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05/01/1995 | FRANCE | N°91-41174

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 janvier 1995, 91-41174


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 janvier 1991), que, soutenant avoir exercé l'activité de travailleuse à domicile, en qualité de tapissière, pour le compte de M. X..., puis de la société La Manufacture, créée par lui, du 1er février 1978 à la fin du mois de janvier 1988, date à laquelle la société a cessé de lui fournir du travail, Mme Y... a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour inobservation de la procédure de licenciement et rupture abusive ; que la société a formé une demande reconventio

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Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 janvier 1991), que, soutenant avoir exercé l'activité de travailleuse à domicile, en qualité de tapissière, pour le compte de M. X..., puis de la société La Manufacture, créée par lui, du 1er février 1978 à la fin du mois de janvier 1988, date à laquelle la société a cessé de lui fournir du travail, Mme Y... a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour inobservation de la procédure de licenciement et rupture abusive ; que la société a formé une demande reconventionnelle en paiement d'une somme représentant la valeur de marchandises confiées à Mme Y... et qui auraient disparu lors d'un incendie chez cette dernière ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que Mme Y... avait la qualité de travailleuse à domicile et d'avoir condamné la société à lui payer diverses sommes, alors, selon le moyen, d'une part, que viole l'article L. 721-1 du Code du travail l'arrêt attaqué qui admet qu'un travailleur à domicile peut travailler " avec l'aide de sa mère ou d'une personne étrangère " ; que, de plus, la société La Manufacture ayant fait valoir que Mme Y..., sous-traitant son travail " non seulement à sa mère mais aussi à des personnes extérieures ", dénature ces termes clairs et précis desdites conclusions, en violation de l'article 1134 du Code civil, l'arrêt attaqué qui énonce " que sont inopérantes les conclusions par lesquelles la société La Manufacture s'efforce d'observer que Mme Y... travaillait de manière autonome, parfois avec l'aide de sa mère ou d'une personne étrangère " ; alors, d'autre part, que viole encore les dispositions de l'article L. 721-1 du Code du travail l'arrêt attaqué qui considère qu'au regard de la qualification de travailleur à domicile, il importe peu que Mme Y... se fût inscrite comme artisan au registre des métiers pour exercer la tapisserie et la décoration, c'est-à-dire l'objet de ses prestations à la société, l'intéressée ayant de surcroît reconnu dans les écritures qu'elle avait une clientèle privée en la personne de son mari, architecte ; alors, en outre, que, si l'article L. 721-1 du Code du travail prévoit que le travailleur à domicile est celui qui, dans certaines conditions, travaille " pour le compte d'un ou de plusieurs établissements industriels ou commerciaux ", le texte n'autorise pas le salarié à travailler pour des entreprises concurrentes, de sorte que viole ce texte et les articles L. 122-4 et suivants du Code du travail l'arrêt attaqué qui admet, pour retenir la qualification de travailleur à domicile, qu'il importait peu que Mme Y... ait fourni ses prestations à des entreprises concurrentes de celles de la société, ce qui aurait de surcroît constitué une violation des stipulations de la convention collective nationale de l'ameublement régissant cette société, s'il avait existé un contrat de travail ; alors, encore, que viole l'article L. 721-1 du Code du travail l'arrêt attaqué qui reconnaît la qualité de travailleur à domicile au cocontractant d'une entreprise qui décide de ses tarifs, au point que la cessation des rapports contractuels est survenue précisément parce que l'entreprise n'a pas accepté une nouvelle augmentation desdits tarifs ; alors, de plus, que manque de base légale au regard de l'article L. 721-1 du Code du travail l'arrêt attaqué qui omet de s'expliquer sur le moyen des conclusions d'appel de la société faisant valoir qu'il avait fallu deux ans à Mme Y... pour protester contre l'absence de commandes de travail à compter de janvier 1988, ce qui eût été invraisemblable de la part d'une salariée ; et alors, enfin, que la cour d'appel ne pouvait retenir que la société avait elle-même reconnu à Mme Y... la qualité de salariée, notamment en lui délivrant des bulletins de paie, sans s'expliquer sur le moyen des conclusions d'appel de la société faisant valoir que celle-ci n'avait fait qu'accéder à une réclamation purement formelle de Mme Y..., en raison de ses difficultés familiales, pour lui permettre de bénéficier d'une couverture sociale plus avantageuse que celle des artisans et professions libérales ;

Mais attendu, d'abord, que l'article L. 721-1 du Code du travail n'interdit pas au salarié de travailler pour des entreprises concurrentes, et que la violation par la salariée de la clause de non-concurrence prévue à l'article 37 de la convention collective n'a pas pour effet de priver l'intéressée de la qualité de travailleuse à domicile ;

Attendu, ensuite, qu'ayant, contrairement aux énonciations du moyen, constaté que Mme Y... recevait un rémunération forfaitaire calculée sur la base d'un tarif fixé annuellement par voie d'accord conclu à l'avance entre les parties, la cour d'appel, hors toute dénaturation, a fait ressortir que Mme Y... n'avait que de façon occasionnelle eu recours aux services de sa mère ou de personnes extérieures et qu'il n'était pas établi qu'elle avait une clientèle privée ; qu'elle a ainsi pu décider que l'intéressée avait la qualité de travailleuse à domicile ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième et troisième moyens :

Attendu que la société fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la salariée des indemnités de rupture et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, d'une part, que la société La Manufacture ayant cessé de passer des commandes de travaux à Mme Y... en janvier 1988 et celle-ci, qui poursuivait ses relations contractuelles avec d'autres donneurs d'ouvrages, n'ayant protesté que deux ans plus tard, manque de base légale au regard des articles L. 122-4 et suivants du Code du travail l'arrêt attaqué qui impute à la société la rupture de la convention des parties, qu'il qualifie de contrat de travail, sans s'expliquer sur le moyen des conclusions d'appel de ladite société faisant valoir qu'elle avait cessé de s'adresser à Mme Y... parce que celle-ci avait unilatéralement modifié ses tarifs dans des conditions inacceptables, ce qui constituait une modification substantielle de la convention des parties lui en imputant la rupture ; alors, d'autre part, que manque de base légale, au regard de l'article L. 122-14-4 du Code du travail, l'arrêt attaqué qui retient que la rupture des relations contractuelles entre Mme Y... et la société La Manufacture, à l'initiative de celle-ci, est dépourvue de cause réelle et sérieuse, faute de s'être expliqué sur le moyen des conclusions d'appel de la société faisant valoir qu'elle avait cessé de s'adresser à Mme Y... en raison des nouvelles exigences tarifaires de cette dernière en janvier 1988 ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu que la rupture des relations contractuelles résultait d'une cessation, sans motif, de l'employeur de fournir à la salariée du travail ; que les moyens ne sauraient être accueillis ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que la société fait enfin grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande en paiement d'une somme par Mme Y..., alors, selon le moyen, que, d'une part, viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile l'arrêt attaqué qui, procédant par simple affirmation, retient que l'indemnité d'assurance de 39 534,53 francs apparaît s'appliquer à un ensemble d'objets détruits dans l'incendie dont une partie seulement pouvait appartenir à la société La Manufacture ; alors, d'autre part, que la société La Manufacture faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, en invoquant la lettre du 19 juillet 1990 de la société Socarec, assureur-conseil, que " Mme Y... (...) s'est fait régler, pour le compte de la société La Manufacture, une somme de 39 534,53 francs hors taxe par sa compagnie d'assurances La Contengency ", de sorte que dénature ces termes clairs et précis desdites conclusions, en violation de l'article 1134 du Code civil, l'arrêt attaqué qui énonce que la société La Manufacture " est dans l'impossibilité d'indiquer la part qui aurait dû lui revenir dans l'indemnité perçue " ; alors, encore, que viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile l'arrêt attaqué qui retient l'existence du " désistement " consenti par la société, sans s'expliquer sur le moyen des conclusions d'appel de celle-ci faisant ressortir, ainsi que cela était relevé dans la lettre du 19 juillet 1990 de la société Socarec, qu'il s'agissait simplement d'un désistement au regard de la compagnie d'assurances pour permettre une indemnisation rapide de la valeur des marchandises de la société La Manufacture détruites dans l'incendie qui s'était déclaré dans les locaux de Mme Y... ; et alors, enfin, que viole encore l'article 455 du nouveau Code de procédure civile l'arrêt attaqué qui justifie sa solution au motif dubitatif de l'existence " de l'arrangement qui, d'après Mme Y..., serait intervenu " ;

Mais attendu qu'abstraction faite de motifs surabondants, la cour d'appel a fait ressortir que la société ne justifiait pas sa demande ; que le moyen ne saurait être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 91-41174
Date de la décision : 05/01/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° TRAVAIL REGLEMENTATION - Travailleur à domicile - Conditions - Article L - du Code du travail - Travail pour des entreprises concurrentes - Interdiction (non).

1° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Clause de non-concurrence - Violation - Effets - Travailleur à domicile - Travail pour des entreprises concurrentes - Perte de la qualité de travailleur à domicile (non).

1° L'article L. 721-1 du Code du travail n'interdit pas au travailleur à domicile de travailler pour des entreprises concurrentes. La violation par la salariée de la clause conventionnelle de non-concurrence ne la prive pas de la qualité de travailleuse à domicile.

2° TRAVAIL REGLEMENTATION - Travailleur à domicile - Conditions - Article L - du Code du travail - Rémunération forfaitaire - Recours occasionnel à un ascendant - Effet.

2° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Salaire - Fixation - Convention des parties - Travailleur à domicile - Salaire forfaitaire - Portée.

2° Ayant constaté que la salariée recevait une rémunération forfaitaire calculée sur la base d'un tarif fixé annuellement, par voie d'accord conclu à l'avance entre les parties, une cour d'appel peut décider que l'intéressée n'ayant eu recours que de façon occasionnelle aux services de sa mère ou de personnes extérieures et n'ayant pas de clientèle privée, avait la qualité de travailleuse à domicile.


Références :

1° :
Code du travail L721-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 08 janvier 1991

A RAPPROCHER : (2°). Chambre sociale, 1966-01-06, Bulletin 1966, IV, n° 17, p. 14 (rejet), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 jan. 1995, pourvoi n°91-41174, Bull. civ. 1995 V N° 16 p. 11
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1995 V N° 16 p. 11

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Kuhnmunch .
Avocat général : Avocat général : M. Lyon-Caen.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Sant.
Avocat(s) : Avocats : La SCP Célice et Blancpain, Mme Luc-Thaler.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:91.41174
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