Attendu que, par acte authentique du 14 juin 1984, faisant suite à une offre préalable du 5 mai précédent, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Sud-Est a consenti aux époux X... un crédit immobilier, soumis aux dispositions de la loi du 13 juillet 1979, d'un montant de 500 000 francs, remboursable en 20 ans par échéances mensuelles progressives ; que, en 1987, les époux X... ont demandé la réduction à 15 ans de la durée du prêt, et, aucune suite n'ayant été donnée à cette demande, ont remboursé le prêt par anticipation à l'aide d'un crédit obtenu d'une autre banque ; qu'ils ont ensuite assigné la caisse pour faire constater que celle-ci avait refusé de leur consentir un nouveau prêt, que l'indemnité de remboursement anticipé n'était pas conforme aux exigences de la loi du 13 juillet 1979, subsidiairement qu'elle était manifestement excessive ; que l'arrêt confirmatif attaqué a réduit le montant de l'indemnité à la somme de 15 638,97 francs et les a déboutés du surplus de leur demande ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident formé par les époux X... :
Attendu que ceux-ci font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de leur demande tendant à faire juger qu'était constitutif d'un refus de vente le fait d'avoir refusé à trois reprises de leur faire connaître les conditions financières d'un prêt de substitution alors que, selon le moyen, il est interdit de refuser à un consommateur la vente d'un bien ou la prestation d'un service, sauf motif légitime ; qu'en se bornant à énoncer que la Caisse n'était nullement tenue de leur consentir un prêt après remboursement anticipé du prêt initial, sans rechercher si elle avait un motif légitime de le faire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 30 et 36 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu qu'il résulte du rapprochement des alinéas 1 et 2 de l'article 89 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, modifié par l'article 60-III de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, que les dispositions des articles 30 et 36 de cette ordonnance relatives au refus de vente ne sont pas applicables aux opérations de banque prévues à l'article 1er de la loi, lesquelles comprennent les opérations de crédit ; que la cour d'appel n'avait donc pas à procéder à la recherche qu'il lui est reproché d'avoir omise ;
Et sur le second moyen du même pourvoi, pris en ses deux branches :
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de leur demande tendant à faire déclarer inapplicables les clauses du prêt leur imposant le paiement d'une indemnité de mise à taux moyen, et d'une indemnité de remboursement anticipé alors que, d'une part, les stipulations contractuelles doivent permettre à l'emprunteur de connaître à tout instant le maximum qui pourrait lui être réclamé en cas de remboursement anticipé ; que tel n'était pas le cas de la clause aux termes de laquelle " l'indemnité compensatrice représente un complément d'intérêts destiné à rendre égal le taux de rendement du prêt, à la date de remboursement anticipé, au taux moyen du prêt tel que initialement prévu dans le contrat " ; alors que, d'autre part, l'amortissement du prêt étant fonction du capital restant dû, lequel était remboursé selon une répartition inconnue des emprunteurs lors de la remise de l'offre et variable dans son montant selon les époques, ceux-ci, ignorant la part de l'échéance affectée au remboursement du capital, ne pouvaient calculer le montant de l'indemnité dû ; qu'en statuant comme elle a fait la cour d'appel aurait violé les articles 5 et 12 de la loi du 13 juillet 1979, 1129 et 1151 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt attaqué a relevé, par motifs propres et adoptés, que l'offre présentée par la caisse prévoyait, en cas de remboursement anticipé, " une indemnité égale à deux mois d'intérêts calculés au taux moyen du prêt sur le capital remboursé par anticipation " et, sous le titre " indemnité compensatrice ", une indemnité " qui représente un complément d'intérêts destiné à rendre égal le taux de rendement du prêt, à la date du remboursement anticipé, au taux moyen du prêt tel que prévu initialement dans le présent contrat " ; que l'offre mentionnait le détail des échéances et précisait que le montant de la période d'amortissement du prêt était établi à partir d'une progressivité de l'annuité de 9 % pendant les trois premières années, de 6 % les quatre suivantes et 2,55 % pour les années restant à courir ; que la cour d'appel en a exactement déduit que ces éléments permettaient à l'emprunteur d'avoir connaissance du maximum de ce qu'il pouvait devoir et d'évaluer le coût d'un remboursement anticipé, l'indemnité prévue dans ce cas étant par nature variable en fonction de l'époque de remboursement du prêt ; d'où il suit que le second moyen du pourvoi incident ne peut être davantage accueilli que le premier ;
Mais, sur le moyen unique du pourvoi principal de la caisse :
Vu les articles 1152 du Code civil, ensemble les articles 12, alinéa 2, de la loi n° 79-596 du 13 juillet 1979 et 2, alinéa 2, du décret n° 80-473 du 28 juin 1980 ;
Attendu que ne constitue pas une clause pénale, au sens du premier de ces textes, l'indemnité prévue par le dernier, laquelle n'a pas pour objet d'assurer l'exécution des obligations des emprunteurs mais ne vise, en cas de remboursement anticipé, qu'à porter la rémunération du prêteur à un montant conforme au taux d'intérêt convenu ;
Attendu que pour réduire " l'indemnité compensatrice " l'arrêt attaqué a retenu que l'article 1152 du Code civil lui était applicable parce qu'elle ne constituait qu'une majoration de l'indemnité générale prévue par l'article 12, alinéa 2, de la loi du 13 juillet 1979 ;
Attendu qu'en se prononçant ainsi la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi incident,
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a réduit " l'indemnité compensatrice ", l'arrêt rendu le 5 décembre 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.