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12/01/1995 | FRANCE | N°92-13637

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 janvier 1995, 92-13637


Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que de 1984 à 1986, la société Schlumberger a, d'une part, versé une indemnité mensuelle de double résidence et une indemnité de premiers frais ou de transfert aux salariés de ses établissements d'Illies et de la Bassée mutés, dans le cadre de plans sociaux, afin d'éviter leur licenciement pour motif économique, d'autre part, alloué une prime de départ à trois salariés de l'un de ces établissements qui avaient démissionné de leur emploi ; qu'à la suite d'un contrôle portant sur la période considérée, l'URSSAF a réint

égré dans l'assiette des cotisations, pour partie, l'indemnité de double r...

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que de 1984 à 1986, la société Schlumberger a, d'une part, versé une indemnité mensuelle de double résidence et une indemnité de premiers frais ou de transfert aux salariés de ses établissements d'Illies et de la Bassée mutés, dans le cadre de plans sociaux, afin d'éviter leur licenciement pour motif économique, d'autre part, alloué une prime de départ à trois salariés de l'un de ces établissements qui avaient démissionné de leur emploi ; qu'à la suite d'un contrôle portant sur la période considérée, l'URSSAF a réintégré dans l'assiette des cotisations, pour partie, l'indemnité de double résidence, et en totalité l'indemnité de premiers frais, ainsi que la prime de départ ; que le redressement, contesté par la société, a été annulé de ces trois chefs par l'arrêt attaqué (Douai, 14 février 1992) ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que l'URSSAF reproche d'abord à la cour d'appel d'avoir décidé que les indemnités de double résidence et de premiers frais n'étaient pas soumises à cotisations, alors, selon le moyen, d'une part, qu'aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 26 mai 1975 pris pour l'application de l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale, " les dépenses supplémentaires de nourriture et de logement sont réputées utilisées conformément à leur objet pour la fraction qui n'excède pas 16 fois la valeur du minimum garanti par journée, pour les salariés non cadres " ; qu'ainsi, en considérant qu'en l'espèce les indemnités de double résidence correspondaient au remboursement de frais véritables, sans rechercher si le montant de ces indemnités n'excédait pas les limites fixées par ce texte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de celui-ci ainsi que de l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale ; alors, d'autre part, qu'en excluant de l'assiette des cotisations sociales la totalité de l'indemnité de double résidence au seul motif que cette indemnité avait servi à couvrir les salariés acceptant une mutation pour éviter un licenciement des doubles frais de loyer pour l'habitation qu'ils devaient emménager, et celle qu'ils quittaient prématurément, la cour d'appel n'a pas constaté l'existence d'une preuve de l'utilisation effective de cette allocation conformément à son objet et privé ainsi à nouveau sa décision de base légale au regard de l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale, ensemble les articles 1er et 3 de l'arrêté du 26 mai 1975 ; alors enfin qu'en application de l'article 1er du même arrêté, la déduction des allocations forfaitaires versées aux salariés pour couvrir des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi est subordonnée à l'utilisation effective des allocations conformément à leur objet ; qu'en se bornant à relever qu'en l'espèce, l'indemnité " dite des premiers frais " était attribuée de manière forfaitaire afin de permettre aux salariés de faire face aux frais d'aménagement rendus immanquablement nécessaires, la cour d'appel n'a pas davantage donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 242-1 du Code de la sécurité sociale, 1er et 3 de l'arrêté du 26 mai 1975 ;

Mais attendu, d'abord, qu'étant allouées à des salariés mutés, dont la situation est différente de celle des travailleurs en déplacement de longue durée, les indemnités litigieuses étaient régies par l'article 1er, et non par l'article 3, de l'arrêté interministériel du 26 mai 1975 ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel a retenu que les dépenses couvertes par ces indemnités étaient liées à la nécessité, pour les bénéficiaires, d'avoir un autre logement au lieu où leur employeur les avait mutés, et de l'aménager ; qu'elle a ainsi caractérisé la nature professionnelle de ces frais ;

Attendu, enfin, qu'en relevant, par motifs propres et adoptés, que l'indemnité temporaire de double résidence correspondait au remboursement de frais véritablement engagés, et que l'indemnité de premiers frais couvrait une partie seulement des dépenses d'installation assumées par le salarié, la cour d'appel a, par là même, établi que ces sommes, allouées forfaitairement, avaient été utilisées effectivement conformément à leur objet, de sorte qu'elles étaient déductibles en totalité de l'assiette des cotisations ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que l'URSSAF fait ensuite grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que l'indemnité de départ n'entrait pas dans l'assiette des cotisations, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en se bornant à indiquer que la solution adoptée " apparaît comme une mesure transactionnelle ", sans énoncer aucune circonstance de fait ou de droit sur laquelle elle fonde cette constatation, la cour d'appel n'a pas valablement motivé sa décision et a ainsi violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, qu'en énonçant qu'il apparaît évident, compte tenu des difficultés et de la restructuration subies par cette société par le biais de trois vagues de licenciement en 1984, 1985 et 1986, que cette solution apparaît comme une solution transactionnelle, la cour d'appel s'est prononcée par un motif d'ordre général en violation du même texte ; et alors, enfin, qu'en statuant ainsi sans rechercher si, en réalité, la prime litigieuse n'avait pas été versée en contrepartie ou à l'occasion du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 242-1 du Code de la sécurité sociale et 1er de l'arrêté interministériel du 26 mai 1975 ;

Mais attendu qu'après avoir relevé qu'à la suite de difficultés économiques, la société avait procédé à une restructuration et à des licenciements, la cour d'appel a retenu, quelle que soit la qualification qu'elle lui ait donnée, que l'indemnité litigieuse avait été proposée aux salariés pour les inciter à quitter volontairement l'entreprise, et que trois de ceux-ci ayant accepté cette offre, la somme qui leur avait été versée était destinée à réparer le préjudice résultant, pour les intéressés, de la perte prématurée de leur emploi ; que, dès lors, s'agissant, non d'une rémunération allouée en contrepartie ou à l'occasion du travail, mais de dommages-intérêts compensant le préjudice né de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a décidé à bon droit que le redressement effectué du chef de cette indemnité n'était pas justifié ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 92-13637
Date de la décision : 12/01/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° SECURITE SOCIALE - Cotisations - Assiette - Indemnité de double résidence et de premiers frais allouée au salarié muté.

1° SECURITE SOCIALE - Cotisations - Assiette - Abattement pour frais professionnels - Frais professionnels - Définition - Allocations forfaitaires - Utilisation conformément à leur objet - Preuve - Constatations suffisantes.

1° Etant allouées à des salariés mutés dont la situation est différente de celle des travailleurs en déplacement de longue durée, les indemnités de double résidence et de premiers frais sont exclusivement régies par l'article 1er de l'arrêté interministériel du 26 mai 1975. Par suite, une cour d'appel qui caractérise la nature professionnelle des frais couverts par ces indemnités et qui relève que ces indemnités ont été utilisées effectivement conformément à leur objet décide, à bon droit, qu'elles sont déductibles en totalité de l'assiette des cotisations.

2° SECURITE SOCIALE - Cotisations - Assiette - Indemnité de départ volontaire de l'entreprise.

2° Les indemnités versées par l'employeur aux salariés qui acceptent de quitter volontairement l'entreprise et qui ont le caractère de dommages-intérêts compensant le préjudice né de la rupture du contrat de travail ne doivent pas être incluses dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale.


Références :

1° :
Arrêté interministériel du 26 mai 1975

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 14 février 1992

DANS LE MEME SENS : (2°). Chambre sociale, 1994-01-13, Bulletin 1994, V, n° 9, p. 7 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jan. 1995, pourvoi n°92-13637, Bull. civ. 1995 V N° 24 p. 16
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1995 V N° 24 p. 16

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Berthéas, conseiller le plus ancien faisant fonction et rapporteur.
Avocat général : Avocat général : M. de Caigny.
Rapporteur ?: Président : M. Berthéas, conseiller le plus ancien faisant fonction et rapporteur.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Peignot et Garreau, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:92.13637
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