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25/05/1994 | FRANCE | N°92-83405

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 mai 1994, 92-83405


CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- le Syndicat des pharmaciens des Bouches-du-Rhône, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 7e chambre, en date du 3 février 1992, qui, dans la procédure suivie contre Daniel X... du chef d'exercice illégal de la pharmacie et contre Jean Y... du chef de complicité de ce délit, l'a débouté de sa demande après avoir relaxé les prévenus.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L. 511, L.

512, L. 517 et L. 658-1 du Code de la santé publique, de la directive 65 / 65 ...

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- le Syndicat des pharmaciens des Bouches-du-Rhône, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 7e chambre, en date du 3 février 1992, qui, dans la procédure suivie contre Daniel X... du chef d'exercice illégal de la pharmacie et contre Jean Y... du chef de complicité de ce délit, l'a débouté de sa demande après avoir relaxé les prévenus.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L. 511, L. 512, L. 517 et L. 658-1 du Code de la santé publique, de la directive 65 / 65 du Conseil des Communautés européennes, 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, défaut et contradiction de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Jean Y... et Daniel X... du délit d'exercice illégal de la pharmacie et en conséquence débouté la partie civile de son action ;
" aux motifs d'une part, qu'en ce qui concerne l'éosine on trouve seulement à la fois sur le carton sur lequel est collée la bouteille, le nom du fabricant, Trepharm, le nom du produit, éosine, solution aqueuse à 2 % et au dos, sur le carton, les mentions suivantes :
" nettoyer la peau appliquer une fois par jour avec des bâtonnets Tigex ou des compresses Trepharm et en bas... Trepharm une gamme complète de pansements et de produits de soins et d'hygiène " ; que ce produit est présenté, non pas comme antiseptique ou antibactérien pour le traitement ou la prévention d'infections ou de lésions de la peau mais comme un simple produit d'hygiène ; que les mentions relatives à son utilisation ne peuvent faire penser à un consommateur moyennement avisé qu'il s'agit d'un médicament ;
" et que, sur l'alcool à 70° modifié, son conditionnement est identique, qu'on y voit seulement le nom du produit et du fabricant Trepharm ainsi que la même référence aux produits de soins et d'hygiène, sans aucune instruction d'utilisation ; que le conditionnement décrit ci-dessus, une bouteille collée sur un carton, recouverte d'un emballage plastique correspond davantage au contraire, aux produits, quels qu'ils soient, vendus en grande surface qu'aux médicaments vendus en officine ; que ni l'éosine ni l'alcool à 70° ne peuvent, en l'espèce, être considérés comme des médicaments par présentation ;
" 1° alors que doit être regardé comme un médicament au sens de la première définition communautaire et de l'article L. 511 du Code de la santé publique, tout produit dont la présentation tend, " pour des raisons de politique commerciale, à le faire ressembler à un médicament " (attendu n° 24 de l'arrêt préjudiciel) ; qu'en relevant expressément que les produits en cause portent ostensiblement la marque significative " Trepharm ", sans rechercher si cette mention traduit la volonté de les présenter comme des médicaments et non comme de simples produits d'hygiène, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
" 2° alors que l'article L. 658-1 du Code de la santé publique définit les produits cosmétiques ou d'hygiène corporelle comme ceux, " autres que les médicaments ", " destinés " à être mis en contact avec les parties superficielles du corps humain " en vue de les nettoyer, de les protéger, de les maintenir en bon état, d'en modifier l'aspect, de les parfumer ou d'en corriger l'odeur ", ce qui les distingue des médicaments dont la destination est d'ordre thérapeutique ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que le mode d'emploi de l'éosine Trepharm prescrit une opération de nettoyage de la peau avant l'application du produit et que cette application doit être faite " une fois par jour " ce dont il résulte que le produit litigieux n'est pas présenté comme un cosmétique, mais comme un produit destiné à être appliqué sur la peau dans des conditions restrictives à des fins autres que le nettoyage, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées et entaché sa décision de contradiction de motifs ;
" 3° alors que l'alcool à 70° et l'éosine à 2 % étant des produits officinaux divisés dont la présentation est réglementée par des dispositions limitant les mentions pouvant figurer sur l'emballage et par l'emploi obligatoire de leur dénomination prévue par le Codex, la cour d'appel ne pouvait sans priver sa décision de base légale déduire du laconisme des mentions utilisées par la société Trepharm qu'ils n'étaient pas présentés comme les mêmes produits vendus en pharmacie ;
" aux motifs, d'autre part, que pour rentrer en voie de condamnation, le Tribunal, qui de toute évidence n'a pas envisagé la possibilité de médicament par présentation, a décidé que les deux produits incriminés étaient des médicaments par fonction, estimant :
" l'alcool à 70° modifié par adjonction de camphre et de tartrazine constitue un puissant antiseptique à usage médical et chirurgical,
" que l'éosine aqueuse est un antiseptique desséchant et utilisé médicalement avec comme terrain d'élection le traitement des plaies et des affections cutanées,
" que le professeur Rudler, expert national en toxicologie, directeur du laboratoire de toxicologie à la préfecture de police de Paris, dont la compétence n'est pas discutée, a conclu que l'éosine et l'alcool à 70° répondaient parfaitement à la définition des cosmétiques de la directive européenne du 27 juillet 1976 ; qu'elle indique que l'alcool à 70° Trepharm est un produit utilisé comme antiseptique cutané sans danger pour la santé, sans lien avec une quelconque pathologie, sans effet curatif au sens thérapeutique du terme ; que l'éosine aqueuse Trepharm, produit couramment utilisé pour la toilette du nourrisson, est un produit d'hygiène corporelle des enfants en bas âge ; que son efficacité antiseptique est désormais contestée ; qu'il ne figure pas dans le traité de pharmacologie de référence ; que le professeur Louis Dubertret, directeur de l'unité de pharmacologie à l'INSERM, estime lui aussi que l'alcool à 70° modifié est un produit d'hygiène corporelle, utilisé le plus souvent pour nettoyer une peau saine, qu'il s'agit là d'un produit bien toléré ;
" 4° alors que doit être regardé comme un médicament au sens de la seconde définition communautaire et de l'article L. 511 du Code de la santé publique, tout produit pouvant être administré dans un but thérapeutique en sorte que le critère du médicament par " fonction " doit être recherché non dans la plus ou moins grande efficacité ou innocuité du produit considéré, mais dans l'usage médical ou non auquel il est destiné ; qu'en écartant la qualification de médicament après relevé d'une part que l'alcool à 70° modifié " constitue un puissant antiseptique à usage médical et chirurgical " et que l'éosine " est un antiseptique desséchant et utilisé médicalement ", la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences qui s'en évinçaient, violant ainsi les textes visés au moyen ;
" et qu'en écartant la qualification de médicament au motif que certains experts doutaient de l'efficacité thérapeutique des produits en cause, la cour d'appel a derechef méconnu le sens et la portée desdits textes ;
" 5° alors qu'enfin, il résultait des prescriptions mêmes apposées sur l'emballage de l'éosine que le produit, à appliquer après nettoyage de la peau, n'était pas destiné seulement à nettoyer celle-ci mais à produire des effets thérapeutiques autres que ceux d'un produit d'hygiène ; d'où il suit que la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences qui s'en évinçaient, violant ainsi les textes visés au moyen " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu, d'une part, que, selon l'article L. 511 du Code de la santé publique, sont considérés comme médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que tout produit pouvant être administré à l'homme ou à l'animal, en vue de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques ;
Attendu, d'autre part, que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Daniel X..., qui n'a pas la qualité de pharmacien, a mis en vente, dans le supermarché dont il est directeur, de l'éosine aqueuse à 2 % et de l'alcool modifié à 70° ; qu'il a été poursuivi pour exercice illégal de la pharmacie ; que Jean Y..., directeur de la centrale d'achat de la société qui exploite ce magasin, a été poursuivi pour complicité de ce délit ;
Attendu que, par arrêt du 7 novembre 1988, la cour d'appel, faisant droit à la demande des prévenus, a saisi la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle relative à l'interprétation de la notion de médicament et à sa définition en droit communautaire ;
Attendu que, par arrêt du 21 mars 1991, cette Cour de justice a dit pour droit que " l'éosine à 2 % et l'alcool à 70° modifié sont des médicaments ", au sens de l'article 1er, paragraphe 2, alinéa 1er, de la directive 65 / 65 CEE du Conseil, du 26 janvier 1965, " s'ils sont présentés comme possédant des propriétés curatives et préventives " et que " la qualification de ces produits au regard de la deuxième définition du médicament énoncée à l'article 1er, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 65 / 65 CEE doit être faite compte tenu des adjuvants complétant la composition du produit, de ses modalités d'emploi, de l'ampleur de sa diffusion, de la connaissance qu'en ont les consommateurs et des risques que peut entraîner son utilisation " ;
Attendu que, pour relaxer les prévenus, la juridiction du second degré, après avoir décrit le conditionnement des produits mis en vente, retient, en premier lieu, que ni l'un ni l'autre ne sont présentés comme possédant des propriétés curatives ou préventives et en déduisent qu'il ne s'agit donc pas de médicaments par présentation ;
Attendu que les juges analysent en second lieu les avis émis par deux spécialistes, l'un en toxicologie, l'autre en pharmacologie, et concluent que l'éosine aqueuse à 2 % et l'alcool à 70° modifié doivent être considérés comme des produits d'hygiène corporelle relevant de la réglementation prévue par les articles L. 658-1 et suivants du Code de la santé publique ;
Mais attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si, compte tenu de leur marque Trepharm, de leurs modalités d'emploi, de l'ampleur de leur diffusion, de la connaissance qu'en ont les consommateurs et de leur effet antiseptique connu et relevé par les premiers juges, les produits mis en vente ne devaient pas être considérés comme pouvant être administrés en vue de restaurer ou de corriger les fonctions organiques, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Que, dès lors, la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen proposé :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 3 février 1992, mais en ses dispositions civiles seulement et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 92-83405
Date de la décision : 25/05/1994
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Pharmacie - Spécialités pharmaceutiques - Médicament - Médicament par présentation ou par fonction - Médicament par fonction - Définition.

On entend par médicament, aux termes de l'article L. 511 du Code de la santé publique, toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines, ainsi que tout produit pouvant être administré à l'homme ou à l'animal, en vue de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques. Encourt, dès lors, la cassation l'arrêt qui, au vu de l'avis de deux experts, retient que l'éosine aqueuse à 2 % et l'alcool modifié à 70°, dès lors qu'ils ne sont pas présentés comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines, doivent être considérés comme des produits d'hygiène corporelle, sans rechercher si, compte tenu de leur marque Trepharm, de leurs modalités d'emploi, de l'ampleur de leur diffusion et de leur effet antiseptique connu et relevé par les premiers juges, lesdits produits n'entrent pas dans les prévisions de l'article L. 511 précité. (1).


Références :

Code de la santé publique L511, L512, L517, L658-1

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 03 février 1992

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1989-12-19, Bulletin criminel 1989, n° 491, p. 1196 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 25 mai. 1994, pourvoi n°92-83405, Bull. crim. criminel 1994 N° 201 p. 463
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1994 N° 201 p. 463

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. Perfetti.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Jean Simon.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Célice et Blancpain, M. Le Prado.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:92.83405
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