Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que l'un des salariés de son établissement d'Oissel ayant été victime, sur les lieux de son travail, d'un accident que la caisse primaire a accepté de prendre en charge au titre du risque professionnel, la Société Fruehauf-France s'est vu notifier par la caisse régionale d'assurance maladie des taux de cotisations accident du travail majorés pour l'année 1984, puis pour les années 1985 et 1986 ; qu'un jugement, devenu définitif, ayant décidé, sur le recours de cette société, que l'accident n'avait pas un caractère professionnel, et la caisse régionale ayant procédé à la réduction des taux, l'URSSAF, qui avait encaissé les cotisations, a, le 5 juin 1987, reversé le trop-perçu ; que, saisis d'une demande de la société, les juges du fond ont dit que cette Union de recouvrement devait, en outre, payer les intérêts au taux légal de la somme restituée, depuis les dates des versements jusqu'au jour de la restitution, et ont par ailleurs condamné la caisse régionale à garantir l'URSSAF des condamnations prononcées contre elle ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal formé par la Caisse régionale d'assurance maladie :
Attendu que la caisse régionale fait grief à l'arrêt attaqué (Rouen, 6 décembre 1990) d'avoir statué comme il l'a fait, alors, selon le moyen, de première part, que l'accipiens n'est de mauvaise foi que s'il savait, au jour du paiement indu, qu'il n'était pas créancier du solvens ou que ce dernier n'était pas débiteur à son égard de la somme indûment payée ; qu'en retenant, pour condamner l'URSSAF à payer à la société Fruehauf France les intérêts afférents aux cotisations indûment versées depuis le jour du paiement, et décider que la caisse régionale devait garantir l'URSSAF des condamnations prononcées contre elle, que ces organismes savaient que ces taux de cotisations étaient contestés par la société, tout en relevant que la créance de l'URSSAF n'a disparu qu'à compter du jour de la notification de la décision de la Commission nationale technique rendue le 7 octobre 1986, sans déduire de ses propres constatations que tant l'URSSAF que la caisse régionale ne pouvaient être considérées de mauvaise foi avant cette date, la cour d'appel a violé l'article 1378 du Code civil ; alors, de deuxième part, que la condamnation de l'accipiens de mauvaise foi au paiement d'intérêts afférents à la somme indûment reçue ne peut être garantie par un tiers que si ce dernier a commis une faute ayant déterminé le paiement indu ; qu'ayant constaté que c'est la caisse primaire qui avait retenu la qualification d'accident du travail ayant entraîné une augmentation du taux de cotisations et que la caisse régionale avait seulement calculé les cotisations dues sur la base des éléments fournis par la caisse primaire, la cour d'appel a néanmoins condamné la caisse régionale à garantir l'URSSAF du paiement des intérêts afférents aux cotisations indûment versées par la société, en se bornant à déclarer que le " concours étroit " entre la CPAM, la CRAM et l'URSSAF interdisait à chacun de ces organismes de se retrancher derrière l'action de l'autre, sans rechercher en quoi le comportement de la caisse régionale avait pu constituer une faute, et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ; alors, de troisième part, qu'en s'abstenant de rechercher en quoi le calcul des cotisations opéré par la caisse régionale, qui n'a pas reçu les sommes indûment versées et n'a pas décidé de la qualification de l'accident litigieux, avait pu déterminer le préjudice subi, la cour d'appel n'a pas constaté de lien de causalité direct entre le rôle de cette Caisse et le préjudice allégué par l'entreprise, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que c'est par une appréciation souveraine que la cour d'appel a retenu que la mauvaise foi, au sens de l'article 1378 du Code civil, était caractérisée ;
Attendu, en second lieu, que la Caisse régionale n'étant pas un tiers par rapport à l'URSSAF, qui, en cette matière, lui est substituée et doit donc être considérée comme sa mandataire, c'est en sa seule qualité de mandante, et indépendamment de toute faute de sa part, que cette Caisse est tenue de supporter la charge des intérêts au taux légal, tels que la cour d'appel les a fixés, de la somme indûment perçue en son nom par l'URSSAF ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident formé par l'URSSAF :
Attendu que l'URSSAF fait grief à l'arrêt d'avoir décidé qu'elle était tenue au paiement des intérêts produits par la somme restituée, du jour du paiement, alors, selon le moyen, d'une part, qu'aux termes de l'article 1378 du Code civil, celui qui a reçu n'est tenu de restituer tant le capital que les intérêts du jour du paiement que s'il est lui-même de mauvaise foi ; qu'en considérant que l'URSSAF pourrait se voir opposer à ce titre des moyens tirés de la seule situation de tiers que sont les caisses de sécurité sociale, la cour d'appel a violé le texte précité ; alors, d'autre part, qu'en tout état de cause, l'accipiens ne peut être considéré de mauvaise foi que s'il connaissait au moment du paiement le vice dont ce paiement était entaché ; qu'en décidant que l'URSSAF de Rouen était de mauvaise foi au seul motif que le caractère litigieux de la créance était connu de la caisse primaire et de la CRAM, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1378 du Code civil ;
Mais attendu que l'Urssaf, qui est le mandataire légal des caisses de Sécurité sociale, n'est pas un tiers par rapport à celles-ci ; que la cour d'appel énonce exactement que, même si l'URSSAF n'avait pas eu elle-même connaissance de la contestation de l'employeur, sa mauvaise foi, au sens de l'article 1378 du Code civil, n'en devait pas moins être retenue, dans la mesure où ce litige était connu de la caisse régionale pour le compte de laquelle elle avait recouvré les cotisations indues ; qu'elle a dès lors, à bon droit, décidé que cet organisme de recouvrement, qui avait restitué le capital, en devait aussi les intérêts du jour du paiement ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident.