Attendu que, par jugement du 13 mai 1987, devenu irrévocable, le tribunal de grande instance de Rochefort-sur-Mer a prononcé le divorce des époux Y...-X..., mariés, en 1959, sous le régime ancien de la communauté réduite aux acquêts, et précisé que les effets patrimoniaux de ce divorce remonteraient au 20 août 1986, date de la cessation de la cohabitation ; que, le 2 février 1988, le notaire liquidateur a dressé un procès-verbal de difficultés ; que l'arrêt attaqué a dit que la propriété agricole constituait un bien propre de M. Y..., ainsi que les parcelles cadastrées ZI 125, ZH 42 et C 1032 ; que Mme X... devrait rembourser la moitié de l'emprunt de 15 000 francs, contracté par son mari en vue de l'acquisition du matériel d'exploitation ; que M. Y... était seul propriétaire des parts sociales Coop agneau et Ufra Ovine vendéenne ; que le compte bancaire du Crédit agricole et le livret de Caisse d'épargne étaient des biens propres à celui-ci ; que les impenses réalisées sur les immeubles propres de M. Y... lui demeureraient propres ; qu'enfin, Mme X... serait tenue de donner à bail rural à son ex-mari la parcelle cadastrée ZI 23, dont la propriété lui était reconnue ; que Mme X... et M. Y... ont formé respectivement pourvois principal et incident ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de M. Y..., pris en sa première branche :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que la parcelle ZI 23 constituait un bien propre de Mme X..., et que le matériel d'exploitation était bien commun, alors, selon le moyen, qu'en décidant que cette parcelle appartenait à la femme, la cour d'appel a méconnu, tant l'article 8 du contrat de mariage que l'article 1406 du Code civil ; qu'en effet, l'acte de vente de cette parcelle indiquait, conformément à la réglementation applicable aux ventes de biens rétrocédés par une SAFER, que le terrain devait être affecté à l'exploitation de M. Y..., de telle sorte que la parcelle litigieuse devait être considérée comme l'accessoire d'un bien propre du mari et, partant, recevoir la même qualification ;
Mais attendu que l'arrêt énonce exactement que l'article 1406 du Code civil ne permet pas d'attribuer le caractère de bien propre du mari à un terrain acheté par la femme, avec déclaration de remploi de deniers propres à celle-ci ; que, pris en sa première branche, le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de Mme X..., pris en ses quatre branches :
Attendu, d'abord, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve soumis à son examen que la cour d'appel a estimé que Mme X... ne justifiait pas des apports en cheptel et en matériel agricole par elle invoqués ;
Attendu, ensuite, que l'arrêt attaqué a souverainement constaté que le mari exerçait seul l'activité professionnelle d'agriculteur et que la femme était inscrite à la Mutuelle sociale agricole, non comme exploitant, mais comme conjointe d'un exploitant, de telle sorte que les juges du second degré n'avaient pas à déterminer la part d'industrie fournie par l'épouse ;
Attendu, par ailleurs, que l'établissement d'un bail rural ne nécessite aucune mise de fonds de la part du preneur, qui règle ensuite les fermages, grâce à son activité personnelle ; que l'arrêt attaqué n'avait donc pas à se livrer à la recherche inopérante qu'il lui est reproché d'avoir omis d'effectuer ;
Attendu, enfin, qu'ayant relevé que l'article 8 du contrat de mariage stipulait que les immeubles acquis pendant l'union conjugale, et qui formeraient l'annexe d'un bien propre à l'un des époux, appartiendraient à cet époux, et ayant estimé, par une appréciation souveraine, qu'en raison de leur faible superficie les parcelles cadastrées ZI 125, ZH 42 et C 1032 constituaient un accessoire de l'exploitation agricole, bien propre du mari, c'est à bon droit que la cour d'appel a considéré que ces parcelles revêtaient le même caractère de propres ;
Qu'il s'ensuit que le premier moyen ne peut être accueilli en aucune de ses quatre branches ;
Mais sur la seconde branche du moyen unique du pourvoi incident de M. Y..., et sur le deuxième moyen du pourvoi principal de Mme X..., réunis :
Vu l'article 1406 du Code civil ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, forment des propres, sauf récompense s'il y a lieu, les biens acquis à titre d'accessoire d'un bien propre ;
Attendu que, pour décider que le matériel affecté à l'exploitation agricole formait un bien de la communauté, l'arrêt attaqué énonce que ce matériel a été acquis grâce aux économies réalisées sur les revenus des biens propres des époux, de telle sorte qu'il s'agit d'un acquêt ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le matériel litigieux constituait l'accessoire de l'exploitation agricole, bien propre du mari, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; que, par voie de conséquence, la condamnation de Mme X... à rembourser à M. Y... la moitié de l'emprunt contracté par ce dernier pour l'acquisition de ce matériel, n'est pas légalement justifiée ;
Et sur les troisième et quatrième moyens, réunis du pourvoi principal :
Vu l'article 1498, alinéa 2, ancien du Code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ;
Attendu que, pour décider que les parts sociales Coop agneau et Ufra Ovine vendéenne, ainsi que le compte bancaire du Crédit agricole et le livret de la Caisse d'épargne, constituaient des biens propres du mari, l'arrêt attaqué énonce, d'une part, que l'acquisition de ces parts sociales était liée à l'activité d'éleveur de M. Y... et, d'autre part, que les comptes susvisés avaient été ouverts au seul nom du mari ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que dans l'ancien régime de la communauté réduite aux acquêts, tous les meubles acquis durant le mariage, ainsi que les sommes d'argent, tombaient dans cette communauté, l'arrêt attaqué a violé le texte susvisé ;
Sur le cinquième moyen du même pourvoi :
Vu l'article 1498, alinéa 2, ancien du Code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;
Attendu que, pour décider que les impenses effectuées sur les immeubles propres de M. Y... ne donneraient pas lieu à récompense au profit de la communauté, la cour d'appel indique que ces impenses ont été financées par deux emprunts remboursés par le mari seul, " sans recours aux économies faites sur les biens propres, ni même sur les fruits et revenus de ces biens " ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher l'origine exacte des fonds ayant permis à M. Y... de rembourser les emprunts litigieux, et spécialement si ces fonds ne provenaient pas des revenus de l'exploitation agricole, lesquels tombaient en communauté bien qu'il s'agisse d'un bien propre du mari, la juridiction du second degré a privé sa décision de base légale ;
Et sur le sixième moyen du même pourvoi :
Vu l'article 544 du Code civil ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, " la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue " ;
Attendu que, pour décider que Mme X... serait tenue de consentir un bail rural à son ex-mari sur la parcelle ZI 23 qui constituait un bien propre de la femme, l'arrêt attaqué énonce que l'obligation incombant aux acquéreurs de maintenir cette parcelle affectée à l'amélioration de l'exploitation agricole de M. Y..., sous peine de résolution de la vente consentie par la SAFER, sera respectée par la mise de cette parcelle à la disposition du mari, dans le cadre d'un bail rural ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que le droit de propriété est un droit fondamental, de valeur constitutionnelle, et alors, d'autre part, que l'obligation imposée à Mme X... de consentir un bail rural constituait une restriction à son droit de disposer librement d'une parcelle dont elle était seule propriétaire, la cour d'appel, qui a excédé ses pouvoirs, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a estimé que le matériel affecté à l'exploitation agricole constituait un bien de communauté et en ce qu'il a condamné Mme X... à rembourser à M. Y... la moitié de l'emprunt par lui contracté pour l'acquisition de ce matériel ; en ce qu'il a dit que les parts sociales Coop agneau et Ufra Ovine vendéenne, ainsi que le compte bancaire du Crédit agricole et le livret de la Caisse d'épargne, constituaient des biens propres du mari ; en ce qu'il a considéré que les impenses réalisées par ce dernier sur ses immeubles personnels ne devaient pas donner lieu à récompense au profit de la communauté ; et enfin, en ce qu'il a déclaré que Mme X... serait tenue de consentir un bail rural à M. Y... sur la parcelle ZI 23, l'arrêt rendu le 24 juin 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges.