Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., travailleur handicapé, a été engagé le 28 juin 1970 par l'Association des paralysés de France pour exercer l'activité de monteur-câbleur dans un atelier protégé ; qu'il a été affecté à un poste en régie où il effectuait des travaux payés au temps passé, indépendamment du rendement, l'employeur ne lui faisant pas application à cet égard des dispositions de l'article L. 323-32 du Code du travail ; qu'en mars 1989, le salarié a été affecté à un autre service et a été alors rémunéré en fonction de la grille de salaires résultant de cet article et tenant compte du rendement ; qu'ayant, de ce fait, subi une importante réduction de salaire, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes ; que, le 27 septembre suivant, il a été licencié pour avoir refusé d'accepter les modifications de son contrat de travail présentées comme " imposées du fait des graves difficultés financières " de l'établissement ; qu'il a alors également formé des demandes en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié reproche à la cour d'appel d'avoir dit que la rupture du contrat de travail lui était imputable et de l'avoir débouté de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, d'une part, qu'il résulte de l'article R. 323-60 du Code du travail que la vocation des ateliers protégés est en principe de permettre aux travailleurs handicapés d'exercer une activité professionnelle salariée ; que la possibilité pour ces ateliers d'embaucher des salariés valides ne constitue qu'une faculté liée à la nécessité de leur production ; que l'employeur ne peut, sous prétexte de rentabilité, méconnaître le but de l'institution et procéder à une mutation qui a pour effet de maintenir la rémunération des salariés valides et diminuer substantiellement celle des invalides, voire rompre leur contrat ; que la cour d'appel, qui n'a pas pris en considération la finalité des ateliers protégés et la spécificité des dispositions qui les réglementent pour apprécier l'abus de pouvoir de l'employeur, a violé les articles R. 323-60 et L. 323-30 du Code du travail ; alors, d'autre part, que la cour d'appel, qui a constaté que le contrat de travail du salarié avait subi une modification substantielle refusée par lui, ne pouvait, en violation de l'article 1134 du Code civil, dire la rupture imputable au salarié ;
Mais attendu, d'abord, que les textes susvisés ne faisaient obligation à l'employeur d'assurer du travail au salarié handicapé que dans les conditions définies à l'article L. 323-32 du Code du travail ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel a constaté que c'était en raison de difficultés mettant en cause l'équilibre financier de l'entreprise dont la situation était préoccupante, et notamment sous la pression de la société IBM, pour laquelle l'atelier où était affecté le salarié travaillait en régie, que l'employeur avait été contraint d'affecter M. X... à un autre poste de travail et de cesser de le faire bénéficier de conditions de rémunération plus favorables que celles prévues à l'article L. 323-32 du Code du travail pour lui appliquer désormais strictement les dispositions légales ; qu'ayant ainsi relevé, abstraction faite du motif erroné mais surabondant relatif à l'imputabilité de la rupture, que la modification d'un élément essentiel du contrat de travail, qui n'était pas contraire aux dispositions légales sur le travail protégé, avait été imposée par la réorganisation de l'entreprise, la cour d'appel a pu décider que le licenciement résultant du refus du salarié d'accepter cette modification avait un motif économique ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande en rappel de salaires et d'un élément substantiel de congés payés et de préavis s'y rattachant pour la période de mars à octobre 1989, la cour d'appel a énoncé que la rupture du contrat de travail lui était imputable et que le licenciement, intervenu le 27 octobre 1989, n'était pas abusif ;
Attendu, cependant, qu'en cas de refus par un salarié d'accepter une modification d'un élément substantiel de son contrat de travail, ce contrat se poursuit aux conditions antérieures jusqu'à la date de sa rupture ; qu'ayant constaté qu'en dépit du refus du salarié d'accepter une modification du contrat de travail qu'elle a qualifiée de substantielle, la relation de travail s'était poursuivie jusqu'au 27 octobre 1989 et que, pendant cette période, l'employeur avait unilatéralement imposé au salarié de nouvelles conditions de rémunération, la cour d'appel, en statuant comme elle l'a fait, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions ayant rejeté les demandes de la salariée en rappel de salaires et d'indemnités s'y rattachant, l'arrêt rendu le 27 septembre 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims.