REJET du pourvoi formé par :
- X... Eric,
contre l'arrêt n° 137/94 de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rouen, en date du 27 avril 1994, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs d'abus de confiance, escroquerie, faux et usage de faux, concussion, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction le plaçant en détention provisoire.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 137, 144, 145 et 593 du Code de procédure pénale, 5 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance portant placement en détention provisoire d'Eric X... ;
" aux motifs que de tels faits sont de ceux qui troublent profondément et durablement l'ordre public par la qualité d'officiers publics de leurs auteurs ; que de nombreuses personnes doivent être entendues ; que l'enquête a déjà permis de révéler que, pour éviter une saisie, les frères X... n'ont pas hésité à faire déménager une partie de leurs meubles et à arguer d'une donation à un membre de leur famille ; qu'en l'état, le maintien en détention apparaît comme nécessaire pour préserver l'ordre public du trouble persistant causé par l'infraction et constitue l'unique moyen de conserver les preuves et indices matériels ainsi que d'empêcher toute pression sur les victimes et les témoins et toute concertation frauduleuse avec les complices ;
" alors, d'une part, qu'en affirmant que le trouble à l'ordre public résultait de la qualité d'officiers publics des auteurs des faits, pour justifier, avant toute déclaration de culpabilité, de la détention du demandeur, l'arrêt attaqué a méconnu le principe d'égalité tel qu'il résulte de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, pour l'application du principe fondamental consacré par l'article 5 de la même Convention et l'article 137 du Code de procédure pénale, selon lequel toute personne a droit à sa liberté, la détention provisoire avant toute condamnation ne pouvant intervenir qu'à titre exceptionnel comme mesure de sûreté, ce qui exclut qu'elle puisse être ordonnée en raison de la seule qualité professionnelle de l'auteur présumé des faits ;
" et alors, d'autre part, que si l'arrêt attaqué affirme que de nombreuses personnes doivent être entendues, il ne relève aucune circonstance spécifique à l'espèce justifiant des craintes de pression sur les témoins ou permettant de redouter d'éventuelles complicités ; que, dès lors, l'arrêt attaqué n'est pas spécialement motivé, en violation des articles 144 et 145 du Code de procédure pénale ;
" et alors, enfin, qu'à supposer même que le demandeur ait pris des mesures pour éviter la saisie de ses biens, cette circonstance n'est pas au nombre de celles qui peuvent légalement justifier la détention provisoire ; que l'arrêt attaqué a, sur ce point, violé l'article 144 du Code de procédure pénale " ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction plaçant Eric X... en détention provisoire, la chambre d'accusation, après avoir rappelé les charges pesant sur cet officier public d'avoir détourné des fonds, facturé et comptabilisé des honoraires indus en abusant de sa qualité d'huissier de justice et recouvré des rémunérations qu'il savait ne pas être dues, énonce que de tels faits sont de ceux qui troublent profondément et durablement l'ordre public par la qualité de leur auteur, leur multiplicité et l'importance de leurs conséquences ; que ce trouble, eu égard à l'ampleur des investigations réalisées et encore nécessaires, n'est pas apaisé ;
Que de nombreuses personnes doivent être entendues et des recherches effectuées ; qu'Eric X... et son frère Yann, également huissier de justice, n'ont pas hésité à faire déménager une partie de leurs meubles et à invoquer une donation à un membre de leur famille ;
Que les juges ajoutent que le maintien en détention d'Eric X... apparaît comme l'unique moyen de conserver les preuves et indices matériels ainsi que d'empêcher toute pression sur les victimes et les témoins, et toute concertation frauduleuse avec des complices ;
Attendu qu'en cet état, la chambre d'accusation a motivé sa décision par des considérations de droit et de fait conformément aux prescriptions des articles 144 et 145 du Code de procédure pénale, sans méconnaître les articles 5 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Qu'en effet, ce dernier texte ne fait pas obstacle à l'existence en droit interne d'une circonstance aggravante personnelle tirée de la profession de l'auteur d'une infraction commise dans l'exercice de ses fonctions ;
Que, dès lors, le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.