignants, qui ne doit en aucun cas aboutir à des blessures pour les enfants ; que les faits sont déplaisants, la victime étant un tout jeune enfant dans l'incapacité de se défendre ; que, cependant, les bons renseignements recueillis sur le prévenu commandent une application modérée de la loi pénale, prenant aussi en considération les difficultés de la fonction de l'enseignant, notamment dans les classes dites " spécialisées " ;
" alors que, d'une part, seul l'article 312 du Code pénal est applicable aux violences sur la personne d'un enfant de moins de 15 ans ; que ce texte exclut de son champ d'application les violences légères ; qu'en faisant application de l'article 309 du Code pénal et en ne qualifiant pas les faits reprochés à l'enseignant, qui avait tiré l'oreille d'un élève indiscipliné et perturbateur, dans le cadre des dispositions de l'article 312 précité, l'arrêt attaqué a violé les textes précités ;
" alors que, d'autre part, en s'abstenant de répondre aux conclusions de l'enseignant faisant valoir que le certificat médical invoqué par les parents mentionnait des inexactitudes puisque seule l'oreille droite de l'enfant avait été tirée et que, dans les heures et les jours qui ont suivi, aucune incapacité n'a été vérifiée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" alors qu'enfin les violences légères ne sont pas réprimées quand elles sont infligées dans un but d'éducation, tant par les parents que par les maîtres, l'élément intentionnel de l'infraction manquant dans ce cas ; qu'en s'abstenant de rechercher si le comportement de l'élève n'avait pas justifié une réplique adéquate et proportionnée de l'enseignant, eu égard aux circonstances de fait, et exclusive d'atteinte sérieuse à la santé de l'enfant en dépit des mentions du certificat médical contraires aux faits eux-mêmes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Attendu que, pour déclarer Etienne Y... coupable du délit susvisé, la cour d'appel retient que X..., âgé de 9 ans, a relaté que son instituteur lui avait, en classe, violemment pincé et tiré les oreilles ; qu'un certificat médical a relevé " des traces d'ecchymoses au niveau de la partie supérieure des oreilles avec un volumineux oedème et un érythème bilatéral " et fixé une incapacité de travail de 6 jours ; que ces violences, dont les traces ont été constatées par les policiers lors du dépôt de plainte, sont confirmées par le témoignage de deux enfants, élèves de la même classe ; que le " pouvoir disciplinaire " ne peut être invoqué par les enseignants que s'il s'exerce de manière inoffensive, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce ;
Attendu qu'en cet état, les juges ont justifié leur décision sans encourir les griefs du moyen ;
Que, d'une part, le demandeur est sans intérêt à critiquer la qualification retenue, au profit d'une autre qui l'aurait exposé à des peines plus graves ;
Que, d'autre part, la cour d'appel, par les motifs ci-dessus rappelés, a caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable et écarté à bon droit le moyen de défense invoqué ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation de la loi du 5 avril 1937, des articles 1384, alinéas 1 et 8, du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu à payer diverses indemnités à la partie civile ;
" aux motifs que la loi du 5 avril 1937 ne peut recevoir application que lorsque les faits délictueux reprochés à l'enseignant résultent d'une faute professionnelle liée directement au service ; que tel n'est pas le cas quand la faute est personnelle à l'enseignant, ce qui est le cas ici, où le droit commun doit s'appliquer ;
" alors que la disposition selon laquelle la responsabilité de l'Etat est substituée à celle des membres de l'enseignement public est générale et ne permet pas d'exclure l'hypothèse d'un préjudice, de quelque nature que ce soit, causé à l'enfant par le professeur lui-même, ce qui implique que l'action civile en réparation du dommage ne peut être suivie contre l'instituteur lui-même ; qu'en prononçant la condamnation de l'enseignant en instaurant une distinction entre la faute de l'enseignant liée directement au service et sa faute personnelle, tout en constatant toutefois que les faits reprochés à l'enseignant étaient intervenus à l'occasion de ses activités professionnelles, l'enfant se trouvant sous sa surveillance, l'arrêt a violé les textes précités " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que, pour obtenir réparation de son préjudice, un élève ne peut jamais mettre en cause devant les tribunaux judiciaires la responsabilité des membres de l'enseignement public, à laquelle est substituée celle de l'Etat, par application de l'article 2 de la loi du 5 avril 1937 ;
Attendu que, pour condamner Etienne Y..., instituteur public, à verser aux époux X... agissant tant en qualité de représentants de leur fils mineur qu'en leur nom personnel, les sommes respectives de 3 000 francs et 1 franc à titre de dommages-intérêts, la cour d'appel énonce que la loi précitée " ne peut recevoir application que lorsque le fait délictueux résulte d'une faute professionnelle liée directement au service ; que tel n'est pas le cas quand la faute est personnelle à l'enseignant où le droit commun doit s'appliquer " ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, les juges ont méconnu le texte susvisé ;
Que, par sa généralité, l'article 2 précité ne permet pas d'exclure la réparation du préjudice, de quelque origine qu'il soit, causé à l'enfant volontairement ou non par l'instituteur lui-même ;
Que par ailleurs, si la constitution de partie civile, qui tend seulement à établir la culpabilité du prévenu, était recevable, l'action civile en réparation du dommage ne pouvait être suivie contre l'instituteur, par l'élève représenté par ses parents ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens, en date du 2 novembre 1993, mais en ses seules dispositions civiles ayant condamné le prévenu à verser aux époux X... la somme de 3 000 francs de dommages-intérêts, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 93-85711
Date de la décision : 31/01/1995
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ACTION CIVILE - Préjudice - Réparation - Auteur de l'infraction membre de l'enseignement public - Substitution de la responsabilité de l'Etat - Effet.

ETAT - Responsabilité civile - Substitution à celle de l'agent - Membre de l'enseignement public

ENSEIGNEMENT - Enseignement public - Membre de l'enseignement public - Violences volontaires sur un élève - Substitution de la responsabilité de l'Etat - Effet

Pour obtenir réparation du préjudice que lui a causé, volontairement ou non, un instituteur, un élève ne peut jamais mettre en cause, devant les tribunaux judiciaires, la responsabilité d'un membre de l'enseignement public, à laquelle est substituée celle de l'Etat, par application de l'article 2 de la loi du 5 avril 1937. (1)(1).


Références :

Loi du 05 avril 1937 art. 2

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 02 novembre 1993

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1971-06-08, Bulletin criminel 1971, n° 182, p. 457 (cassation partielle) ;

Chambre criminelle, 1973-05-24, Bulletin criminel 1973, n° 238, p. 568 (cassation partielle) ;

Ch mixte., 1976-04-23, Bulletin criminel 1976, n° 123, p. 302 (cassation). CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre civile 2, 1966-03-28, Bulletin 1966, II, n° 422, p. 300 (cassation partielle) ;

Chambre civile 2, 1984-10-03, Bulletin 1984, II, n° 141, p. 109 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 31 jan. 1995, pourvoi n°93-85711, Bull. crim. criminel 1995 N° 38 p. 89
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1995 N° 38 p. 89

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Milleville, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Amiel.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Fossaert-Sabatier.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:93.85711
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