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26/05/1994 | FRANCE | N°93-83180

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 mai 1994, 93-83180


ARRÊT N° 2
REJET des pourvois formés par :
- le procureur général près la cour d'appel de Colmar,
- le syndicat CFDT Construction Bois du Bas-Rhin,
contre l'arrêt n° 303 / 93 de ladite cour d'appel en date du 11 mars 1993 qui a relaxé André X... du chef d'infraction à la réglementation du travail en matière d'hygiène et de sécurité.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par le procureur général et pris de la violation de l'articl

e 593 du Code de procédure pénale, insuffisance de motifs et dénaturation de documents ;
Sur...

ARRÊT N° 2
REJET des pourvois formés par :
- le procureur général près la cour d'appel de Colmar,
- le syndicat CFDT Construction Bois du Bas-Rhin,
contre l'arrêt n° 303 / 93 de ladite cour d'appel en date du 11 mars 1993 qui a relaxé André X... du chef d'infraction à la réglementation du travail en matière d'hygiène et de sécurité.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par le procureur général et pris de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, insuffisance de motifs et dénaturation de documents ;
Sur le second moyen de cassation proposé par le procureur général et pris de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, des articles 173, 176, 178 et 181 du décret du 8 janvier 1965, L. 263-2 et L. 263-6 du Code du travail, défaut et insuffisance de motifs, manque de base légale ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par le syndicat CFDT et pris de la violation des articles 5, 66, 72 et 75 du décret du 8 janvier 1965, L. 263-2 du Code du travail et 1134 du Code civil, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré non établies les infractions à la réglementation du travail poursuivies à la charge du prévenu et, de ce chef, a débouté la partie civile, le demandeur, de ses demandes ;
" aux motifs que par procès-verbal n° 91 / 140 l'inspecteur du Travail a constaté, le 2 septembre 1991, que cinq salariés de la société Trabet travaillaient à l'intérieur ou à proximité d'une fouille dans des conditions contraires aux règles de sécurité ; que le chef d'entreprise a la faculté de déléguer la direction du chantier à un préposé compétent investi d'une autorité suffisante ; que la société Trabet a conclu un contrat avec M. Y... dirigeant de la société Alsace Environnement qui fait partie du groupe Trabet ; que le contrat dispose que pour l'ensemble des sociétés du groupe, M. Y... est responsable de la sécurité avec obligation de veiller à l'application des règles de sécurité en mettant en oeuvre les moyens nécessaires (formation, information, contrôle) ; que par note de service la société Trabet informait les responsables des sociétés du groupe de l'investiture de M. Y... ; qu'il était rappelé pour la signature de M. X... qu'en plus du contrôle de l'application de la réglementation, M. Y... est chargé de la prévention des accidents du travail, de la coordination de l'instruction et du suivi des dossiers incidents, sinistres et autres ; qu'ainsi s'imposait à l'ensemble des sociétés du groupe, une personne liée par contrat à la société Trabet, investie d'une mission générale de sécurité ; que le contrat donne une large autonomie au délégataire qui a le pouvoir de mettre en oeuvre les moyens nécessaires à l'application du surplus de sécurité ; qu'il est précisé que M. Y... est ingénieur de formation et que son expérience professionnelle est expressément visée pour justifier sa délégation du chef de sécurité ; qu'est établie en conséquence une délégation effectuée d'une partie des attributions du chef d'entreprise à un préposé investi tant de l'autorité que des moyens financiers nécessaires à veiller au respect de la sécurité ; qu'il importe peu de savoir que M. Y... dirigeait par ailleurs une société du groupe dès lors que son contrat de travail lui reconnaissait la responsabilité de chef de sécurité pour l'ensemble des sociétés du groupe Trabet qui avaient été informées de ce véritable abandon de pouvoir du président-directeur général de Trabet au profit de celui qui avait, de par sa formation, des compétences particulières dans le domaine de la sécurité du travail ; que l'enquête a permis de confirmer que M. Y... avait le pouvoir de faire éventuellement suite au chantier s'il estimait que les moyens de sécurité mis en oeuvre étaient insuffisants (audition de M. Z...) ; que M. Y... reconnaît qu'en considération de l'urgence des travaux, toutes les mesures de sécurité n'avaient pas été prises ; que de cet aveu résultait qu'il a failli à son devoir d'organisateur, de contrôleur ; qu'investi d'une mission précise, il n'a pas fait le nécessaire pour éviter la commission d'infractions qui ressortent de ses attributions par une délégation du prévenu ainsi exonéré de sa responsabilité ;
" alors que, d'une part, sur la qualité de préposé de M. Y..., la Cour ne pouvait affirmer que la société Trabet avait conclu un contrat avec celui-ci sans dénaturer le seul document versé aux débats, de ce chef, par le prévenu, ET / SE0117 / 04 document non daté, non signé et prévu entre M. Y... et la seule société Alsace Environnement et non pas la société Trabet ;
" alors, à cet égard, que les juges, tenus de statuer dans les limites des conclusions des parties, ne pouvaient se fonder sur un tel contrat dont l'existence n'était pas même alléguée par le prévenu qui considérait que M. Y... ne pouvait être rattaché, sur le plan administratif, qu'à une société du groupe Trabet, laquelle était manifestement la société Alsace Environnement, dirigée par lui ;
" alors que, d'autre part, une mission générale de sécurité pour l'ensemble des sociétés (17) d'un groupe ne peut valoir délégation de pouvoirs des dirigeants de chacune de ces sociétés et les exonérer de toute responsabilité, ces dirigeants demeurant tenus de veiller personnellement à l'observation des règles protectrices relatives à la sécurité des ouvriers ; qu'en décidant autrement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors, en outre, qu'il résulte de documents visés par l'arrêt infirmatif attaqué, tant le prétendu contrat de M. Y... que la note de service, qu'était en réalité conféré à M. Y... plus un rôle d'animateur de sécurité qu'un véritable rôle de contrôle effectif des chantiers, comme le soulignait le syndicat exposant dans ses conclusions ; que la cour d'appel a donc, de ce chef encore, méconnu la portée de ces documents " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que l'inspecteur du Travail a constaté que cinq salariés de la société Trabet travaillaient dans une fouille dont l'accès n'était pas protégé et dont les parois n'étaient pas étayées ; qu'André X..., président de la société Trabet, et l'ingénieur Y..., directeur de la société Alsace Environnement appartenant au groupe Trabet, qui avait été investi de la responsabilité en matière de sécurité pour toutes les sociétés du groupe, ont été poursuivis pour infractions aux dispositions du décret du 8 janvier 1965 ; que le Tribunal a déclaré le premier coupable et, par une décision devenue définitive à cet égard, a relaxé le second ;
Attendu que, saisie de l'appel d'André X... et de l'appel incident du ministère public, la juridiction du second degré, pour infirmer le jugement sur la déclaration de culpabilité, énonce que le chef d'entreprise, pénalement responsable des infractions aux règles de sécurité, a la faculté de déléguer ses pouvoirs à un préposé compétent investi d'une autorité suffisante ; qu'elle relève que la société Trabet avait conclu avec l'ingénieur Y... un contrat stipulant que ce dernier était, pour l'ensemble des sociétés du groupe, responsable de la sécurité avec obligation de veiller à l'application des règles de sécurité et que, par note de service signée d'André X..., la société Trabet avait informé toutes les sociétés du groupe de l'investiture d'Antoine Y... en précisant que celui-ci était chargé de la prévention des accidents du travail ; qu'elle observe que le contrat donnait une large autonomie au délégataire qui avait le pouvoir de mettre en oeuvre les moyens nécessaires à l'application des règles de sécurité ; que les juges concluent de ces constatations qu'Antoine Y..., qui avait, de par sa formation, des compétences particulières dans le domaine de la sécurité du travail, avait reçu une délégation effective de pouvoirs et avait été investi par le chef d'entreprise de l'autorité et des moyens nécessaires ; que cette délégation excluait la responsabilité pénale d'André X... ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ; que, d'une part, il n'appartient pas à la Cour de Cassation de réviser l'interprétation que les juges ont faite des documents versés aux débats et contradictoirement discutés ; que, d'autre part, rien n'interdit au chef d'un groupe de sociétés, qui est en outre le chef de l'entreprise exécutant les travaux, de déléguer ses pouvoirs en matière d'hygiène et de sécurité au dirigeant d'une autre société du groupe, sur lequel il exerce son autorité hiérarchique ; qu'enfin les juges ont souverainement apprécié que l'ingénieur délégué avait les compétences, l'autorité et les moyens nécessaires pour exercer effectivement les pouvoirs qui lui avaient été délégués ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 93-83180
Date de la décision : 26/05/1994
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Hygiène et sécurité des travailleurs - Responsabilité pénale - Chef d'entreprise - Exonération - Cas - Délégation de pouvoirs - Groupe de sociétés - Délégation donnée par le président de la société dominante - Délégataire membre d'une société filiale.

Le président de la société dominante d'un groupe de sociétés peut déléguer ses pouvoirs en matière d'hygiène et de sécurité à un membre d'une société filiale placé sous son autorité hiérarchique (arrêts n°s 1 et 2). Le président de la société dominante d'un groupe de sociétés, qui est en même temps dirigeant d'une société filiale à qui la première à sous-traité des travaux, peut également déléguer ses pouvoirs en matière d'hygiène et de sécurité à un membre d'une autre société filiale placé sous son autorité hiérarchique (arrêt n° 3). Dans ces deux hypothèses le chef d'entreprise s'exonère de sa responsabilité pénale dès lors que les juges constatent que le délégataire est pourvu de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires.


Références :

Code du travail L263-2, L263-6Décret 65-48 du 08 janvier 1965 art. 173, art. 176, art. 178, art. 181

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 11 mars 1993


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 mai. 1994, pourvoi n°93-83180, Bull. crim. criminel 1994 N° 208 p. 486
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1994 N° 208 p. 486

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Dumont, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Galand.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Batut.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Piwnica et Molinié (arrêts n°s 1, 2, 3), la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin (arrêt n° 2).

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:93.83180
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