CASSATION sur le pourvoi formé par :
- le Crédit lyonnais, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre correctionnelle, du 27 janvier 1993, qui, sur renvoi après cassation, a débouté la partie civile de sa demande, après relaxe définitive de Jean-Louis X... des chefs de faux et usage de faux en écriture de banque.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 147, 150 et 151 du Code pénal, 2, 3, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a débouté le Crédit lyonnais de sa constitution de partie civile ;
" aux motifs que le fait d'utiliser le code d'un autre employé ne constitue pas une manoeuvre frauduleuse, d'autant que cette pratique est courante dans une agence bancaire ; que le fait de déposer des sommes sur son compte personnel afin qu'il produise des intérêts, alors que ces sommes proviennent du commerce de l'épouse, est peut-être une dérogation aux accords salariaux accordant aux employés un compte courant rémunéré, mais en tout cas n'a pas de caractère pénal ;
" que le fait d'appliquer des dates de valeurs rétroactives ne peut recevoir de qualification pénale puisque seule une position hiérarchique supérieure à celle de X... donne cette possibilité, ce qui établit que cette pratique est purement discrétionnaire ;
" qu'enfin, la date de valeur est un concept théorique qui a pour seul effet d'assurer une rémunération supplémentaire aux opérations de la banque ;
" qu'en conséquence, il ne peut être retenu de faute à l'encontre de X... qui aurait pu permettre d'envisager la réparation d'un préjudice éventuel ;
" alors que l'inscription de fausses indications dans des écritures de banque au sens de l'article 150 du Code pénal constitue une altération des faits que ces documents avaient pour objet de constater ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que X..., employé au service "traitement administratif caisse", au Crédit lyonnais, a appliqué à des versements d'espèces, destinés au compte courant de son épouse, des valeurs rétroactives causant un préjudice pour le Crédit lyonnais, évitant ainsi des agios ; qu'il a comptabilisé sur son compte CLP des opérations provenant de l'activité non salariée de son épouse lui permettant ainsi d'obtenir des intérêts créditeurs et qu'il a viré, ensuite, ces sommes au compte de sa femme, lui permettant de bénéficier de 2 à 7 jours de valeurs supplémentaires ; qu'en antidatant des versements sur le compte courant de son épouse, et en modifiant les dates de valeurs, X... a altéré la vérité et commis une faute qui a entraîné pour la banque un grave préjudice qui doit être réparé ; qu'en refusant de constater que les actes délictueux de X... constituaient une faute, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes visés au moyen " ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article 441-1 du Code pénal, entré en vigueur le 1er mars 1994 ;
Attendu que constitue un faux pénalement punissable l'altération frauduleuse de la vérité, préjudiciable à autrui, accomplie dans un document faisant titre ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'il est reproché à Jean-Louis X... d'avoir, d'une part, antidaté, parfois avec un écart de 2 mois, des versements effectués sur le compte commercial ouvert au nom de son épouse dans les livres de l'agence du Crédit lyonnais où il était employé et, d'autre part, porté au crédit de son compte personnel, producteur d'intérêts, des sommes qui, provenant de l'activité commerciale de son épouse, devaient être inscrites au compte non rémunéré de cette dernière ;
Attendu que, statuant après renvoi de cassation sur la seule action civile exercée par le Crédit lyonnais contre X... définitivement relaxé des fins de la poursuite des chefs de faux et usage de faux, la cour d'appel, pour débouter la partie civile de sa demande, se prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Mais attendu qu'en se déterminant de la sorte, après avoir constaté la fausse indication de la date de valeur d'opérations financières affectant un compte bancaire et l'inscription erronée, au crédit d'un compte, de versements destinés à un autre compte, et alors qu'était allégué par la banque un préjudice résultant de ces altérations de la vérité dans ses écritures et constitué tant par le manque à gagner sur les agios exigibles que par le versement indu d'intérêts, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, du 27 janvier 1993, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon.