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12/12/1994 | FRANCE | N°94-80328

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 décembre 1994, 94-80328


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Daniel,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Riom, chambre correctionnelle, du 6 janvier 1994, qui, pour fraudes fiscales, l'a condamné à 12 mois d'emprisonnement avec sursis, 20 000 francs d'amende, à l'interdiction d'exercer toute activité commerciale ou industrielle pendant 2 ans, outre la publication et l'affichage de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur les faits :
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaq

ué, du jugement et des conclusions des parties, que les services fiscaux ont...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Daniel,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Riom, chambre correctionnelle, du 6 janvier 1994, qui, pour fraudes fiscales, l'a condamné à 12 mois d'emprisonnement avec sursis, 20 000 francs d'amende, à l'interdiction d'exercer toute activité commerciale ou industrielle pendant 2 ans, outre la publication et l'affichage de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur les faits :
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué, du jugement et des conclusions des parties, que les services fiscaux ont été informés fin 1987, par l'autorité judiciaire, de ce que Daniel X..., entrepreneur de pompes funèbres, faisait l'objet d'une procédure pour travail clandestin, et ont entrepris, en début 1988, un contrôle de l'intéressé après lui avoir adressé un avis de vérification de comptabilité ; qu'à l'issue des opérations, Daniel X... s'est vu reprocher la minoration de ses déclarations relatives à l'impôt sur le revenu et sur la taxe à la valeur ajoutée dus pour les exercices 1986 et 1987 ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 1741, 1743 du Code général des impôts, L. 16 B, L. 47, L. 52, L. 101 du Livre des procédures fiscales, 485, 583, 802 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les exceptions de nullité soulevées par Daniel X... et déclaré celui-ci coupable de fraude fiscale ;
" aux motifs que le prévenu ne peut valablement soutenir que la saisie de ses dossiers l'aurait mis dans l'impossibilité de se défendre car s'il n'est pas contestable que plus de trois cents dossiers avaient été saisis dans le cadre de l'enquête judiciaire, Daniel X... pouvait solliciter de consulter ces documents pour organiser sa défense ; qu'il ne peut également faire valoir que les documents recueillis lors de l'enquête judiciaire ont été irrégulièrement communiqués à l'administration fiscale, en raison des dispositions de l'article L. 101 du Livre des procédures fiscales instituant cette obligation de communication ; qu'aucune irrégularité n'affecte la communication des documents en cause ;
" alors, d'une part, qu'une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification et doit être effectuée au siège de l'exploitation afin de garantir à l'intéressé le débat contradictoire que la loi lui réserve ; que Daniel X... avait justement invoqué l'irrégularité de procédure administrative antérieure à la plainte des services fiscaux, laissant apparaître que ceux-ci avaient eu accès à un ensemble de trois cents dossiers de son entreprise saisis au cours d'une enquête judiciaire précédente et que cet examen avait eu lieu en son absence et avant l'envoi de l'avis de vérification du 5 mai 1988 afférent aux bénéfices industriels et commerciaux et taxes annexes de la période du 1er janvier au 31 décembre 1987 ; que les dispositions de l'article L. 101 du Livre des procédures fiscales relatives au devoir d'information de l'autorité judiciaire à l'égard du fisc ne font aucunement échec aux conditions légales du déroulement de toute vérification d'une comptabilité de sorte que la cour d'appel, constatant que plus de trois cents dossiers avaient été mis à la disposition des services fiscaux sans que Daniel X... fut invité à participer à cet examen contradictoire, ne pouvait écarter l'exception de nullité ainsi soulevée ainsi que l'atteinte aux droits de la défense, ne pouvant être réparée par une simple consultation par le contribuable des documents saisis postérieurement à la vérification du fisc ; que, par suite, l'arrêt attaqué a violé les textes visés au moyen ;
" alors, d'autre part, que le président du tribunal de grande instance est seul compétent pour autoriser les visites et saisies de documents par les services fiscaux ; que l'arrêt attaqué, ne répondant pas au moyen de nullité de Daniel X... pris de ce que l'accès aux dossiers saisis ne pouvait être autorisé par le seul procureur de la République, a entaché sa décision d'un défaut de motivation " ;
Attendu que pour écarter les conclusions du prévenu prises de ce que, sous couvert de l'exercice du droit de communication, l'administration fiscale aurait entrepris une vérification de comptabilité avant l'envoi de l'avis prévu à l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, la cour d'appel énonce que c'est dans le strict respect des dispositions de l'article L. 101 du Livre des procédures fiscales que l'Administration a été informée par l'autorité judiciaire des agissements frauduleux de Daniel X... et que des dossiers de clients sous scellés ont été mis à sa disposition ;
Attendu qu'en prononçant ainsi la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet le devoir d'information de l'autorité judiciaire prévu à l'article L. 101 du Livre des procédures fiscales, dont l'étendue relève de la seule appréciation de celle-ci, n'est pas subordonné à la mise en oeuvre préalable par l'Administration des dispositifs prévus aux articles L. 47 et L. 16B du Livre des procédures fiscales ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 1741, 1743, 287, 39 de l'annexe IV du Code général des impôts, L. 228 et suivants du Livre des procédures fiscales, 485, 593, 802 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les exceptions de nullité soulevées par Daniel X..., et déclaré celui-ci coupable de fraude fiscale ;
" aux motifs que la Commission des infractions fiscales a donné utilement son avis sur les faits qui lui étaient soumis, le prévenu ne pouvant invoquer une saisine incomplète de cet organisme consultatif, ni par voie de conséquence des poursuites, qui ne seraient pas en conformité avec l'avis rendu ; qu'en ce qui concerne les périodes de référence, la date de l'infraction ne se confond pas nécessairement avec celle de l'année au cours de laquelle le chiffre d'affaires a été réalisé, et la période à laquelle les revenus doivent être déclarés ; que le décalage des dates invoqué par Daniel X... ne constitue pas un élément affectant la validité des poursuites ;
" alors que selon les dispositions de l'article L. 228 du Livre des procédures fiscales, les poursuites tendant à l'application de sanctions pénales en matière d'impôts directs et de taxe assimilées ne peuvent être exercées que sur la plainte de l'Administration après avis conforme de la Commission des infractions fiscales ; que le prévenu ayant soulevé l'existence d'une discordance entre les dates des faits soumis à l'examen de la commission précitée et ceux faisant l'objet des poursuites, la cour d'appel n'a pas légalement justifié le rejet de l'exception de nullité en se bornant à faire état d'un décalage normal entre les périodes des impôts pris en compte et les dates de réalisation des infractions ; que recherché au titre du paiement des impôts afférents à la taxe sur le chiffre d'affaires et à l'impôt sur le revenu, lesquels sont régis par des règles entièrement distinctes en ce qui concerne tant les dates de souscription des déclarations que celles du versement des impôts, Daniel X... ne pouvait être légalement condamné du chef de fraude fiscale qu'à la condition de constater précisément que les défaillances fiscales soumises à l'examen de la Commission des infractions fiscales correspondaient exactement à celles faisant l'objet des poursuites pénales ; que l'arrêt attaqué, faute d'avoir effectué cette recherche et s'en tenant à la seule constatation du décalage précité, n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Et sur le moyen relevé d'office pris de la violation des articles 388 et 802 du Code de procédure pénale ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles,
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier le dispositif ; que l'insuffisance ou la contradiction dans les motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, renvoyé devant la juridiction correctionnelle pour " s'être courant 1987 et 1988 frauduleusement soustrait à l'établissement ou au paiement total ou partiel des impôts visés par le Code général des impôts, en omettant de faire les déclarations dans les délais prescrits et en dissimulant une part des sommes sujettes à l'impôt ", le prévenu a soutenu que la prévention lui reprochait, en violation de l'article L. 228 du Livre des procédures fiscales, des faits autres que les minorations de déclaration à l'impôt sur le revenu ou de taxe sur le chiffre d'affaires, commises en 1986 et 1987, pour lesquels la Commission des infractions fiscales avait été consultée ;
Attendu que pour écarter les conclusions du prévenu et le déclarer coupable de fraudes fiscales, les juges énoncent qu'il n'existe aucune discordance entre les faits pour lesquels la Commission des infractions fiscales a été consultée et les faits faisant l'objet de la prévention, mais seulement un décalage résultant de ce que les poursuites pénales retiennent non l'année au titre de laquelle l'impôt est dû en raison de l'activité exercée, mais la suivante, celle au cours de laquelle la déclaration de résultat est établie ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans mieux s'en expliquer, alors que, compte tenu de ce qu'en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) les déclarations sur le chiffre d'affaires sont, sauf exceptions, établies mensuellement, la juridiction ne pouvait être valablement saisie ni des minorations commises en 1986 non visées par l'ordonnance de renvoi, ni de celles commises en 1988 non visées par la Commission des infractions fiscales, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Que dès lors la cassation est encourue ;
Et attendu que la peine est indivisible ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Riom, en date du 6 janvier 1994, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bourges.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 94-80328
Date de la décision : 12/12/1994
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° IMPOTS ET TAXES - Impôts directs et taxes assimilées - Procédure - Infractions - Droit de communication de l'administration des Impôts - Renseignements communiqués sans demande préalable - Communication par l'autorité judiciaire - Conditions.

1° Le devoir d'information incombant à l'autorité judiciaire, en application de l'article L. 101 du Livre des procédures fiscales, et dont l'étendue relève de la seule appréciation de cette autorité, n'est pas subordonné à la mise en oeuvre préalable, par l'administration, des dispositions prévues à l'article L. 47 de ce Livre.

2° IMPOTS ET TAXES - Taxe sur la valeur ajoutée - Déclaration sur le chiffre d'affaires - Etablissement mensuel - Effets - Infraction - Date de commission - Année suivant l'exercice comptable (non).

2° En matière de taxe sur la valeur ajoutée les déclarations sur le chiffre d'affaires étant, sauf exceptions, établies mensuellement les minorations de sommes sujettes à l'impôt ne sauraient être réputées commises, comme en matière d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés ou de tenue irrégulière de comptabilité, l'année suivant l'exercice comptable, à la clôture des comptes de cet exercice. Les poursuites et l'avis de la Commission des infractions fiscales doivent donc viser de manière différenciée les mois ou les années au titre desquels les fraudes ont pu être commises en matière de taxe sur la valeur ajoutée et celles au titre desquelles les fraudes ont pu être commises en matière d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom (chambre correctionnelle), 06 janvier 1994


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 déc. 1994, pourvoi n°94-80328, Bull. crim. criminel 1994 N° 401 p. 982
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1994 N° 401 p. 982

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. Amiel.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. de Mordant de Massiac.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Le Bret et Laugier, M. Foussard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:94.80328
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