IRRECEVABILITE et CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- l'Association des foyers de la Région parisienne,
- la SARL Entreprise service sécurité,
- la SA Continentale européenne venture,
- la SARL Multiple Business Utility Services,
- la SA Agence de gestion d'organismes et de sociétés,
- l'Association pour le logement des personnes isolées,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 9e chambre, en date du 22 avril 1992, qui les a déboutées de leurs demandes, après relaxe de Georges X... et Michel Y... pour obstruction au libre exercice du droit de vote des actionnaires.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
I. Sur le pourvoi formé par la SARL Entreprise service sécurité :
Attendu que, poursuivis sur citation directe de la SARL Entreprise service sécurité (ESS) du chef d'infraction à l'article 440. 1° de la loi du 24 juillet 1966, Georges X... et Michel Y... ont été relaxés par jugement en date du 4 juillet 1991 ; que la partie civile, déboutée par voie de conséquence, n'a pas exercé de recours contre cette décision qui est devenue définitive à son égard ;
Attendu qu'en cet état, le pourvoi formé par la société ESS contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, en date du 22 avril 1992, qui, sur l'appel du seul ministère public, a elle-même confirmé cette décision pour d'autres motifs, n'est pas recevable ;
II. Sur le pourvoi formé par les autres demandeurs :
Sur le moyen unique de cassation commun aux cinq demandeurs et pris de la violation des articles 161, alinéas 1 et 2, 440. 1° de la loi du 24 juillet 1966, 132 du décret du 23 mars 1967, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a renvoyé X... et Y... des fins de la poursuite du chef d'infraction à l'article 440. 1° de la loi du 24 juillet 1966 et, en conséquence, a débouté les parties civiles de leurs demandes en réparation ;
" aux motifs qu'à l'inverse, dans leurs écritures, les parties civiles intimées énoncent, pour affirmer le bien-fondé de leur action et de la décision du Tribunal qui a fait droit à leurs demandes qu'il est de droit et de pratique constante que les personnes morales actionnaires sont représentées aux assemblées générales soit par leur représentant légal, soit par un mandataire pouvant justifier de pouvoir régulier sans que lui-même soit nécessairement actionnaire : mais une telle affirmation, par elle-même contraire aux dispositions des alinéas 1 et 2 de l'article 161 de la loi du 24 juillet 1966 est formellement condamnée par l'alinéa 3 dudit article aux termes duquel " les clauses contraires aux dispositions des alinéas précédents sont réputées non écrites ", l'économie de ces textes étant reprise à l'article 132 du décret du 23 mars 1967 ;
" alors qu'aux termes de l'article 161 de la loi du 24 juillet 1966, l'actionnaire peut se faire représenter par un actionnaire ou son conjoint ; qu'en l'espèce, la loi qui ne dispose pas que seuls ces deux modes de représentation soient autorisés, n'induit pas une limitation des modes de représentation des actionnaires ; qu'ainsi la Cour en donnant aux termes de l'article 161 une interprétation restrictive a violé les textes visés au moyen " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il résulte des dispositions combinées des articles 161 et 440. 1° de la loi du 24 juillet 1966 que toute personne morale, actionnaire d'une société anonyme, est représentée aux assemblées générales de celle-ci, soit par son représentant légal, soit par un fondé de pouvoir désigné à cet effet, conformément à la loi ou aux statuts, que ce dernier soit ou non lui-même actionnaire ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement auquel il se réfère quant à l'exposé des faits que les représentants légaux de deux associations, de deux sociétés anonymes et d'une société à responsabilité limitée, toutes actionnaires de la société anonyme Société immobilière familiale de construction de Bobigny (SIFC), ont désigné, chacun, un mandataire distinct pour les représenter à l'assemblée générale des actionnaires de la SIFC ; que le président du conseil d'administration de cette dernière, X..., et le gérant de la SARL Soguim, Michel Y..., qui avait en charge la gestion courante de la SIFC, ont refusé l'accès de cette assemblée à ces mandataires ; qu'en raison de ces faits, ils ont été poursuivis du chef d'infraction à l'article 440. 1° de la loi du 24 juillet 1966 ;
Attendu que pour les relaxer, l'arrêt attaqué se borne à énoncer que les mandataires n'ayant pas eux-mêmes la qualité d'actionnaires de la SIFC, c'est à bon droit que les prévenus, faisant application en l'espèce, de l'article 161, alinéa 1er, de la loi précitée, avaient agi comme ils l'ont fait ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans rechercher si les mandataires auxquels l'accès des assemblées avait été refusé, n'avaient pas été régulièrement désignés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes et principes susrappelés ;
Que la cassation est ainsi encourue ;
Par ces motifs :
I. Sur le pourvoi de la SARL Entreprise service sécurité :
DECLARE le pourvoi IRRECEVABLE ;
II. Sur le pourvoi en ce qu'il concerne les autres demandeurs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 22 avril 1992, mais seulement en ses dispositions civiles, toutes autres dispositions étant expressément maintenues et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi encourue :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.