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13/12/1994 | FRANCE | N°93-85092

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 décembre 1994, 93-85092


REJET du pourvoi formé par :
- X... Philippe,
- la société de gestion du Figaro,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 4 octobre 1993, qui, pour entrave au fonctionnement régulier du comité d'entreprise, a condamné le premier à une amende de 10 000 francs, ainsi qu'à des réparations civiles, et a déclaré la seconde civilement responsable.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 483-1, L. 432-1 et L. 432-3 du Code du travail, 591 et 593 du Co

de de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable du...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Philippe,
- la société de gestion du Figaro,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 4 octobre 1993, qui, pour entrave au fonctionnement régulier du comité d'entreprise, a condamné le premier à une amende de 10 000 francs, ainsi qu'à des réparations civiles, et a déclaré la seconde civilement responsable.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 483-1, L. 432-1 et L. 432-3 du Code du travail, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable du délit d'entrave au fonctionnement régulier du comité d'entreprise de la société de gestion du Figaro, l'a condamné à une amende de 10 000 francs et à verser 20 000 francs de dommages-intérêts au comité d'entreprise, la société de gestion du Figaro étant déclarée civilement responsable ;
" aux motifs adoptés du jugement que l'accord passé le 27 mars 1992 entre la direction du groupe Hersant et la CSTP, consacre la création d'un nouveau métier, celui de secrétaire technique-metteur en page (STME) exercé par des ouvriers photocompositeurs au sein du secrétariat de rédaction et sous l'autorité de la hiérarchie de ce dernier ; qu'ainsi, la création de ce nouveau métier a des répercussions directes sur la profession de secrétaire de rédaction journaliste ; que celle-ci est privée d'une partie de ses attributions sur les pages dites "froides" ; que l'interactivité des réseaux informatiques antérieurement perméables en un seul sens constitue un palier qualitatif important, l'utilisation d'écrans non interactifs ou interactifs, mais verrouillés étant de règle auparavant ; que dès lors s'imposait la consultation préalable du comité d'entreprise de la société de gestion du Figaro non sur l'accord sous-catégoriel du 27 mars 1992 mais sur le projet de création d'un nouveau métier et sur ses conséquences sur les attributions des secrétaires de rédaction journalistes et sur l'organisation du travail au sein du secrétariat de rédaction, où les secrétaires techniques-metteurs en page sont appelés à exercer leurs fonctions ;
" et aux motifs propres à l'arrêt attaqué que les objections de la défense ne peuvent être accueillies, pour les motifs exposés par les premiers juges et que la Cour reprend à son compte, sous réserve des observations ci-après énumérées ; qu'il n'importe, contrairement à ce qui est soutenu par la défense, que la convention litigieuse du 27 mars 1992 ait été suivie de deux autres accords postérieurs des 28 avril et 4 juin 1992 signés avec des syndicats de journalistes et leur donnant des garanties pour l'avenir, en ce qui concerne le rôle et la responsabilité éditoriale des secrétaires de rédaction, compte tenu des changements déjà intervenus, "dans le contexte de l'introduction de la PAO" ; que la conclusion de ces accords démontre surabondamment que le comité d'entreprise de la société de gestion du Figaro, intéressé par les importantes modifications engagées et leurs répercussions sur plusieurs catégories de personnels, aurait dû être informé et consulté préalablement à l'accord litigieux du 27 mars 1992 ; qu'en outre, quel que soit le degré des modes d'informatisation mis en place au préalable dans l'entreprise, l'interactivité des réseaux informatiques et la "pagination assistée par ordinateur" qui devait être mise à la disposition des secrétaires de rédaction et supposait, en ce qui les concernait, une formation spécifique de nature à leur permettre d'accéder à cet outil (cf. l'accord du 28 avril 1992 et son annexe, dernières pages), constituaient effectivement, de par leur importance qualitative, l'introduction de nouvelles technologies entraînant de grandes répercussions tant sur les conditions de travail des secrétaires de rédaction que sur celles des secrétaires techniques (cf. Cass. Soc. 2 juillet 1987, Bull. civ., V, n° 438) ; que Philippe X... aurait donc dû soumettre le projet d'accord du 27 mars 1992 au comité d'entreprise de la société de gestion du Figaro ;
" alors, d'une part, que dans ses conclusions, régulièrement déposées, Philippe X... faisait valoir que l'accord litigieux du 27 mars 1992 ne pouvait en rien être analysé comme créant un nouveau métier au sein de la rédaction du Figaro, dès lors que les douze secrétaires techniques-metteurs en page qu'il visait comme devant être mis en place, étaient les mêmes que les douze secrétaires techniques déjà en place depuis des années au sein de la rédaction, en vertu d'un accord remontant à 1986, leur "nouveau métier" ayant d'ores et déjà été défini à l'époque ; qu'en omettant de s'expliquer sur ce chef péremptoire des conclusions d'appel, la Cour a entaché son arrêt d'un défaut de motifs ;
" alors, d'autre part, et subsidiairement que, s'agissant des conséquences d'un accord extérieur à une entreprise, la consultation du comité d'entreprise devait seulement précéder sa mise en oeuvre effective dans cette entreprise ; que dans ses conclusions d'appel, X... faisait valoir que la mise en place effective des dispositions résultant de l'ensemble des accords conclus, tant l'accord litigieux du 27 mars 1992 que ceux conclus avec les journalistes les 28 avril et 4 juin suivants, n'avait pu intervenir progressivement que fin 1992, et que la citation du comité d'entreprise, consulté le 1er avril, relevait du procès d'intention ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions d'où résultait que le comité d'entreprise avait été consulté longtemps avant la mise en place effective de l'accord litigieux, la Cour a encore entaché son arrêt d'un défaut de motifs " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'un accord conclu le 27 mars 1992 entre la Chambre syndicale de la typographie parisienne et la direction du groupe Hersant, laquelle inclut la société de gestion du Figaro, qui participe à l'élaboration du journal du même nom, a prévu l'affectation de plusieurs ouvriers photocompositeurs aux fonctions nouvelles de secrétaires techniques-metteurs en page, au sein du secrétariat de rédaction, sous l'autorité et la hiérarchie de celui-ci ; que le comité d'entreprise de la société de gestion du Figaro, estimant que cet accord avait pour effet d'introduire de nouvelles technologies, destinées à doter les secrétaires techniques-metteurs en page des moyens informatiques réservés jusqu'alors aux seuls secrétaires de rédaction, ayant le statut de journaliste, et de modifier, en les diminuant, les attributions confiées à ces derniers, a fait citer directement devant le tribunal correctionnel du chef d'entrave à son fonctionnement Philippe X..., membre du directoire de la société précitée et président délégué du comité d'entreprise, pour avoir omis d'informer et de consulter cet organisme avant la signature de l'accord susvisé, ainsi que la société de gestion du Figaro, en qualité de civilement responsable ; que le prévenu a été déclaré coupable par les premiers juges sur le fondement des articles L. 432-1, alinéa 1er, L. 432-3, alinéas 1 et 2, et L. 483-1 du Code du travail ;
Attendu que, pour confirmer le jugement et rejeter l'argumentation de Philippe X..., faisant valoir que l'accord du 27 mars 1992 n'avait eu d'autre objet que la mise en oeuvre, à la fin de la même année, de la pagination assistée par ordinateur, laquelle avait donné lieu à deux accords conclus avec les syndicats de journalistes, qui garantissaient pour l'avenir le rôle et la responsabilité éditoriale des secrétaires de rédaction, la cour d'appel se prononce par les motifs propres et adoptés reproduits au moyen ; qu'elle précise que, selon le prévenu lui-même, l'adoption du nouvel outil informatique devait aboutir à " l'inversion totale " des modalités de la rédaction et de la production ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dont elle a déduit que la décision d'introduire de nouvelles technologies dans le réseau informatique de la société nécessitait l'information et la consultation préalables du comité d'entreprise, en raison des répercussions importantes sur les conditions de travail de plusieurs catégories de personnel, la juridiction du second degré, qui n'était pas tenue de suivre le prévenu dans le détail de son argumentation, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ; qu'il n'importe que le comité d'entreprise ait été informé et consulté avant la mise en oeuvre effective des mesures prévues par l'accord du 27 mars 1992, dès lors que celui-ci était définitif à la date de la consultation ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 93-85092
Date de la décision : 13/12/1994
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° TRAVAIL - Comité d'entreprise - Prérogatives légales - Attributions du comité dans l'ordre économique - Question intéressant l'organisation - la gestion et la marche générale de l'entreprise - Consultation - Cas.

1° La consultation du comité d'entreprise, prescrite, d'une part, par l'article L. 432-1, alinéa 1er, du Code du travail pour les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise et, d'autre part, par l'article L. 432-3, alinéa 1er, dudit Code, pour les problèmes généraux concernant les conditions de travail résultant de l'organisation du travail, de la technologie, des conditions d'emploi, de l'organisation du temps de travail, des qualifications et des modes de rémunération, s'impose à l'employeur lorsque les mesures envisagées sont importantes et ne revêtent pas un caractère ponctuel ou individuel. C'est dès lors à bon droit qu'une cour d'appel retient que la décision prise par un employeur d'introduire de nouvelles technologies dans le réseau informatique de la société nécessitait l'information et la consultation préalables du comité d'entreprise, en raison des répercussions importantes sur les conditions de travail de plusieurs catégories du personnel(1).

2° TRAVAIL - Comité d'entreprise - Prérogatives légales - Attributions du comité dans l'ordre économique - Question intéressant l'organisation - la gestion et la marche générale de l'entreprise - Consultation - Caractère préalable - Portée.

2° Le délit d'entrave au fonctionnement régulier du comité d'entreprise est constitué dès lors que la décision de l'employeur est définitive à la date de la consultation du comité, peu important que celle-ci intervienne avant la mise en oeuvre effective des mesures envisagées(2).


Références :

1° :
Code du travail L432-1 al1

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 04 octobre 1993

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1982-04-15, Bulletin criminel 1982, n° 90, p. 247 (rejet), et les arrêts cités ;

Chambre criminelle, 1988-02-09, Bulletin criminel 1988, n° 67, p. 178 (rejet). CONFER : (2°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1990-05-29, Bulletin criminel 1990, n° 218, p. 551 (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 déc. 1994, pourvoi n°93-85092, Bull. crim. criminel 1994 N° 405 p. 993
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1994 N° 405 p. 993

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Milleville, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Amiel.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Batut.
Avocat(s) : Avocats : la SCP de Chaisemartin et Courjon, la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:93.85092
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