Sur le premier moyen :
Vu l'article 2092 du Code civil, ensemble l'article 48 du Code de procédure civile ;
Attendu que le droit de gage général, qui résulte du premier de ces textes au profit des créanciers, ne porte que sur le patrimoine même du débiteur ;
Attendu que la société française Bec frères, créancière de l'Etat tunisien, a été autorisée, le 24 août 1992, à pratiquer la saisie conservatoire d'une cargaison de blé appartenant à l'Office des céréales de Tunisie ; que l'arrêt attaqué, pour refuser de donner mainlevée de cette saisie, retient que l'Office des céréales, même s'il est doté de la personnalité juridique sous forme d'établissement public industriel et commercial soumis à la tutelle de l'Etat tunisien, n'est qu'une émanation de celui-ci ; qu'en effet, son président-directeur général et la majorité des administrateurs sont nommés par le Gouvernement, qu'il a le monopole du commerce extérieur des céréales et que la cargaison saisie est destinée à l'approvisionnement de la population dans le cadre de décisions gouvernementales ;
Attendu, cependant, que la tutelle, voire le contrôle, d'un Etat sur une personne morale exercé notamment au travers de ses dirigeants, ainsi que la mission de service public dévolue à celle-ci, ne suffisent pas à la faire considérer comme une émanation de l'Etat impliquant son assimilation à celui-ci ; que la cour d'appel, en statuant comme elle a fait et sans expliquer en quoi l'Office des céréales de Tunisie ne disposait pas d'un patrimoine distinct de celui de l'Etat tunisien, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 septembre 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen.