Constate qu'à la suite du redressement judiciaire de la société Publicom, M. Z..., pris en sa qualité d'administrateur judiciaire et M. B..., pris en sa qualité de représentant des créanciers, reprennent l'instance introduite contre ladite société ;
Sur les quatre premiers moyens communs aux demandeurs, réunis :
Vu l'alinéa 7 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article L. 521-1 du Code du travail et l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que la cessation collective et concertée du travail en vue d'appuyer des revendications professionnelles caractérise l'exercice du droit de grève ; que la commission, par certains salariés grévistes, d'actes illicites au cours de leur mouvement, ne suffit pas, à elle seule, à modifier la nature de ce dernier ; que ce n'est qu'au cas où la grève entraîne ou risque d'entraîner la désorganisation de l'entreprise qu'elle dégénère en abus ; qu'enfin, la responsabilité d'un salarié ou d'un syndicat à l'occasion soit d'une grève, en raison d'actes illicites commis pendant celle-ci, soit d'un abus du droit de grève, ne peut être engagée qu'à raison du préjudice découlant directement de son comportement fautif ;
Attendu que, pour condamner, in solidum, le Syndicat du livre CGT, MM. X... et Y..., M. A... et dix-sept autres salariés à payer la somme de 1 242 023,39 francs, la cour d'appel retient d'abord que si le motif de cessation du travail invoqué était licite en tant qu'il était fondé sur une solidarité interne à l'entreprise, cette justification cessait à partir de la saisine de la juridiction compétente : le tribunal d'instance, même si celui-ci devait par la suite donner raison aux deux salariés, les exigences de la solidarité cessant de s'imposer à partir du moment où était mis en oeuvre l'arbitrage judiciaire prévu par la loi pour le type de conflit concerné ; qu'elle ajoute qu'en toute hypothèse une grève, même licite, peut devenir illicite en raison des moyens employés par ceux qui y recourent ; qu'en l'espèce, la présence voulue de personnes étrangères à l'entreprise, les piquets de grève, les violences et intimidations, l'utilisation non consentie par l'employeur du matériel et du papier de l'imprimerie, le refus de vote en vue de la reprise du travail, le maintien de l'occupation après les décisions de justice, les dégâts importants commis aux locaux et au matériel caractérisent l'existence de l'illicéité de la grève considérée, l'abus du droit de grève étant très largement caractérisé ; qu'elle conclut que le syndicat, les permanents syndicaux et les dix-huit salariés assignés doivent réparer l'entier préjudice matériel et commercial subi par l'employeur au cours de la période du 9 novembre 1983 au 11 février 1984, sous déduction de la somme mise à la charge de l'Etat par la juridiction administrative en raison du refus de concours de la force publique pour procéder à l'expulsion des occupants des locaux de l'entreprise ;
Attendu, cependant, en premier lieu, que la cessation collective et concertée du travail a été précédée de revendications qui se rattachaient tant à l'exercice du droit syndical qu'à l'exigence du respect de règles légales et conventionnelles, et présentaient donc un caractère professionnel ; qu'elle constituait l'exercice du droit de grève, constitutionnellement reconnu, peu important la saisine par l'employeur du juge compétent pour statuer sur la validité des désignations contestées par lui ;
Attendu, en deuxième lieu, que la cour d'appel a énuméré un certain nombre d'actes illicites commis au cours de la grève, en se bornant à relever une désorganisation de la production, sans préciser si, et à quel moment, ces actes illicites avaient révélé un risque de désorganisation de l'entreprise elle-même ; que, dès lors, elle n'a pas caractérisé un abus du droit de grève ;
Attendu, enfin, que la cour d'appel ne pouvait mettre à la charge du syndicat, de MM. X... et Y... et de dix-huit salariés grévistes la réparation de l'entier préjudice subi par l'entreprise ; qu'il lui appartenait de préciser, en ce qui concerne chacune des personnes concernées, à quel acte fautif précis elle avait participé et qu'elle ne pouvait prononcer condamnation qu'à raison du seul préjudice résultant du comportement incriminé ;
D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le cinquième moyen relevé par le Syndicat du livre CGT Toulouse, et onze autres demandeurs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 novembre 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.